|
A la lumière du vivant,
peut-on penser l’entreprise ?
André Giordan
Extraits de André Giordan, Comme un poisson rouge dans l'homme, Payot, 1996, chapitre 11
Le corps humain est confronté à une double contrainte : l’organisation globale est indispensable, mais “l’intelligence” de chacune de ses entités est constituante. Chacune d’elle doit pouvoir agir et réagir de manière directe et autonome. Seul est centralisé un optimum d’activités nécessaire à la cohérence de l’organisation. Tout le reste s’avère décentralisé. Ce défi suppose l’efficacité des acteurs à la base. Il est vrai que chaque cellule comprend les plans complets de l’ensemble, dans son noyau. A notre connaissance, il n’existe pas d’organisation humaine qui ait atteint une telle finesse de fonctionnement. Seul le système suisse s’en rapproche fortement, du moins en périodes peu turbulentes. Nous ne serions pas étonnés si les fondateurs de l’Helvétie, de par leur grande culture naturaliste, ne s’en étaient pas intuitivement inspirés.
Tout est affaire de consensus. Chacun des éléments est inclus dans plusieurs systèmes de relations. A tous les niveaux, les intérêts contradictoires (1), les oppositions flagrantes sont gérés en priorité, au bénéfice de tous. Bien sûr, tout consensus nécessite un compromis, et ce dernier paraît frustrant. Peu importe ! Sans cesse, il est remis en question pour faire face aux nouvelles situations. Celui-ci ne constitue qu’une étape très provisoire, un point d’ancrage pour avancer.
De toute façon, aucune action n’est brutale, aucune décision ne peut mettre en péril l’organisme. Si on fait fausse route, on peut toujours revenir en arrière. Tout est affaire de doigté ! Tout s’inscrit dans la durée ! Le système prend en compte l’expérience accumulée. La proposition nouvelle contient toujours son contre-feu ou encore son antidote. Si cela était insuffisant, plusieurs mécanismes de régulation -de concertation, dirons-nous même, tant les échanges sont multiples et transparents-, sont superposés aux points stratégiques du maillage. Rien de spectaculaire dans tout cela, rien de vraiment médiatique. Mais quelle efficacité de fonctionnement! Le plus souvent, ce savant cocktail conduit à faire prospérer l’ensemble de l’organisation, au mieux des conditions extérieures.
L’utopie égalitaire ?
“Alors il y a un ordre dans le monde !”, criai-je triomphant.
“Alors il y a un peu d’ordre dans ma pauvre tête” .
Umberto Ecco
Des pré-Alpes niçoises aux Alpes helvétiques, serait-on arrivé à la fin de notre parcours sur la régulation. Non ! Rien n’est jamais fini avec un tel sujet. Sans projets, les êtres vivants ne semblent pouvoir évoluer. Repartons donc prestement, non pas pour méditer sur cette dernière réflexion. Ce qu’elle signifie est autre chose... Par contre, une préoccupation nous tient plus à coeur. Elle est très pragmatique : la famille, le village, la ville, l’entreprise, la société dans leur ensemble sont des organisations. Or le vivant “adore” s’organiser, nous l’avons vu à de nombreuses reprises. Si j’osais, je dirais que spontanément le vivant prend “plaisir” à bâtir de l’organisation... et quelles organisations ! Tout en lui est organisation. Quand la première cellule émerge à partir de l’interaction des macromolécules, une organisation est déjà en place. Depuis, tout le développement du vivant repose sur une complexification d’organisations de base, au point qu’on peut dire de lui qu’il est un “laboratoire” de l’organisation.
Actuellement, de la plus petite des bactéries à la plus profonde des forêts, et bien sûr de PR à l’homme, tout est bâti sur des organisations. En fait, il vaudrait mieux dire que le vivant est une organisation d’organisations ... d’organisations. Puisque en son sein, tout est organisation : des molécules aux organites cellulaires, aux cellules, aux organes, aux systèmes d’organes, aux individus, aux écosystèmes et à la biosphère. De plus, le vivant n’est-il pas un des rares domaines où l’on a le plus creusé les règles et les principes de l’organisation. Nombre de processus parmi les plus complexes ont été mis à plat.
