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Comment s’élaborent les savoirs émergents ?
Claire Héber-Suffrin et André Giordan
Une réflexion « à chaud » sur l’émergence d’un domaine émergent n’est pas évidente! Plutôt que de vouloir présenter une épistémologie de l’émergence « clef en main » qui ne pourrait être dans l’état actuel au mieux qu’une épistémologie « de cuisine », tant ce domaine est neuf, donc balbutiant, il a paru profitable de présenter les diverses dimensions caractérisant cette élaboration. Elles seront présentées telles qu’elles sont apparues dans les récits ou études, faits par des membres de notre groupe, lors de leur propre élaboration de savoirs émergents. De ces récits, de ces études plus ou moins théorisées, des pistes, des approches, des prospectives ou des questions ont émergé à leur tour et ont été répertoriées. Tous éléments préfigurant sans doute une démarche à faire promouvoir en la matière (1). Elle reste en l’état, certes, balbutiante. Il paraissait toutefois important au groupe de travail de présenter cette première étape.
Un processus à la fois personnalisé et coopératif de créativité
Si l’on prend le savoir « Savoir s’organiser et travailler en réseau » en tant que savoir émergent, on peut dire d’entrée que celui-ci s'est élaboré dans un processus long et méticuleux. Les premières données établies sont le croisement de questionnements devant le réel, d’une disponibilité aux événements, de mutualisations et de coopération… Claire Héber-Suffrin par exemple, décrit sa première expérience de mise en réseau de la façon suivante. Celle-ci implique une multitude de paramètres que l’on retrouve – bien que chaque expérience soit unique – dans la plupart des situations d’émergence de savoirs :
- Une imprégnation de valeurs, une histoire personnelle, individuelle et collective sur laquelle s’appuyer. C'est-à-dire un fond social et culturel à conscientiser, qui est constitué de repères, de sécurités, d'aspirations, de savoirs et d’outils de questionnement.
- Une situation nouvelle pour elle. Arrivée jeune enseignante non formée dans une ville très pauvre de la banlieue parisienne, en l’occurrence elle se trouve confrontée à une situation porteuse de contraintes diverses, d'inattendus, d'incertitudes, d'insécurités mais aussi de repères dans sa propre histoire (l'école, la vie en HLM…).
- Des refus (refusdes catégorisations peu pensées, des stigmatisations réductrices et des fatalismes intégrés…), des colères (colères devant des humiliations vécues par les élèves, l'isolement vécu par les enseignants…) se conjuguant à des désirs (désirs d'essayer des pédagogies plus coopératives, de s'appuyer sur la fierté des enfants et de leurs parents et sur leurs savoirs, de les aider à découvrir leur force créatrice…), une envie pour elle-même de s'impliquer, de prendre plaisir à ce qu’elle fait, de se relier, de coopérer… qui fait qu’elle retient, dans ce qui se passe, événements, rencontres, créations, paroles… ce qui lui plait, ce qui enrichit et élargit les perspectives.
- Des interpellations, par des personnes,entre autres par un inspecteur (qui reconnaît sa pratique tout en l'interpellant et qui met en relation Claire Héber-Suffrin avec un Mouvement pédagogique), par des lectures (Illich, Freinet, Laborit, Morin dans une première période de construction des pratiques), ce qui est une occasion qui lui est donnée de relire ses propres pratiques en les regardant « d'ailleurs ».
- Des mutualisations diverses, sur différentes dimensions et perspectives de ses projets : mutualisations avec un club de prévention, des bibliothécaires, des écoles alternatives, des mouvements pédagogiques, des enseignants pratiquant des méthodes plus conventionnelles, des universitaires (professeurs et étudiants)…
- Un travail de conscientisation induit par une prise de parole publique dans un groupe de travail sur la notion de « réseaux ». Cette reformulation la conduit à découvrir le « fil rouge » qui traversera ses pratiques et les événements qu’elle a, plus ou moins consciemment, sélectionnés comme porteurs de ses convictions, de ses choix et de ses projections.
- Une reformulation alors et la construction d’un nouveau projet, d’un nouvel essai, plus conscient, plus relié, plus porté collectivement et plus transversal (la première expérience des réseaux de formation réciproque(2)).
- La mise en mémoire de l'expérience collective, au quotidien et au fur et à mesure de l'avancée et de l'élargissement du projet par et pour toutes les personnes concernées. C'est déjà des occasions d'analyser et d'anticiper coopérativement et donc de commencer à construire une théorie de cette pratique.
- Des travaux d’écriture et de recherche qui permettent unapprofondissement de la théorisation par son engagement dans une formation universitaire. Ecriture (3), à partir de la mémoire quotidienne, constituée pendant cinq ans, d'un ouvrage sur « les réseaux ». Tout cela se situe dans l’air du temps : « l’après 68 » et les questions du temps, sur l'exclusion, les rapports d’autorité, le renouvellement du métier d'enseignant et de celui d'élève, etc. Les différentes dimensions de la pratique et de la réflexion autour du mot « réseau » sont en émergence en plusieurs endroits et de différentes manières, au risque même de la « mode ».
- Un « mouvement » se diffuse alors, s'élargit dans d'autres territoires, avec d'autres types d'acteurs, d'autres objectifs, obligeant à relier et à complexifier les perspectives et les pratiques, à inventer et diversifier les outils, à repérer des nécessités d'approfondir le concept de réseaux et les pratiques qu'il recouvre…
- Tout n’est cependant pas simple. Des difficultés, des résistances, des contraintes, des échecs, des incohérences questionnent et obligent à s'ouvrir, à aller chercher d’autres réponses chez d'autres et ailleurs (Paulo Freire, Don Milani, des expériences dans les ghettos noirs américains, les travaux des Mouvements pédagogiques…) mais aussi à construire et proposer des formations autour du concept de réseau en lien avec celui de réciprocité formatrice, à identifier et à organiser les questions que posent les pratiques, leurs réussites et leurs dysfonctionnement. Travail de prise de conscience de la lenteur du changement des représentations : on refait vite des organisations verticales, binaires, simplifiantes. parce que l'on n'a pas appris à penser, agir, se former et coopérer en réseaux. Les différentes formations (stages, questionnements des pratiques, universités d'été…) font avancer dans la construction de ce savoir émergent.
Un constat surgit alors : s'organiser en réseau pose vraiment problème et, cela, à plusieurs niveaux : certes au niveau des représentations intégrées des organisations mais aussi au niveau des pratiques où il semble souvent plus facile de refermer les organisations que de les ouvrir, de les contrôler que de les réguler… Les formations proposées alors autour des pratiques et du concept de réseau obligent à identifier et organiser les questions qu'il pose et à aller chercher chez des théoriciens et des praticiens ce qui peut éclairer le concept et ses mises en œuvre.
Des questionnements réciproques du projet, de ses fondements et de ses développements continuent à interroger les pratiques et la façon de poser les questions. Une tension créatrice permanente ? unemémoire collective qui s'organise en ateliers d'écriture et de lecture, des conventions avec des Universités, des colloques, des Inter-Réseaux, des universités d'été, la création d'un laboratoire de recherche, plusieurs recherche-action, des études, la production de plusieurs ouvrages collectifs, etc. ? fédère des énergies, alimente les échanges, produit un travail de réflexion qui transforme les questionnements sur les réseaux en mouvement, en création de pratiques et en constructions théoriques.
