Le stress des élèves à l’école
Interview d’André Giordan sur le stress (Nice Matin)
NC. - Une enquête de l’OCDE a montré que les écoliers français étaient les plus angoissés des pays développés.
AG. - Disons d’entrée que le stress est un concept aux contours flous. Le stress, de l’anglais "distress" (détresse) est une réaction nécessaire et même essentielle à notre survie. C’est une façon de réagir face à une situation perturbante. Un peu de stress est bon pour stimuler l’apprendre. Regardez du côté des acteurs ! Le problème est quand il perdure, quand il devient gratuit parce que le jeune n’a pas appris à le maîtriser ou à le dépasser. Or rien n’est fait à ce jour à l’école pour le travailler. Au contraire, il existe une tradition scolaire française inutile pour le perpétuer.
NC. - À qui la faute ? Aux parents, trop soucieux de la réussite de leurs enfants ? Aux enseignants pratiquant plus volontiers la sanction que l’encouragement ?
AG. - La pression de notre société devient très importante pour tout. Le Bureau international du travail (BIT) a évalué que le nombre de gens "stressés" a doublé en 10 ans. Les femmes sont plus affectées que les hommes. La Communauté européenne estime entre 3 et 4 % du PIB la charge due aux stress. On trouve ainsi des parents déjà angoissés pour les études de leurs chérubins dès l’école maternelle ! L’école ne fait rien pour en limiter le phénomène, notamment au Collège. Les lieux sont impersonnels, les programmes dithyrambiques et impensés, la convivialité absente des salles de classe et des cours de récréation. C’est une évaluation d’ensemble ; quelques enseignants en ont bien pris conscience.
NC. - Quelles sont les tranches d'âges les plus touchées par ce stress ? Les plus jeunes sont-ils aussi concernés?
AG. - Le stress se rencontre davantage chez les jeunes enfants qui entrent au premier cycle du primaire. Toutefois, il n'est pas rare de retrouver cette même angoisse chez les élèves du secondaire et même chez les plus vieux, notamment quand on approche des contrôles et du bac. En fait, plus les changements sont destabilisants sans raison, plus l'écolier est susceptible d'être stressé.
NC. - Quelle est l’incidence du stress vécu à l’école sur l’apprentissage et de façon plus générale la réussite scolaire ?
AG.- Un stress pas contrôlé, prolongé a des conséquences négatives sur l’organisme, notamment sur le cerveau, et à plus long terme sur la santé. Si le stress perdure, l’organisme est incapable de faire face, l’enfant passe à une phase d’épuisement. Ses défenses immunitaires s’effondrent, il est souvent malade. Dans un état de tension excessive, sa soupape de sécurité explose. Apparaissent alors une fatigue chronique, d’où un fort absentéisme, parfois la colère, voire même la dépression. Tout cela est contreproductif à l’apprendre…
NC.- Quelles mesures peuvent adopter les enfants pour vivre de façon plus sereine leur scolarité ?
AG.- Une éducation à la santé ne serait pas de trop à l’école. On n’apprend pas aux enfants –ni aux adultes d’ailleurs- à écouter leur corps. Dans mes cours, je leur fais ressentir leur corps de l’intérieur. Je leur dis : « si tu rencontres un de ces problèmes régulièrement ou de manière très forte, c’est peut-être que tu es trop stressé : mal de dos, problèmes de sommeil, mal-être général, tristesse, fatigue, notamment au réveil, trous de mémoire, mal de ventre, anxiété, irritabilité, migraine, ou simplement tics -par exemple remuer continuellement son pied ». Je leur donne une série de possibles pour se destresser… C’est à ces conditions que l’enseignant peut devenir exigeant avec les élèves ensuite…
NC. - Quels conseils donneriez-vous aux enseignants (et aux parents) pour motiver les écoliers sans les stresser ?
AG. - Face aux dogmes autoritaires qui reviennent à la mode, il est essentiel de rappeler que le « bon » maître, s’il ne doit pas renoncer à son autorité, sait néanmoins ne pas en abuser ! Certains enseignants confondent domination, distance, voire mépris avec exigence, rigueur et efforts nécessaires pour apprendre. Ce processus est suffisamment perturbant en soi, il n’est pas nécessaire d’y ajouter des stress gratuits. Au contraire tout doit être fait pour dédramatiser la situation et accompagner. Le bon maître est à la fois compréhensible et compréhensif !
Pour en savoir plus sur comment éviter le stress à l’école : Coach College, Play Bac, 2006,
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