Le vivant peut-il permettre un peu de distance par rapport aux organisations humaines ? Pourrait-il fournir des modèles explicatifs sur les organisations sociales ? En physiologie et en médecine, on va bien chercher des modèles dans des formes plus simples pour tenter de comprendre. Le Laboratoire de Villefranche s’est intéressé au poisson rouge parce qu’il lui fallait trouver un modèle simple à décortiquer qui puisse “mimer” le fonctionnement d’un organe complexe : le rein. De même, on étudie les mécanismes complexes de la communication entre cellules en travaillant sur de simples oeufs d’oursins ou encore la génétique la plus élaborée avec une minuscule bactérie de l’intestin, Escherichia coli.
Cette démarche, les scientifiques, les ingénieurs la pratiquent quotidiennement. Dans le social par contre, et avec raisons, cette approche ne s’est pas encore implantée, ou si peu, à travers l’éthnologie. Il est vrai que sur un tel chemin, la pente est très glissante. Elle devient même rapidement dangereuse. Un ravin profond se trouve sur la droite. Son nom peut vous dire quelque chose, il se nomme : “sociobiologie”. La dernière fois qu’il a ressurgi avec force, c’était l’année 1975. Un chercheur américain, du nom de Edward Wilson venait de publier un livre intitulé : La sociobiologie, la nouvelle synthèse. L’ouvrage se présentait comme un recueil d’études les plus récentes. Il décrivait la biologie du comportement animal. En fait, l’auteur y définissait une nouvelle science. Il s’agissait de “l’étude systématique de la base biologique de tout comportement social”. A travers l’argumentation proposée, il devenait très vite clair que la société humaine était au centre des préoccupations.
Une polémique s’en est suivie. Pour Wilson, les sciences de l’homme, l’économie, l’éthique et même la politique doivent tenir compte de notre héritage génétique. D’après lui, les conduites humaines sont, pour une très large part, le résultat d’une adaptation biologique à la vie sociale. Ses éléments de démonstration : le fait que l’évolution humaine prolonge l’évolution naturelle. Ainsi, toujours pour ce même auteur, l’esprit de compétition, l’agressivité, la peur de l’étranger, la hiérarchie et même la soumission des femmes, correspondraient à des schémas innés, quasiment codés sur le plan héréditaire !
Au cours de l’année 1979, la “nouvelle droite” européenne, en quête d’une locomotive, reprenait le message et réussissait le lancement médiatique du livre. Le débat se plaça alors sur un double terrain, celui du biologique et du sociologique. Le projet des protagonistes de cette thèse devint complètement transparent. Tous souhaitaient légitimer l’ordre social en place. Ainsi un docte club, dit “de l’Horloge” pouvait écrire, entre autre, un chapitre intitulé “l’indispensable hiérarchie” où il y dénonçait “l’utopie égalitaire”. Le propos était le suivant : “même si elle est infiniment plus complexe que les sociétés animales, la société humaine a le même besoin de hiérarchie”. Et pour justifier cette opinion, moult observations étaient avancées, du type : “c’est ainsi qu’on a pu observer chez les (singes) rhésus et les macaques japonais, l’esquisse d’un lignage hiérarchique, c’est-à-dire des cas de transmission du rang par la naissance”.
Le propos était simple à entendre, la présentation, presque naïve. En fait, rien n’était véritablement nouveau, le livre remettait au goût du jour des idées anciennes, plusieurs fois évoquées au cours des siècles. “L’harmonie est dans la nature”, elle vous montre la voie. S’appuyant sur ces idées reçues, la sociobiologie obtint quelques succès auprès d’intellectuels, toujours avides de modernité, et surtout de la grande presse. Il est vrai qu’il est toujours tentant de transposer directement de l’animal à l’homme pour en tirer des conclusions immédiates.