Au fur et à mesure que s'élabore une pratique théorisée ? la théorie de cette pratique ?, il importe également de repérer l'intérêt de composer, décomposer, apposer les pratiques et les idées.Par là, l’élaboration d’un savoir émergent semble irrémédiablement liée à d’autres savoirs, soit établis – disons académiques – soit encore à travailler. Parmi ces derniers, on peut noter en ce qui concerne le Savoir s’organiser et travailler en réseau :
- le savoir continuer (et accepter que ce processus soit continué avec ou par d’autres). Il s’agit là d’une question de maturation nécessaire : « Continuer pour commencer » disait Alain.
- le savoir être interpellé par quelque chose, un événement, une rencontre, un obstacle, une contrainte, une difficulté, un échec, une réussite inattendus, et ainsi savoir saisir l’inattendu.
- le savoir prendre en compte la complexité du vivant en particulier, de la société en général.
- le savoir intégrer ce qui dérange, ce qui défait les théories constituées (4), les conflits d’idées, de conceptions.
- le savoir se focaliser sur un objet de connaissance, d’action, de relation suffisamment motivant pour faire appel à l’implication.
En fait un savoir émergent est le produit d’un processus de créativité permanente ; un groupe, des collectifs, des individus peuvent en être des créateurs. Mais avant tout, c’est le résultat d’un rapport intime à soi articulé à un rapport raisonné à l’expérience collective. C’est le fruit d’un savoir prendre en compte ce que l’on sait à partir des sens, de l’intuition, de la raison et du sentiment. C’est faire fonctionner ensemble ces trois formes de penser : l’induction, la déduction, l’abduction.
Deuxième exemple de processus. Bernadette Cheguillaume décrit ainsi à la première personne sa propre élaboration à propos du Savoir vivre dans la différence culturelle. « Quand nous parlons de foi, ce que nous affirmons d’abord c’est notre relation avec l’humain (avec tout ce qui est véritablement humain) de manière que depuis l’humain (et seulement depuis l’humain), nous puissions rencontrer le divin, c’est-à-dire une vraie relation avec Dieu. (5)» C’est à partir de cette conviction que j’aborde la question de ma relation à l’autre, celui que je rencontre. Ce travail d’écriture au travers de l’ouvrage présent n’a fait qu’enrichir mon choix de vie et orienter mon désir de chercher la relation humaine au travers des personnes qui m’entourent. Il a fait ressortir l’importance du bénéfice personnel d’un travail effectué au sein d’un collectif en terme de construction de soi. Il est normal que cela apparaisse comme une conséquence car l’élaboration de mon texte coïncide avec mon histoire personnelle.
J’ai élaboré le savoir émergent savoir vivre dans la différence culturelle, en croisant de multiples dimensions de ma vie : des expériences vécues inhérentes à mon lieu de vie et à son style d’habitat, les diversités des cultures que je côtoie, une réflexion sur mes activités de la vie quotidienne et de quartier ainsi que sur mes activités citoyennes.
- Mon lieu d’habitation : j’habite à Toulouse, dans le quartier de Bagatelle, au 9ème étage d’une tour de treize étages qui comporte vingt-six familles de quatorze nationalités différentes.
- Ma vie de quartier : je rencontre les habitants au marché de Bagatelle, au supermarché, dans la rue, dans le métro, autant de lieux propices aux rencontres fortuites mais qui permettent de suivre la vie des uns et des autres.
- Ma Vie associative et mes activités citoyennes :
- « L’Arc en Ciel des savoirs » créé en 1996 par le CREPT-Formation (Centre Régional pour l’Etude et la Promotion du Travail) .
- « Les Psy dans le Quartier », association créée à la suite de l’explosion de l’usine A.Z.F. en septembre 2001.
- La Maison de Quartier de Bagatelle qui organise des soirées culturelles et des débats.
- Le Festival de quartier « En route vers », porté par des structures de la Mairie et des associations de quartier.
- Le collectif « La Galette et la Palette », collectif de sept associations aux finalités différentes qui réunissent les habitants de Bagatelle au moment de la Galette des rois pour une réflexion sur un thème, et au mois de mai pour une rencontre ludique.
- Le « Collectif de défense de familles de Bagatelle », une action ponctuelle de neuf mois qui a réuni des habitants et associations de Bagatelle, divers syndicats et des partis politiques pour permettre à une famille algérienne de six enfants de rester dans son appartement à Bagatelle. Elle devait retourner dans un deux pièces en hôtel au centre-ville. Cette action leur a permis d’obtenir leur permis de séjour en France.
- Le Collectif « Halte au Bruit ». Les nouvelles constructions aéronautiques sur l’aéroport de Blagnac ont nécessité de remettre à jour le Plan d’Expansion au Bruit (PEB). Une antenne sur Bagatelle du Collectif Contre les Nuisances Aériennes de l‘Agglomération Toulousaine (CCNAT) a surgi à l’initiative de quelques habitants sensibilisés au problème.
Au sein de ce quartier et au travers des engagements que j’ai pris dans toutes ces activités, j’ai pris conscience, dans le banal quotidien, de sa diversité et de sa richesse. Attentive, j’ai grappillé une multitude de petits faits et je les ai notés : je considère cette écoute comme très importante. J’ai observé et pris en compte tout ce qui me reliait au thème de la différence : la fête des peuples, les échanges au Réseau d’échanges réciproques de savoirs, des articles de revues et journaux. Parce que j’ai acquis la conviction que j’apprenais beaucoup de cette différence, j’en ai fait le thème de mon article dans cet ouvrage. C’est au travers des liens et points communs à tous que j’ai pu faire ces apprentissages. Ces liens existent, il suffit juste de les reconnaître. C’est, par exemple, le lien commun à toutes les différentes coutumes comme la vie familiale et la fratrie. Mais ce sont aussi les moments de rencontres tels que ceux proposés par le Réseau d’échanges réciproques de savoirs, ou encore celui occasionné par des préoccupations communes telles que les conséquences de l’explosion du 21 septembre 2001 à Toulouse.
La différence culturelle, pour moi, c’est aussi apprendre à différencier la conscience de pays et de continent. C’est se surprendre à dire : la France et l’Afrique ; la France est un pays, l’Afrique est un continent ; c’est donc comprendre et intégrer que l’Afrique est aussi différente dans ses composantes que peut l’être l’Europe. Quand on dit l’Afrique, de laquelle parlons-nous ? Afrique de l’ouest, Afrique de l’Est ? Et même à l’intérieur de ces deux entités, toute une gamme de différenciations fondamentales s’impose. Je découvre qu’il peut y avoir une difficulté à se comprendre entre africains : le Rwandais ne comprend pas ce que dit le congolais, s’ils parlent dans leur langue maternelle, pas plus que ma voisine sénégalaise qui parle le wolof. Pour certains asiatiques, c’est un peu différent : les sri lankais parlent le tamoul comme les indiens, ils savent aussi l’anglais. D’ailleurs, si je savais parler anglais, je pourrais les comprendre. Pour beaucoup, ce sont des évidences mais, de là à le vivre concrètement !