Malheureusement pour ces auteurs, il est possible d’argumenter avec la Nature de bien des façons. Quand on parcourt le seul monde animal, on y rencontre un nombre considérable de formes de vie possibles : des plus hiérarchiques aux plus solitaires, des plus rigides aux plus alternatives. Les sociétés d’insectes par exemple sont très déterminées et largement “policées” d’une certaine manière. A l’opposé, certaines colonies de lymphocytes dans le corps humain sont complètement autonomes. Elles constituent de véritables commandos, sans chef. Quant aux cellules des cnidaires ou cténaires, des animaux voisins des coraux ou des méduses, elles préfigurent ce que pourrait être une communauté communiste réussie !
Sur le plan de la sexualité, on peut justifier grâce aux êtres vivants aussi bien une vie en couple hétérosexuel qu’une homosexualité. Et ce n’est pas tout, si l’on cherche des modèles de comportements, on pourrait justifier de multiples modalités de vie sexuelle. On y rencontre encore la vie à trois la plus fidèle, la polygamie la plus éhontée, la copulation collective les soirs de pleine lune, la bisexualité, la transsexualité ou le sadomasochisme... puisque toutes ces pratiques se trouvent dans la Nature ! Mieux certains poissons ou mollusques changent de moeurs sexuelles au cours de leur existence. Certains champignons se déterminent, du moins déterminent leur sexe, en fonction de leur partenaire !
Si nous enfourchions le pas de la sociobiologie, certains modes de vie nous poseraient problèmes. Comment interpréter ces araignées femelles qui dévorent leur conjoint pendant l’accouplement ? Doit-on y valoriser quelques formes de dévouement masculin ou encore proclamer un comportement proécologique ? Du point de vue de l’espèce, le mâle a terminé sa tâche, la matière qui le constitue devient plus utile à sa progéniture, en lieu et place de finir en pâture aux bactéries ou autres champignons. Et que dire de ce petit ver, la bonellie ? Le mâle vit en parasite dans les voies génitales de la femelle. La Nature aurait-elle là un grand projet caché ? Celui-ci peut-il être porteur de quelque comportement humain !
Mais la critique principale de la sociobiologie se trouve dans une autre direction. Elle est inhérente au mode de raisonnement mis en jeu dans cette pensée. Les thèses biosociologiques comportent une faute grave de logique. Une organisation de niveau (10) ne peut être assimilée à une organisation de type 9 qui en est l’une de ses composantes ; cela n’a aucun sens sur le plan de la logique.
En effet, la société -organisation de type 10- est certes constituée d’individus -organisation de type 9-, eux-mêmes comportant des cellules -organisation de type 6-, toutefois chaque nouvelle entité est autre “chose” que la somme de ses parties. A travers ces promenades, nous avons vu qu’à chaque nouveau niveau d’organisation, de nouvelles qualités ou propriétés surgissent qui n’étaient pas incluses au niveau inférieur. L’eau par exemple n’a aucune des qualités des éléments, oxygène et hydrogène, qui la constituent. La cause de ces transformations est maintenant bien connue : les interactions entre les parties et les régulations qui s’établissent pour structurer l’ensemble modifient radicalement les propriétés des éléments constitutifs. La moindre des mises en relation entre éléments ou le plus simple des feed-backs “casse” le bel ordonnancement du système précédent et fait émerger des structures différentes et de nouvelles fonctions.
Regardez un simple couple, ce n’est plus les deux mêmes individus, ensemble. Chacun ne discutera plus de la même façon avec vous en présence de son partenaire. Quand des éléments entrent en contact, des interactions en résultent. Chaque fois, de nouveaux comportements apparaissent, d’autres spécifiques aux individus isolés se trouvent annihilés. Et les nouvelles caractéristiques, dites “émergeantes”, réorientent totalement les systèmes qui en sont à l’origine. Mieux, ces interactions font surgir des significations différentes. Un individu a incontestablement des qualités qui n’appartiennent pas à ses cellules prises séparément : ses comportements, sa mémoire... La notion de “démocratie” arrive avec l’histoire des organisations humaines. A elle seule, elle rend caduque toute similitude avec ce qui précède. La cellule ne peut voter, l’animal non plus!
Il nous faut donc renoncer irrémédiablement à entreprendre des comparaisons ou des parallélismes entre les niveaux ou à justifier les propriétés et le fonctionnement d’un niveau d’organisation par ceux des systèmes qui le composent. La relation entre le social et le biologique n’est jamais directe. En aucun cas, le comportement animal ne pourra légitimer des questions d’un autre niveau de complexité que lui.
Certes, le social inclut des principes biologique ou physique, cela nous ne pouvons le nier. Sans soleil, la vie serait impossible sur Terre. Sans respirer, aucune société ne pourra perdurer dans son fonctionnement plus de quelques minutes. Néanmoins, en matière d’explication de la société ou de phénomènes sociaux, ces derniers ne sont pas, à eux seuls, porteurs ou éclairants. En aucun cas, ils ne pourront prouver le bien fondé d’une démarche sociale. Le sens est chaque fois à chercher dans les interactions et les régulations qui font que le tout est autre chose que la somme de ces parties.
Aucun transfert possible
Dans un système organisé, qu’il soit vivant ou non vivant,
ce sont les échanges, non seulement de matière et d’énergie
mais d’informations qui unissent les éléments...
François Jacob
Si cette réfutation n’était suffisante, on peut encore faire quelques pas complémentaires pour infirmer tous rapprochements tendancieux. Dans les années cinquante, quand les premiers spécialistes des systèmes comme Ludwig von Bertalanffy ont perçu l’importance des systèmes, ils ont cherché eux aussi à établir des comparaisons entre systèmes sociaux et systèmes biologiques. Ils ont pensé immédiatement que, puisqu’ils avaient affaire à des structures organisées dans tous les cas, ils pouvaient en déduire au moins les mêmes implications. Ces chercheurs ont alors envisagé une unité de fonctionnement propre à toute organisation, quel que soit leur niveau de complexité. “Certains concepts, modèles et principes (...) s’appliquent largement aux systèmes matériels, psychologiques et socioculturels...”, supposait ainsi von Bertalanffy. Et pendant plus de vingt ans, ils ont gambergé sur des homologies de structure ou de fonctionnement. Les plus mathématiciens d’entre eux ont même tenté d’inférer directement des équations ou des lois de l’organisation. Toujours le vieux mythe de Laplace...
En vain, ce fut un échec cuisant. A aucun moment, les systèmes sociaux ont répondu comme ces intellectuels le prévoyaient. Toutes leurs supputations sont restées totalement vaines. Dans leur raisonnement , il y avait manifestement un “hic”. Il est devenu aujourd’hui évident. Ils ne s’étaient pas rendus compte qu’à chaque niveau de complexité supplémentaire de nouveaux principes émergent et que ceux-ci ne peuvent être inférés directement, à partir des seuls composants des organisations englobées. Les éléments à prendre en compte sont trop nombreux ; par le jeu des interactions, et à cause des effets de synergie ou des contradictions -systèmes de régulation aidant- le tout devient très aléatoire. Voyez ce qui se passe en matière de météo. Toute prévision du temps est limitée, pourtant le nombre de paramètres en jeu est faible et chacun d’eux est décrit avec un certaine fiabilité.
En fait, dans chaque nouvelle organisation issue d’organisations de niveau inférieur, ce sont de nouvelles propriétés, le plus souvent inattendues, qui apparaissent. En aucun cas, on ne peut les inférer à partir des propriétés bien connues des éléments. On ne peut dès lors que se contenter de les constater...
Comprendre l’entreprise sur le vivant
Les modes d’adaptation et d’autoorganisation que la nature a produits tout au long de son évolution, se retrouvent dans le fonctionnement des sociétés humaines. Les identifier, c’est s’ouvrir à une nouvelle grille de lecture qui peut permettre à nos entreprises de faire face à des défis de plus en plus nombreux et brutaux.