A partir de cette conscience de la différence, j’avais, avec d’autres habitants, le désir de permettre la compréhension de cette richesse à d’autres. C’est ainsi que nous avons organisé des repas interculturels à l’Arc en Ciel des savoirs. Avec une règle : ce sont des originaires des différents pays qui les préparent, et ils se déroulent à l’occasion d’un événement à célébrer. Ces repas génèrent, évidemment, une reconnaissance de l’identité d’un pays par ses coutumes, sa façon de cuisiner mais aussi par les aspects de sa vie économique, sociale et politique. En conséquence, chaque repas est suivi d’un échange sur ce pays où tous ces thèmes sont abordés.
J’ai l’habitude de réfléchir avec des personnes qui vivent, comme moi, ces réalités de quartiers « dits sensibles », mais c’est le partage avec le groupe des savoirs émergents qui m’a permis de prendre conscience de l’originalité de ce vécu. Chemin faisant, cela a éveillé aussi la richesse de mon propre vécu et l’importance de la notion du « vivre avec ». Mon texte venait de trouver son titre : Vivre dans la différence. Ce groupe, lors du travail sur ce sujet, m’a apporté d’autres choses : par exemple, il m’a conseillé d’approfondir la notion de peur. Ce fût donc l’occasion pour moi de me rendre à la bibliothèque municipale, puis à la médiathèque que je n’avais jamais encore fréquentée, et d’étudier une dizaine de livres sur le sujet. Puis, suivant toujours ce conseil, j’ai engagé des recherches pour préciser l’histoire des personnes dans l’Histoire de leur pays.
J’ai ainsi compris l’importance de relier les temps passés au présent. Cela m’a permis, pendant toutes ces recherches, de mieux intégrer les différentes dimensions des parcours des habitants du quartier originaires d’autres pays et de créer des liens d’amitié. C’est ainsi qu’au moment de l’anniversaire des dix ans du génocide au Rwanda, en 1994, des informations ont paru dans les médias. Mais des erreurs sont parfois exprimées dans ces mêmes médias. Il fallait donner à ceux qui avaient vécu cette horreur l’occasion d’expliciter leur version des faits. Trois échanges ont eu lieu sur le Rwanda : « le Rwanda avant le génocide », « Pourquoi le génocide ? », « Les exilés rwandais ». Ces échanges ont, bien sûr, dépassé la simple mise à jour de la réalité des personnes originaires du Rwanda, ils ont aussi permis de faire connaître la beauté du pays, le pourquoi de ces conflits, enfin « la vie d’avant » de ceux qui sont aujourd’hui parmi nous (6).
Les conversations avec des personnes originaires de l’île de la Réunion m’apprennent le métissage. « J’ai une grand mère chinoise », « j’ai un oncle indien ». La lecture du livre « Nègre je suis, Nègre je resterai » va m’en faire découvrir les raisons. J’ai aussi reconnu au travers de mes recherches, l’évolution de l’acceptation des différences culturelles jusque dans le langage. Par exemple, autrefois, c’était une honte d’avoir des enfants qu’on appelait avec mépris « café au lait » ; maintenant, on admire la beauté d’une métisse.
Deux remarques pour conclure :
- ces travaux ont développé ma conscience et montré l’intérêt de devoir prendre en compte la mémoire collective en s’appuyant sur l’histoire écrite.
- J’ai compris que certains types de proximité nous amènent à partager et nous entraînent vers l’élaboration de savoirs, qu’ils soit émergents ou pas. Selon qu’en fonction des représentations que l’on a de l’autre, l’on est « soi » et à la fois « pas le même ». Je me suis aperçue, en vivant là ou je vivais, en vivant ce que je vivais, que je m’étais façonnée des pans d’identité nouvelle de manière quasi naturelle. (7)»
Ce récit fait ressortir quelques aspects qui peuvent être essentiels dans l’élaboration des savoirs émergents :
1. Partir du vécu.
2. Chercher des liens (ici, faire le lien entre toutes les différences culturelles).
3. Laisser mûrir : regarder l’évolution des personnes, ce qui permet une maturation.
4. Situer dans l’histoire : ici, revenir à l’Histoire de l’esclavage, aux contrats de l’île de la Réunion. Voir comment les différences culturelles actuelles s’inscrivent dans l’Histoire.
5. S’appuyer sur les mémoires vives : ici, le « faire mémoire », c’est-à-dire expliciter davantage les événements (Rwanda…) et prendre en compte la mémoire collective en s’appuyant sur l’histoire écrite.
6. Confronter : en venant dans ce groupe de travail, Bernadette Cheguillaume rencontre un autre contexte qui la fait sortir des groupes avec lesquels elle réfléchissait sur les conditions de vie de son quartier.
7. Apposer, en d’autres termes additionner, plutôt que réduire ou opposer. Dans le groupe, elle se sent atypique par le milieu social de proximité. Parce que ceux du groupe ne vivent pas la même réalité, ce qu’elle vit lui est apparu comme original, alors qu’il s’agit de son vécu quotidien.
8. Formuler, écrire, pour formaliser, théoriser, conceptualiser ou re/conceptualiser : le travail de groupe lui a permis, par ailleurs, de faire des progrès dans l’écriture. D’où, pour elle, une évolution des mots qu’elle utilise par rapport à des situations qui semblent identiques (8).
Discerner des constances dans les processus d’émergence
Le réel résiste ; il résiste encore plus quand le monde bouge autour de soi ou quand la société est en crise. Crise de repères, crise de valeurs, cela génère le plus souvent des ressentis désagréables, propices à la lamentation, voire à la déprime. Or dans le groupe rien de tout cela ou presque... La résistance ou mieux l’erreur d’une approche, d’une pratique est non seulement acceptée, mais vécue comme occasion de transformation. Rachid Ouffad évoque son expérience. Depuis qu’il travaille avec ce groupe, devant toutes difficultés, toutes résistances du réel, toutes incompréhensions, tous blocages, il a d’abord une réaction nouvelle pour lui. Il se pose toujours la même question : « en quoi la notion de savoir émergent peut-elle m’aider ? » Comment, par exemple l’appliquer à la recherche de stages des jeunes dont il est chargé ? Ses jeunes rencontrent en permanence un gros blocage à cause de l’idée d’incertitude et devant la peur d’un travail sans garantie. C’est ce qui leur pose vraiment problème. Les savoirs existants peuvent-ils apporter des réponses à cet état de fait ? Lesquels rechercher ? Pas facile de trouver des éléments de réponses à une telle angoisse. La « littérature » du domaine reste très stérile. Peut-on se mettre en recherche pour sortir de l’ornière ? Il nous semble nécessaire, pour que s’élaborent ces savoirs émergents, d’être non seulement attentif au réel, mais d’être persuadé que l’on peut produire de nouveaux savoirs.
Autrement dit, c’est d’abord d’un nouvel état d’esprit dont il est question. Au lieu de consommer des savoirs « en digest », peut-on les faire émerger de la rencontre et du travail d’investigation ou de création avec l’autre pour les mobiliser ensuite ? Cela n’est pas évident, l’approche est peu fréquente dans la culture habituelle. Elle implique quelques détours, elle oblige à quelques remises en cause. Et pour commencer, il s’agit de s’interroger sur ses raisonnements intimes. N’est-ce pas eux qui nous plombent ? Savoir, par exemple, que le savoir, y compris émergent, est à la fois situé et contextualisé et en évolution permanente grâce à sa mise en circulation. Peut-être tout savoir a-t-il sa part d’émergence par le fait même qu’il est toujours inachevé ? Sans oublier le questionnement sur les valeurs. Leurs conséquences sont-elles toujours en adéquation avec ce qui est prétendu ou attendu ?