Michel Gonzalez
Aujourd’hui, nous savons donc qu’il y a aucun espoir de transfert d’explication d’un niveau d’organisation à un autre. Le biologique ne confirmera pas le social. Alors, me direz-vous, qu’est-ce que le vivant peut apporter à l’entreprise ou à la société ? Les mécanismes de physiorégulation mis à jour peuvent-ils être fondateurs dans les organisations humaines ? En aucun cas ! L’isomorphie n’est pas possible. Même la métaphore ou l’analogie est risquée ; en tout cas dès que l’on en abuse. Rassurez-vous cependant, nous n’avons pas parcouru tous ces chemins ensemble pour aboutir à une impasse. Le vivant se trouve être une formidable banque d’idées. Nous avons vu combien “d’intelligence” et d’inventions étaient déjà rassemblées dans un petit poisson rouge ! Or il ne s’agit là que du savoir accumulé par une seule espèce, une espèce parmi les deux milliards actuellement recensées. Au cours des trois milliards d’années d’évolution du vivant, un nombre considérable de directions ont été explorées... Les organismes ont tenté une foule d’expériences très diverses en matière d’organisation. Pourquoi ne pas les décortiquer pour les exploiter comme source d’idées, de concepts et de processus en matière d’organisation humaine ? Non pas pour justifier un quelconque fonctionnement mais pour faire des hypothèses, pour tenter des expériences nouvelles.
Par chance, celles qui ont réussi ont été capitalisées, le vivant les a mémorisé. Il les conserve précieusement dans sa mémoire génétique constituée par l’ADN. Cette banque d’idées, nous avons pu commencer à la tester dans des organisations humaines. Elle nous a servi de grille d’analyse d’une part pour comprendre pourquoi certaines entreprises réussissent mieux que d’autres dans un environnement en mutation. D’autre part, nous y avons puisé des idées pour rénover le fonctionnement de systèmes universitaire, scolaire ou hospitalier ou encore promouvoir des processus de transformation d’entreprises publiques ou privées pour lesquelles nous avons été contactés comme consultant.
Dans les domaines du bâtiment, des travaux publics ou encore des transports par exemple, nombre d’entreprises ont de graves difficultés en matière d’organisation structurelle. Il est vrai qu’il règne dans ces secteurs un grand classicisme, pour ne pas dire une véritable pauvreté d’idées. Alors que le contexte nécessite des pratiques totalement neuves, alors que des technologies de plus en plus sophistiquées sont exploitées, des modes de fonctionnement archaïques perdurent (2). L’encadrement de ces entreprises, publique ou privée ressemble à un gigantesque gisement d’intelligences en jachère. On peut d’ailleurs se demander comment des conseils de direction réunissant autant de talents obtiennent-ils d’aussi piètres performances. Les organisations humaines seraient-elles des machines à broyer les idées, à tuer les initiatives ou à paralyser les têtes ? (3)
A l’image du vivant, notre première hypothèse est seulement paradoxale. De par leur proximité avec le social, les modèles physiologiques sur la régulation nous apparaissent déclencheur d’inventivité pour l’entreprise. On sait la place que joue la démarche analogique dans la production de solutions neuves. C’est déjà dans ce simple processus que le vivant peut être utile. Car ce n’est pas n’importe quel imaginaire qu’il propose. Il s’agit d’une créativité et d’une approche des réalités qui ont fait leurs preuves dans des situations très délicates. Ainsi dans nos audits ou nos formations de cadres supérieurs, nous avons tenté d’introduire divers processus observés avec succès sur le vivant (4).
En tout premier lieu, il s’est agi de se demander comment développer une culture de la régulation dans l’entreprise, c’est à dire comment faire accepter comme pertinent la nécessité d’audits permanents (internes et externes), en tant que feed-backs pertinents de son propre fonctionnement. Car il s’agit aujourd’hui de passer :
- d’une entreprise centrée sur elle-même, en particulier sur son propre fonctionnement à une entreprise porteuse d’un projet où sont pris en compte prioritairement l’environnements et notamment les clients,
- d’une entreprise de procédures et d’obéissance passive à une entreprise où la responsabilité fonctionne à tous les niveaux, vivant des relations, des complémentarités, où les individus, les services s’efforcent d’être solidaires plutôt que de s’ignorer ou de se combattre,
- d’une direction verticale commandée par une pyramide hiérarchique à une organisation transversale, matricielle (ou en réseaux), intervenant en soutien et par anticipation.