Sans doute faut-il avoir un autre regard sur le savoir. Pour y parvenir, aucune recette, aucune méthodologie n’apparaît possible. Toutefois, point de paralysie, une liste des ingrédients et de leur place peut être déjà dressée. Tout est ensuite dans l’art du cocktail ! Mais là encore, ne peut-on développer une sensibilité ou une intuition favorable ?
Un état de veille. L’émergence d’un nouveau savoir n’est pas le résultat immédiat d’une démarche spontanée. Tout commence par un état de veille permanent. Que veut dire une sensibilité de veille à ce qui peut se passer ? Il s’agit d’être aux aguets des signes faibles que l’on n’a pas l’habitude d’entendre, de voir, de sentir. Cette veille s’accompagne d’un questionnement centré sur un projet particulier. Qu’est-ce qui est insatisfaisant ? Qu’est-ce qui est frustrant ou « ne marche pas » ? Qu’est-ce qu’il s’agit d’améliorer ? Dans quelle(s) direction(s) ?
Pour avancer, plusieurs approches alors sont possibles. La piste la plus pratique est celle de l’« analogique ». On peut rechercher des champs où l’approche a déjà été repérée ou travaillée pour s’en approcher, pour l’adapter à la question que l’on souhaite aborder. Aussi surprenant que cela apparaisse, les Entreprises apprenantes, en collaboration avec André Giordan (9), ont développé tout un outillage pour la veille. Dans l’industrie, la veille consiste à s’approprier des informations stratégiques pour anticiper des évènements. Plusieurs directions correspondant aux attentes de l’entreprise ont été façonnées :
- une veille stratégique : surveiller le jeu concurrentiel,
- une veille concurrentielle : évaluer les concurrents et leur positionnement,
- une veille technologique : repérer les technologies nouvelles,
- une veille financière : détecter les mouvements sur les marchés financiers, monétaires et de matières premières pouvant affecter l'entreprise, sur ceux des titres de l'entreprise elle-même et ceux des entreprises similaires concurrentes ou dans lesquelles elle a des intérêts ou avec lesquelles elle travaille,
- une veille environnementale : veille sur les informations et réglementations portant sur l'environnement,
- une veille sociale : suivi des évolutions et réglementations en matière sociale, etc.
Tout est affaire de tri de l’information et de capteurs. Pour l’individu, il en est de même… Quand l’information existe, comment la repérer ? Certes, aujourd’hui il existe des bases de données. Mais encore faut-il savoir s’en servir ! Choix du moteur de recherche, choix des mots-clefs, recoupements et regards critiques sur la source d’informations deviennent des passages obligés. Marie-Judith Allavena, par exemple, explique qu’elle a commencé par rassembler les données nécessaires. Puis, il s’est agi, pour elle, de prendre conscience de leurs richesses, de leur morcellement (et du coup, du fait que l’on a besoin des autres pour le faire). Ensuite, de vérifier des invariances, de débusquer les confusions, de travailler sur la conscience de l’autoréférence.
Quand l’information n’existe pas et qu’il faut la construire, se pose la question des capteurs à mettre en place, pour repérer quoi et à quel moment ? L’objectif de la veille est l’anticipation et la réactivité face aux problèmes. Cela suppose la détection des signaux utiles au milieu du bruit et le traitement de ces signaux par l’évaluation. Ensuite il reste à traiter cette information par des grilles d’analyse.
Jean-Michel Delga, co-auteur de cet ouvrage, apporte son témoignage de la manière suivante, à propos de l’histoire de sa fille traitée dans Nos drames peuvent être nos forces : « En 1986, lorsque aux Etats Unis, je suis allé, avec ma fille, voir le généticien pour un bilan, il m’a donné le diagnostic suivant : il s’agit de la maladie du Syndrome de Williams. J’y ai adhéré immédiatement. Après le choc de l’annonce, le futur immédiat se traduisit par un grand point d’interrogation et un grand silence s’instaura en moi à cause de cet inconnu. L’après-midi même, je suis allé à la bibliothèque de Médecine la plus documentée de toute l’Amérique. J’ai fait des recherches sur cette maladie. Moi, médecin, je ne pouvais faire mienne aucune des informations descriptives que je lisais, comme s’il s’agissait d’une langue étrangère : malformation d’organes, retard cérébral, aspect facial particulier. En aucun cas, je ne pouvais les appliquer au petit être cher de 2 ans1/2 qu’était ma fille. Puis, je me suis rendu chez le président de l’Association Américaine du syndrome de Williams. Ce n’est que lorsque le fils de la maison, atteint de la même maladie que ma fille, nous a ouvert la porte que j’entrevis pour elle un avenir acceptable. Une véritable révélation ! Ce petit garçon de 9 ans se présentait comme le public-relation de la famille disant bonjour à tout le monde, manifestant un accueil chaleureux à chacun. Au silence, véritable chape de plomb, succédaient des signaux que j’ai pu faire miens : je pouvais, au moins, anticiper les sept années d’existence future de ma fille ! L’émotion de la rencontre supplante et de beaucoup le savoir intellectuel. Première rencontre à laquelle succèderont des centaines d’autres avec des jeunes patients atteints de la même maladie. Ma compétence comme médecin s’est établie grâce au social. J’en étais arrivé jusqu’à faire des diagnostics fortuits sur les enfants rencontrés dans la rue. Le capteur de cette situation douloureuse s’est manifesté par l’ouverture sociale. »
Dans cette situation, il s’agit de sortir du champ des spécialités, de diversifier au maximum les capteurs extérieurs pour récupérer des signaux générés en dehors du système de pensée habituel. Les dérapages, les décisions inadéquates ou mal appliquées sont de bons indicateurs en matière de santé. La veille doit se caractériser par une capacité à sortir des routines. En même temps, il est souhaitable d’organiser la collecte d’informations utiles à la veille et ce, à une échelle adaptée au problème. Les controverses et les transgressions véhiculées dans les discussions ou les revues apportent des informations qu’il faut savoir détecter. La mise en commun des compétences d’analyse de l’information disponible permet l’émergence de questions qui, après analyse, pourraient faire l’objet d’investigations complémentaires.
Des retours réflexifs. Pour favoriser l’émergence d’un savoir, il ne suffit pas d’adhérer à une idéologie réformiste ou révolutionnaire. Bien au contraire… Mieux vaut s’impliquer dans les débats ouverts. Il ne sert à rien non plus de courir après le problème. En revanche, il apparaît extrêmement fructueux d’analyser la situation qui pose problème, en tirant parti d’une position qui permet de rester observateur tout en accédant au terrain. Les situations mettent les compétences en mouvement et on revient avec des résultats.
Danielle Coles, à partir de La retraite, un pari au féminin précise l’approche ainsi : « J’ai élaboré ce savoir à partir d’une expression reçue de quelqu’un d’autre : je m’exprimais et Claire prenait les notes de ce que je disais de mon propre passage à la retraite, de l’apprentissage des changements de statuts nécessaires dans la vie des femmes… C’est à partir de l’analyse de ces notes que j’ai recomposé un texte. La vie de groupe m’a beaucoup aidée : le groupe de marche dans mon réseau, le Réseau lui-même, le groupe des Savoirs émergents. Au fond, élaborer ce savoir s’est fait en recomposant plusieurs pôles : le rôle maternel, le rôle féminin, le rôle ménager, l’identité de la femme, l’expérience de groupe. Ce que j’observe de la vie des autres m’influence et du coup modifie ma perception des autres points de vue dans le groupe et, en conséquence, ma perception de la réalité à partir des différents points de vue dans le groupe. Je suis arrivée à la conclusion que je ne peux pas penser sans l’autre ».