Par exemple, en matière de lancement de produit, la direction pense avoir tout prévu : le nom, son prix, la forme et le design de l’emballage, l’investissement publicitaire, pour lesquelles de multiples études coûteuses ont été réalisées. Et puis, il manque le “détail qui tue” : le colis est trop bien ficelé, le paquet ne tient pas dans les rayons. Cela a pour conséquence de provoquer une forte irritation des chefs de rayon des grandes surfaces qui achètent directement (ou passent l’achat dans une centrale) et mettent en place. Le cadencier des ventes n’est pas alimenté. Une simple évaluation préalable, de simples contacts avec les acheteurs potentiels aurait pu anticiper ces problèmes. La prise en compte de l’expérience des représentants aurait évité le problème. Malheureusement les décisions sont prises à d’autres niveaux, pour des raisons propres à l’entreprise (un compromis entre les services ou les opinions des personnes qui possèdent le pouvoir de décision), sans tenir compte des personnels de base qui possèdent les véritables compétences.
Ce type d’exemples est quotidien. Nombre d’autres freins existent au sein des entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, pour mettre en place des audits (notamment en matière d’audits internes). Ils émanent principalement de l’encadrement qui a l’impression de perdre progressivement son pouvoir hiérarchique (5). Pourtant le champ de la régulation ne cesse de s’élargir dans l’entreprise, signe que l’entreprise reconnaît la valeur ajoutée apportée par une régulation permanente. Elle contribue à faire évoluer le mode de management, émet des diagnostics pertinents et des avis fiables. Surtout elle permet un échange d’expériences, de pratiques et de conceptions et crée au sein de l’entreprise des référentiels communs entre des services habituellement en conflit. Ces référentiels se sont des processus, des procédures, en particulier pour gérer ces derniers ; ce sont aussi des contrats que peuvent se passer l’unité avec la direction ou les services entre eux.
Parallèlement aux feed-backs, nous avons essayé également de tester plusieurs directions déjà opératoires dans les organisations vivantes, à savoir l’autonomie des entités, la dynamisation globale de l’organisation, une politique de communication redondante et transparente, la multiplicité des registres de fonctionnement, la gestion au plus près des réalités, etc (6).. Mais précisons quelques directions à l’aide d’exemples qui en faciliteront l’accès.
Il est un point crucial où le vivant est sans contexte une mine de ressources précieuses, c’est celui de la communication. Des stages de réflexion initiés sur le vivant conduisent à penser autrement les flux d’informations dans les usines, les grandes surfaces ou les chantiers. La grande entreprise du bâtiment ou des transports est encore un lieu où l’information “passe” très mal. Il s’agit là d’un grave décalage par rapport aux nouvelles habitudes sociales. Ce manque est d’ailleurs douloureusement ressenti par l’ensemble des collaborateurs. Il contribue à maintenir un profil bas chez les salariés. Dans la majorité des entreprises de ces branches, la direction, les cadres dirigeants n’ont toujours qu’un modèle “en tête”. Il se nomme : information descendante ; elle passe le plus souvent par la note de service ou par la voie royale des chefs, de rangs successifs. Très souvent, on entend encore dire : “communiquer vers l’intérieur ne sert à rien, rares sont les salariés qui s’intéressent à la marche de l’entreprise”. “Tout est affaire d’ordres clairs et précis”.
Sur ce plan, le vivant attire l’attention sur le point crucial de toute organisation, à savoir la communication interne. Il met même l’accent plus particulièrement sur la communication ascendante. Il montre qu’à mesure que l’organisme devient plus complexe (8), les systèmes d’informations s’avèrent de plus en plus sophistiqués et ce sont les systèmes ascendants qui font la différence. Le corps humain a ainsi finement soigné une gamme de mécanismes à cet effet. Ils apparaissent aussi variés que performants. Or la demande d’écoute est une revendication fréquente des gens qui travaillent, notamment lors de transformations de modes de travail. Même les étudiants la réclament à l’université. Il suffit que le mot “réforme” pointe à l’horizon.
Pourtant la communication interne recouvre encore un ensemble de pratiques incertaines, peu réfléchies sur leur pertinence. Les propos éventuels des responsables des services spécialisés dans l’information apparaissent naïfs. Il est vrai qu’ils sont désemparés par manque de formation ou à cause du foisonnement des outils. Comment faire remonter des flux de messages et jusqu’à quel niveau ? Plus le circuit est long, plus la distance hiérarchique est importante, moins les chances d’une écoute fidèle sont réelles.
En lisant l’entreprise à l’aide d’une grille d’analyse basée sur le vivant (9), la remontée des informations peut être travaillée pour faciliter la coordination des activités. Sur un chantier de construction, la spécialisation des personnes, la technicité, la décentralisation et son cortège de responsabilités multiples conduit à envisager des systèmes de communication spécialisés à l’image du système nerveux ou du système hormonal. Quatre type de régulations peuvent être mis en place à effets différés : une régulation portant sur l’action (et les capacités d’actions) des unités régulées, une régulation sur l’adéquation entre les moyens mis en oeuvre et les résultats obtenus, une régulation sur l’application des règles et des procédures, une régulation sur l’applicabilité de ces dernières.
Des groupes de coordination et d’intégration ont également été imaginés pour éviter l’inverse, c’est-à-dire la sur-information. Ce fut l’occasion de redynamiser certains cadres, de les convaincre de l’aspect stratégique de l’écoute, de vérifier l’utilisation des contacts non-spécifiques (réunions, stages de recyclage, visites, promotion, départs, etc.), de valoriser les systèmes de suggestions. Dans les situations extrêmes, celles où les centres d’intégration ne peuvent ou ne veulent jouer un rôle, on peut encore inventer des possibilités de communication directe base-direction (questions à la direction, lieux de rencontre obligé).
A travers cette grille de lecture, nous avons également tenté d’optimiser la communication descendante. Contrairement à ce que pensent les directions, mieux vaut diffuser trop d’informations que pas assez. Toutefois pour être performante, cette dernière demande à être diversifiée. A la lumière du corps humain, on peut concevoir non plus un seul mode de communication, mais plusieurs, à effets différenciés. Dans des entreprises de distribution, nous avons aidé les décideurs à catégoriser les messages par leur fonction, à hiérarchiser leur importance. On peut alors dépasser les traditionnelles circulaires, à effet limité. On peut éviter les campagnes globales où les acteurs ne sont plus circonscrits, ou encore les opérations-gadget toujours mal reçues par les employés.
Une typologie des médias et de leurs utilisations, en fonction de l’impact souhaité dans la marche de l’entreprise (9), peut être discutée. La communication interne est alors mise à plat. La pertinence et l’efficacité des outils sont répertoriées, dispositifs par dispositifs. Des messages urgents, à effet immédiat mais bref, tel l’influx nerveux, pour répondre à des modifications brutales du milieu sont distingués de documents plus lents, à effets plus permanents, à l’image des hormones. Ces derniers ont par contre plus de chance d’enrichir la culture d’entreprise.
Entre les deux, tout un ensemble de pratiques mixtes, à l’image des neuromédiateurs ou des seconds messagers, ont été introduites. La variété des solutions, informatiques et techniques qui existent sur le marché, permet de multiples combinaisons (télex, télécopie, courrier électronique, visioconférences, journaux internes ou courrier personnalisé).
Les résultats les plus originaux, obtenus dans nos séminaires, ont porté sur la communication transversale entre les services ou les unités (10). Il est vrai que cette dernière se trouve être encore soit inexistante, soit très indigente. Or elle apparaît souvent comme une réponse possible aux cloisonnements et aux distances. De la même manière, elle accroît l’autonomie en période de décentralisation pour répondre à un environnement instable et complexe.