Ceci nécessite un climat particulier qui se développe grâce au fait que l’on pousse l’autre à aller jusqu’au bout de son raisonnement, sans idée de provocation mais il s’agit d’une provocation épistémologique sur le sentiment d’incomplétude. L’autre peut nous apporter quelque chose sur ce que l’on n’a pas compris. C’est une interpellation. Des moments de retour sur sa vie sont nécessaires, c’est ce qu’Edgar Morin appelle la dialogique. On pourrait dire qu’un savoir émergent s’élabore à partir d’un vécu personnel réfléchi, d’un vécu de partage des points de vue dans un groupe, et d’une interpellation mutuelle. Cette interpellation mutuelle, ce dialogue des pensées ne peuvent se faire sans des regards égalitaires, effectivement très différents des regards hiérarchiques et hiérarchisants.
Un regard égalitaire, des moments de retour réflexif mais aussi la conscience partagée que l’on ne peut pas penser sans l’autre ou sans d’autres sont des conditions d’élaboration d’un savoir émergent. Aucun créateur de savoir émergent ne se dispense de cette conscience.
Il s’agit de se donner des outils d’analyse, notamment en travaillant sur les liens, et pas seulement classiquement sur les parties. Et en se donnant un recul historique et une perspective de comparaison avec d’autres situations similaires lors de ces temps de retour réflexif commun à mettre en place. Il apparaît que notre groupe a été très sensible au respect de l’autre tel qu’il est. « Cette qualité m’a, dit par exemple Jean-Michel Delga, donné la possibilité de m’exprimer, me permettant la remémoration d’une histoire de vie, de mon vécu. C’est grâce à un écoutant que j’ai pu définir mon expérience ».
Cet esprit de veille et d’écoute nous a semblé particulièrement important pour nous rendre capable de « bouger » notre pensée, ainsi que l’absence de stigmatisation par l’autre qui écoute. C’est tout un art de la rencontre, du possible à découvrir chez l’autre, du respect. Tout à la fois écoute, regard paritaire et absence de jugement de valeur ; une écoute où chacun pousse l’autre pour s’enrichir de son expérience, mais aussi pour lui permettre d’exprimer ce qui va le libérer. Pour construire cette reconnaissance de l’autre tel qu’il est, il est évidemment nécessaire de savoir favoriser ou créer un espace où chacun occupe une place.
Une déconstruction nécessaire. La déconstruction de ses représentations personnelles est une étape importante dans l’élaboration des savoirs émergents. Nous sommes tous « encombrés » d’implicites non interrogés, que nous ne savons pas bien, n’osons pas, ne pouvons pas ou n’avons pas appris à interroger seuls. Ils font partie de nous. Ils sont « nous ». Il faut entendre ce terme de « déconstruction » non pas au sens de dissoudre ou de détruire, mais d'analyser les structures sédimentées qui forment les éléments du discours à travers lequel nous pensons.
Cela passe par la langue, par la logique du raisonnement, par l'ensemble de la culture occidentale, ce qui définit notre appartenance à une histoire. Le propos n'est pas de démonter pour détruire, mais d'interroger nos référents ou nos raisonnements pour en prendre conscience ou les transformer.
Par exemple pour apprendre, André Giordan développe une métaphore qui peut aider à y voir plus clair (10). « Figurons-nous l'obstacle à l'apprendre comme un mur. Si le mur est vraiment trop haut pour jeter un coup d'œil sur ce qu'il y a derrière, l'envie d'aller vers le savoir qui se cache derrière le mur n'effleurera pas l'esprit. Il faut alors faire rêver, fournir des échelles ou faire grimper sur une hauteur, selon les publics.
Ceci fait, plusieurs possibilités se présentent. Si le mur est suffisamment bas, on peut le franchir à pieds joints, en prenant de l'élan. S'il est trop élevé, la personne peut s'aider d'une perche, l'escalader à mains nues ou empoigner une corde. A moins qu'il ne construise un escalier ou un plan incliné. La courte échelle, pour filer la métaphore, peut être un travail de groupe au sein duquel des pairs s'entraident pour élaborer du savoir.
Mais où placer l'instrument ? Le mur (l'obstacle) n'a pas toujours à être évité. Il peut devenir un point d'appui. Cependant, il n'est pas toujours utile de vouloir le franchir à tout prix, on peut seulement le fissurer ; avec le temps, il s'effondrera. Une perturbation peut faire l'affaire. Pourquoi, enfin, ne pas creuser un tunnel et, si le mur est dans une cuvette, inonder le coin pour passer à la nage ?
Elaborer un savoir émergent est tout autant déconstruction que construction. On pourrait parler de « dessaisie », comme le suggère le neurophysiologiste de Montpellier, Daniel Favre (11). L'individu doit sortir de ses repères habituels. Il doit quitter ses habitudes. L'appropriation de savoir procède de bouleversements, de crises fécondes ou de discontinuités profondes. Une dissonance doit viser le « noyau dur » de la conception, elle doit créer une tension telle qu'elle rompe le fragile équilibre atteint par le cerveau de l'apprenant. Un concept, à plus forte raison un modèle qui en comporte plusieurs, ne peut s'élaborer à partir d'une seule situation. Enrichir l'expérience de l'apprenant est donc une priorité. Sans une telle maturation de la situation, toute observation ou toute expérience qui va à l'encontre glisse sur la surface de la pensée ; une argumentation peut ne pas être entendue. Ne dit-on pas au quotidien, « ça lui entre par une oreille et ça lui sort par l'autre » ?
L’explicitation. Le plus difficile, dans la formulation d’un savoir émergent, n’est pas de trouver l’inspiration initiale, c’est de durer, de persévérer, de ne pas abandonner le « combat ». Aucune méthode ne peut donner miraculeusement les moyens de surmonter les contradictions permanentes. On peut, en revanche, se nantir d’un certain nombre de savoirs et de savoir-faire pour ne pas investir une énergie démesurée dans des problèmes secondaires.
Une partie essentielle de l’énergie se consume dans d’épuisantes régulations des rapports entre adultes. Savoir coopérer entre « gens » différents, savoir fonctionner en réseau ou en équipe, savoir contribuer à un projet commun, c’est savoir créer et entretenir les conditions nécessaires pour le faire. Faute de savoir gérer les conflits, expliciter les non dits, organiser une confrontation équitable des points de vue, prendre des décisions à la fois efficaces et démocratiques, une équipe peut très bien mobiliser l’essentiel de ses forces pour « survivre », alors que le fonctionnement collectif devrait n’être qu’un tremplin pour créer des dispositifs plus efficaces.
Expliciter les non dits dans l’équipe d’émergence est des plus prioritaires. En situation sociale les « non-dits » sont partout. Ils sont sous-jacents aux situations de discussions collectives, ils sont présents dès qu’il y a relation à deux. Que disent par exemple des « regards anodins » ? Que signifient des « contenances effacées » ? Comment appréhender certaines expressions neutres, insaisissables qui accompagnent, révèlent ou se substituent à des propos explicites ? Que révèlent des gestes insignifiants : croiser les bras ou au contraire les ouvrir, se gratter l’oreille ou le menton pendant que quelqu’un parle ? Comment faire quand, au-delà de la simple évocation, on perçoit une insinuation plus qu'une allégation ? Comment intervenir, réagir, quand, au-delà d'une insinuation, on se trouve placé dans une atmosphère hostile, chargée d'allusions et de sous-entendus ? Ne pas voir, se détourner, se soustraire à une situation, une condition, c'est, semble-t-il, la voie de la sagesse. Pourtant ne vaudrait-il pas mieux mettre des mots précis pour nommer, repérer, signaler des attitudes ou des propos implicites ?
S'attaquer de façon frontale au malaise, à la réticence le plus souvent indéfinissable, à l'hostilité insidieuse et sournoise n’est pas toujours facile ou souhaitable. Sans doute, est-il préférable d’avoir l’audace de formuler l'insidieux, le non-dit pour révéler, mettre à nu une brutalité qui ignore les compromis, les demi-mesures, les formes de médiation. Des jeux de rôle et surtout l’humour le facilitent. Formuler les choses informulées, à la limite de l'informulable n’est pas évident, ces moments sont le plus souvent évités pour limiter les conflits. Pourtant, ce sont eux qui permettent de dépasser certains obstacles. Bien sûr, si en parallèle on sait « gérer » les conflits pour éviter qu’ils soient dévastateurs pour le groupe de travail !
Apprendre à interroger aussi les questions. La ressource précieuse, en fin de compte, est la capacité d’analyser les situations pour poser les « bonnes » questions. Ce savoir analyser, apparaît comme le produit d’un entraînement à une pratique réflexive, mais aussi une posture « épistémologique », une compétence de prise de recul dont le caractère transversal est prépondérant. Certains hommes politiques qui analysent très finement ce qui se passe dans la société paraissent très démunis face aux processus à l’œuvre dans les organisations. L'institution scolaire par exemple est ainsi bloquée par la maladresse de ses dirigeants. Il n'est pas étonnant que la majorité des enseignants... attende toujours la prochaine réforme ! La situation de « réforme » est vécue par eux comme une sorte de non-acceptation de leur identité. L'exemple des TPE (12) est le plus démonstratif : à tous les échelons, des élèves aux inspecteurs, des résistances ont fusé lors de leur implantation non préparée, avant qu'ils soient encensés quand le ministre les... supprime ! Tout supposé changement imposé est perçu par les personnes comme un déni, l'école mobilise ses freins pour se maintenir en l'état. Et pour les quelques téméraires ou les plus « obéissants », ou encore, pour ceux qui se laissent tenter par quelques sirènes rénovatrices, le retour sur terre est toujours brutal. Par exemple, que sont devenus les enseignants qui se sont investis dans « l'Ecole du XXIème siècle » de Claude Allègre ? Ils ont été lâchés en rase campagne six mois après, sans un mot de remerciement. Et ceux qui ont cru au développement de l'éducation artistique lancée par Jack Lang ? Comment les motiver à nouveau pour une « nouvelle épopée » ?
Si l'on pouvait chiffrer les pertes dues à la non-prise en compte de « l'écologie » des organisations, on prendrait alors réellement conscience du coût de ces attitudes dommageables dans la conduite du changement. Et ce serait sans compter celles encore plus pernicieuses liées au non-respect déjà évoqué... L'énergie, la motivation, le temps mis pour compenser cette frustration au lieu d'utiliser ces ressources et ces compétences pour poursuivre un développement volontaire et enrichissant sont incalculables (13).
Il importe alors en permanence de se dire : est-ce que la question que je me pose est la bonne question ? Est-elle bien posée ? Est-ce la bonne façon de la poser ? Dans tel contexte ? Pour tel objectif ? Avec telles personnes ? Où doit-elle être posée ? Alors, comment faire pour savoir si l'on se pose les bonnes questions devant les questions actuelles du monde ? A l’usage, rien de reproductible, rien d’évident, une fois encore pas de recette ; en revanche, certains attitudes apparaissent pertinentes :
- Tenter, et ce ne peut être que coopérativement, dans une perspective transdisciplinaire, d'avoir une vision de la complexité du monde. Or, « Si l'on veut avoir une vision du monde, il faut d'abord, » remarque le romancier autrichien Robert Musil, « consentir à regarder les faits qui constituent à la fois la donnée fondamentale et le problème essentiel (14) ».
- Savoir que « les positions de questions sont élastiques » (15).
- Ne pas oublier que certaines erreurs sont des étapes de la vérité : « J'expose mon affaire, même si je sais qu'elle n'est qu'une partie de la vérité, et je l'exposerais tout autant si je savais qu'elle est fausse, parce que certaines erreurs sont des stations de la vérité ».
- Ne pas hésiter à essayer des questions différentes, une question posée de façons différentes. Essayer pour avoir des chances d'explorer la « pluralité et la variabilité essentielle des points de vue possibles, et le perspectivisme et le contextualisme qui en découlent (16) ». Ne pas oublier que les choses, les actions, les humains changent de signification lorsqu'on modifie l'ensemble auxquels ils sont intégrés.
- Prendre conscience que les mots n’existent pas « en soi » mais existent dans un contexte, ce qui permet de décaler les évidences.
- Laisser les temps suffisants de silence, de maturation, de « lenteur » pour éviter de figer la question en se précipitant sur la réponse évidente qui, hélas, peut être pire que le problème posé.
Travailler les conflits. Toute activité d’élaboration en groupe conduit inévitablement à des conflits. Comment les expliciter, comment les résoudre ? Surtout, elle présuppose une approche ouverte, fondée sur la négociation entre les différentes parties et qui part du postulat que les problèmes sont, non seulement inévitables, mais utiles. Au quotidien pourtant, le résultat est souvent peu satisfaisant. Très fréquemment, on a l’impression qu’il nous manque des clés pour mieux gérer les conflits dans lesquels nous sommes impliqués.
André Giordan suppose que l’élaboration d’un savoir émergent demande ainsi « d’être en mesure de mieux analyser la nature des conflits à gérer et de choisir des moyens d’action permettant de mieux les régler. Cela demande de prendre le temps de comprendre la nature des conflits. Il s’agit de développer une capacité de diagnostic des facteurs en cause dans un conflit : nature du conflit (outils de diagnostic d’un conflit), évolution d’un processus conflictuel et des facteurs qui contribuent au conflit. Mais pas seulement… Quand on est impliqué dans le conflit, il est nécessaire d’apprendre en premier à se calmer, notamment en mettant le conflit à distance. Ensuite, il importe de connaître, de tenter de connaître, ses propres comportements et attitudes en situation de conflit d’une part et d’autre part nos diverses approches pour gérer nos propres conflits. L’agressivité du face à face ou celle plus insidieuse car indirecte est à clarifier : caractéristiques de l’agressivité manifestée, facteurs déclencheurs de l’agressivité… Des jeux de rôle, des activités de simulation sont de bons outils : on peut ainsi apprendre à savoir faire un reproche, à savoir faire un compliment. (17)»
Par ailleurs, on peut également être impliqué comme tierce partie dans un conflit ou comme médiateur. Dans ce cas, il est utile de déterminer une gamme d’interventions appropriées pour agir : identifier les différentes natures de conflits ou de tensions et les différentes composantes, identifier les conflits issus des problèmes de représentation, voire anticiper les conflits et décider ou non de les gérer.
Ici également, sans qu’il n’y ait de recette, on peut mettre en avant quelques pratiques opératoires comme : écouter l’autre, séparer les faits des opinions, reformuler afin de garantir à l’autre qu’il a été entendu, clarifier son but et celui de l’autre, expliquer, argumenter, négocier, conclure.
Envisager une pensée antagoniste. Elaborer des savoirs émergents nécessite souvent de dépasser deux ou plusieurs logiques, deux principes, deux idées ou façons de penser sans que la dualité se perde dans cette unité. Habituellement dans cette situation, on pense « juste milieu » ou « compromis ». En fait, pour vivre dans l’incertitude ou travailler en réseau, André Giordan suppose qu’il s’agit de dépasser les éléments contradictoires pour « sortir par le haut », en d’autres termes d’inventer un « optimum » qui dépasse pour les englober ou les concilier les éléments antagonistes.
En la matière, il s’agit de reprendre pour les enrichir les concepts de dialectique ou de dialogique si chère à Edgar Morin. La dialectique peut être définie étymologiquement comme étant « Un échange de paroles ou de discours, c'est-à-dire une discussion ou un dialogue ; comme forme de savoir, elle est alors la technique du dialogue, ou l'art de la dispute, tel qu'il a été développé et fixé dans le cadre de la pratique politique propre à la cité grecque » (18). La dialogique d’Edgar Morin est, non pas le concept-solution, mais un de ces mots-phares qui permet d’aborder la complexité du réel. Dans Vivre dans l’incertitude, André Giordan suppose « qu’un des apports majeurs de la pensée complexe est de faire surgir, au cœur de notre conscience, le problème de la contradiction au sein du réel, problème résolu dans la pensée classique soit par la liquidation de la contradiction, soit en pensée dialectique par la hiérarchisation de diverses logiques débouchant sur une synthèse dont la teneur n'est rien de plus que l'élimination de la contradiction, donc de la diversité, soit encore par l'isolement ou l'enfermement de chaque logique » (19).
Or pour ce co-auteur, « il y a toujours dualité et conflit entre les visions empiriques, qui, à la limite, sont purement pragmatiques et les visions rationalistes qui, à la limite, deviennent rationalisantes et rejettent hors de la réalité ce qui échappe à leur systématisation. Ainsi, rationalité et empirisme maintiennent un antagonisme fécond entre la volonté de la raison de saisir tout le réel et la résistance du réel à la raison. En même temps, il y a complémentarité et antagonisme entre l'imagination qui fait les hypothèses, et la vérification, qui les sélectionne.
Aujourd’hui, il importe de reformuler tous ces termes, de part leur interaction et les processus de régulation. Les mots, par exemple, ne prennent leur sens que dans le réseau de signification qui appartient au lecteur. De plus, il n’y a pas d’un côté les hypothèses et d’autres part les faits qui les corroborent. Les faits sont déterminés par les hypothèses qui elles-mêmes dépendent du cadre théorique qui les a produites. (20) »
La pensée antagoniste à mettre en œuvre pour penser l’émergence devrait croiser deux ou plusieurs notions, principes ou regards antagonistes, qui apparemment devraient se repousser l'un l'autre, mais qui sont indissociables et indispensables pour comprendre une même réalité. Le physicien danois Niels Bohr, par exemple, a reconnu la nécessité de penser les particules physiques à la fois comme des corpuscules et comme des ondes. Déjà au 17ème, le philosophe mathématicien Blaise Pascal avait écrit : « Le contraire d'une vérité n'est pas l'erreur, mais une vérité contraire ». Ce que Bohr traduit de la façon suivante : « Le contraire d'une vérité triviale est une erreur stupide, mais le contraire d'une vérité profonde est toujours une autre vérité profonde. » Ce que André Giordan résume de la façon suivante : « Nous pourrions ajouter que c’est en tenant en tension ces antagonismes que nous élaborons une vue moins réductrice de la réalité environnante, et cela au travers d’un modèle provisoire. En matière de savoir émergent, il s’agit de tenir en tension des notions, principes et regards antagonistes pour penser de façon créative les processus organisateurs. Danielle Coles a travaillé sur la représentation qu’elle avait de ses rôles et sur les évolutions historiques et sociologiques de ces rôles. Elle a su faire des liens entre l’individuel et le collectif, le passé et le présent, les idées et les expériences des personnes. Elle a accepté que certaines perceptions et compréhensions soient encore floues, elle a accepté les désaccords, elle a compris que les contradictions peuvent être heuristiques. » (21)
Un savoir émergent en tant que processus adaptatif permanent doit toujours pouvoir reprendre les choix antérieurs et les adapter en raison des changements. Cette adaptation est ainsi toujours antagoniste. Elle est à la fois ouverture mais aussi fermeture, unité mais aussi diversité, stabilité mais aussi transformation. C’est à partir de ces grands antagonismes que l’émergence peut sans cesse se reprendre. Là où habituellement les personnes pensent une opposition, il importe de prendre conscience que, si les orientations opposées ne peuvent en aucun cas se supprimer l’une ou l’autre, c’est précisément parce qu’il n’y aura d’adaptation qu’en raison de la possibilité de les croiser. Ils s’agit alors d’inventer de meilleures compositions, de meilleures articulations pour fonder des savoirs à la fois plus complexes et mieux régulés.
Entretenir la conscience de l’incomplétude. Au fond, un savoir reste vivant, non fossilisé, parce qu’il est la relation d’humains, ontologiquement incomplets, à une réalité en permanence en mouvement et qui, jamais, ne pourra être appréhendée complètement. Comme le dit le philosophe américain Donald Davidson, il y a une foule de manière de parler du monde dont la plupart ne seront jamais découvertes. Cette qualité en encore plus importante en matière de savoir émergent. L’expérience des Réseaux d’échanges réciproques de savoirs le confirme chaque jour et de multiples manières, « seul, je ne sais pas et je ne sais pas ce que je sais, seul je ne sais pas ce que j’ignore ». Nous avons besoin des autres pour qu’ensemble nous puissions approcher quelque peu toute réalité, mouvante et plurielle. Se relier devient alors un besoin en terme de connaissance et de cohérence : seul, l’on ne pense pas, quoiqu’en ait dit Descartes, c’est ensemble que nous pensons.
C’est pourquoi l’accueil, l’écoute, la reconnaissance mutuelle, la conscience de nos propres richesses, savoirs, perceptions, représentations mais aussi et tout autant de nos manques et limites par rapport à ce que l’on peut connaître d’une situation humaine ou d’un objet de connaissance doivent prévaloir sur la démonstration de puissance. On ne peut séparer « penser par soi-même » et « penser avec les autres ».Ces dimensions de la pensée sont inséparables et interactives, quasi consubstantielles. De là naît la conscience d'unité, de valeur propre et d'incomplétude heuristique. La conscience d'unité passe par la reconnaissance, par la réflexion mais aussi par la conscience de son propre corps et de ses sens. Elle se développe par les formes d'expression relationnelles et artistiques, surtout par des regards de bienveillance, des regards égalitaires,sinon l'on n'existe pas par soi-même, mais l'on n’est seulement un membre et pas un corps entier, c'est-à-dire une partie d’un groupe, une partie de la société. Non pas encore un sujet à part entière mais une chose.
La conscience tout à la fois de notre incomplétude et de l’incertitude en matière cognitive est une posture absolument nécessaire à l’élaboration de nouveaux savoirs, de nouvelles façons de savoirs, de nouveaux questionnements :
- elle est conscience, partagée avec d’autres, qu’aucun savoir n’est jamais fini, complet, que savoir est un processus à jamais inachevé, qu’apprendre se nourrit de nos manques et de nos savoirs, de nos questions, de nos « flottements » et de nos erreurs, de nos curiosités et de nos étonnements ;
- elle est signe à soi-même de ce que l’on peut essayer d’apprendre, se laisser déstabiliser, sans perdre son unité. L'incertitude, en matière cognitive, la conscience de ne pas savoir, la connaissance de la nécessité de déconstruire ses évidences, d'avoir encore besoin d'apprendre ne sont-elles pas des conditions intellectuelles de tout apprentissage ?
- elle est signe à autrui du besoin que l'on a de lui. L'autre peut alors, lui-même, s'ouvrir à ses propres manques. Cette habitude à acquérir de croiser les regards permet de transformer les représentations qui cloisonnent et stigmatisent tel citoyen, tel élève, tel enseignant, telle méthode, tel parcours, tel « savoir »…, mais aussi de prendre en compte, ensemble, les réalités difficiles.
Conclusion très provisoire
En définitive, peut-on éclaircir l’émergence d’un savoir émergent ? Malgré la difficulté de l’exercice, ce qui ressort est que ce n’est pas un savoir de connaissance mais une démarche de pensée couplée à des démarches d’innovation/évaluation. Quand il y a une situation problème, on ne se lamente plus, on tente d’inventer un nouveau savoir pour y faire face, ou pour vivre avec : c’est une tension créatrice. On entre dans un processus « quête de pensée » : penser par soi-même, relire les expériences passées, accepter un sentiment d’incomplétude « je ne sais pas tout », aller chercher chez l’autre ce que je ne sais pas, proposer des savoir-agir alternatifs. Et pour cela, créer un climat d'écoute, organiser des systèmes d'accompagnement.
On travaille alors ensemble à changer ses conceptions, à les questionner, à se libérer de l’emprise des modes sociales et des normes institutionnelles non interrogées. On développe la capacité individuelle et collective à analyser les situations vécues, individuellement et collectivement, et on s’entraîne à élucider les choix répondant aux besoins collectifs et particuliers des personnes ; et, de ce fait, on a quelque chance de construire de nouveaux savoirs (provisoirement fondés, et évidemment incomplets). Pour pouvoir faire les cheminements d’élaboration, il faut accepter l’incertitude. Notons l’importance de la veille, la nécessité d’être à l’affût. Le savoir émergent est bien, selon nous, un état d’esprit, une démarche qu’il faudrait promouvoir face à toute situation complexe.
Etat d’esprit, démarche, processus, « process » ? Chaque savoir émergent est lui-même tissé de multiples savoirs et il est en réseau avec d’autres savoirs. Nous ne pouvons savoir, seuls, les savoirs dont nous avons besoin, dans une société qui change continuellement, pour anticiper les conséquences de ces multiples changements. Ce n’est qu’avec les autres – si possible différents – que l’on peut avoir des chances de transformer nos modèles et de prendre des décisions plus adéquates. Le sentiment d’incomplétude ouvre à la coopération. L’effort acharné de complétude et de maîtrise totale amène à la dictature ou à l’exclusion. Tout système fermé ne peut que mourir !
1. A ce niveau de réflexion, l’approche ne sera pas exhaustive. Il s’agit d’une ébauche pour « débroussailler » la question. Nous aimerions aller plus loin dans la « réponse » à (ou plutôt dans l’approche de) cette question importante à partir de récits que pourraient faire d'autres « élaborateurs » individuels et collectifs de savoirs émergents. Nous les invitons à se relier à nous pour avancer dans cette élaboration pratique et théorique.
3. C. et M. Héber-Suffrin, 1981, L’Ecole éclatée, Paris Stock, 1994, Paris, Desclée de Brouwer.
4. B. Ginisty, 2001, in C. Héber-Suffrin (coordination) Partager les savoirs, construire le lien, Lyon, Chronique sociale : qu'est-ce que qu'une démarche intellectuelle créatrice, sinon une ré interrogation des évidences du moment au nom d'un point de vue jusqu'ici « exclu ».
5. Jose Maria Castillo, 2003, Encuentro en Sevilla del Grupo de Accion Social de la Provincia de Andalucia y Canarias.
6. Sur le même raisonnement, l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage m’a donné l’occasion de parler à ma voisine de l’esclavage. En lui parlant de ses ancêtres, j’apprends son vécu d’esclave au présent.
7. Timothy Radcliffe nous confirme cette quête d’identité à propos de l’amour du prochain. « Tu dois aimer ton prochain comme toi-même, cela signifie plus qu’aimer son prochain autant que toi-même. Nous sommes invités à aimer notre prochain comme une partie de nous-mêmes ». Par voie de conséquence, il ajoute « Aimer l’étranger comme moi-même, c’est découvrir une nouvelle identité qui me transforme ». Timothy Radcliffe, 2002, Que votre joie soit parfaite, Paris, Le Cerf, p.48.
A l’instar de ce commentaire d’Evangile, je suis amenée, au terme de ce travail de réflexion lié à l’élaboration du livre présent, à penser que mes vingt années passées en Espagne, m’ont transformée et, parce qu’elles m’ont transformée, les sept années de vie à Bagatelle, grâce à la richesse culturelle côtoyée et partagée quotidiennement, ont fait encore plus pour la transformation de mon identité.
8. On peut encore insister sur l’importance de ressentir un bénéfice personnel en terme de construction de soi grâce au travail de groupe et à cet essai d’élaboration.
9. André Giordan a développé dans cette direction la démarche physionique : A. Giordan, 1995, Comme un poisson rouge dans l’homme, Payot.
10. A. Giordan, 1998, Apprendre ! Paris, Belin.
11. D. Favre, 1997, Des neurosciences aux sciences de l’éducation : contribution à une épistémologie de la variance. Thèse de Doctorat en sciences de l’Education, Université de Lyon 2.
12. Travaux personnels encadrés.
13. Un seul ministre avait bien perçu cette dynamique négative : Edgar Faure. « En décrétant le changement, disait-il, l'immobilisme s'est mis en marche et je ne sais plus comment l'arrêter. » C'était lors de la mise en place de sa réforme de l'Education nationale... en 1968 ! Depuis, tout n'a jamais fait que se répéter...
14. J. Bouveresse, 2001, La voix de l’âme et les chemins de l’esprit, Dix études sur Robert Musil, Paris, Seuil, p. 252.
17. Voir également partie 2, chapitre 9.
18. E. Balibar et P. Macherey, Dialectique, in Encyclopædia Universalis, Vol.5, E.U.F., 1968, 14ème publication, 1979, p. 533.
19. André Giordan, Séminaire de recherche, LDES 2006, document interne.
20. André Giordan, ibidem.
21. André Giordan, ibidem.
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