La communication de proximité entre individus ou groupes de base a également été privilégiée dans nos séminaires. Le vivant, et notamment le système de régulation immunologique, attire largement l’attention sur cet aspect. C’est la prise en compte de l’autre, sa reconnaissance qui est en jeu. C’est l’échange d’information qui permet de nouer un lien, de réduire la distance et par là de permettre une coordination des activités. Ce type d’informations est à l’origine des maillages, des interactions croisées, bref de la fertilisation de l’entreprise (11).
De la même façon, nous avons pu faire réfléchir sur les savoirs nécessaires à la bonne marche des pratiques. Cet autre projet était des plus concrets : le but était l’accès immédiat à la documentation technique. Actuellement, beaucoup de services attendent les données nécessaires aux fabrications, tout comme ils le font pour les fournitures. Des centres d’autodocumentation, où des individus, des petites unités peuvent puiser directement les ressources nécessaires sans en référer à la hiérarchie furent envisagés et mis en place. Cette fois, le modèle de référence à partir duquel nous avons fait fonctionné des groupes dans la grande distribution fut les mécanisme d’information génétique.
Cet exemple met d’ailleurs bien en évidence les caractéristiques de notre approche physionique. Il n’est jamais question de similitude directe entre le vivant et une structure sociale. Avec les moyens informatiques, chaque unité de base n’a plus à disposer de sa bibliothèque, en propre, où se trouverait réuni tout le savoir-faire de l’entreprise, comme le suggère le noyau de la cellule. La base de données peut être commune et accessible à distance par Minitel ou courrier électronique. L’important est de disposer d’une autonomie dans la gestion de l’information. Les nouvelles technologies permettent cet accès et cette gestion commune ; en même temps, elles facilitent une mise à jour constante.
La hiérarchie dans l’entreprise
Tout ce qui peut être accompli, de sa seule initiative et par ses propres moyens, par une collectivité publique ou privée, de niveau inférieur, ne doit être revendiquée, ni contrôlée par la collectivité de niveau supérieur, sauf pour sa conformité au droit”
Article constitutionnel de la Confédération Helvétique
Une autre question que nous avons eu à traiter fréquemment est celle de la hiérarchie dans l’entreprise. Dans les banques ou les travaux publics, on peut dénombrer au moins sept, parfois huit niveaux différents. Nous en avons rencontré jusqu’à quinze ! L’organigramme affiche des directeurs généraux, des directeurs régionaux, des directeurs par secteurs et ainsi de suite... jusqu’aux chefs et sous-chefs d’exploitation. Entre ces niveaux, les directives passent très mal, le plus souvent elles restent “lettres mortes”.
L’entreprise paraît figée, elle souffre d’un manque de coordination, chaque structure constitue une barrière étanche, au mieux un filtre déformant. Les raisons de ces gribouillages relationnels sont complexes. Le rôle cependant que joue la détention de l’information et la sensation de pouvoir qu’elle procure semble prépondérant. Un grand nombre de directeurs et de cadres confisquent carrément des données ou les déforment volontairement pour mener des stratégies personnelles ou influencer les coalitions de clan (12).
Ajoutons à son inefficacité, que la hiérarchie est de plus en plus mal vécue. Par sa distance et la complexité des problèmes, la direction n’est plus la mieux placée pour trouver une pertinence face à une situation particulière. D’ailleurs, les directives générales sont passablement muettes sur les conditions pratiques de leur application. De plus, la direction traditionnelle a une vision très fonctionnelle de l’entreprise : gérer, financer, vendre. Elle ne sait mettre en avant que la division du travail et la répartition des compétences.
Une approche plus relationnelle et interactive facilite la coopération dans le travail, la généralisation des compétences et la prise des décisions au plus près de la réalité. Sur ce dernier plan, nos propos sur la régulation (13) interpellent et rassurent à la fois les dirigeants d’entreprise. Le fait qu’en matière d’eau, les quatre vingt dix neuvièmes du temps, le corps humain résout les problèmes “à la base”, sans que le cerveau en soit informé, surprend toujours les directeurs. Une familiarisation avec ces autres modes de gestion les conduit à envisager autrement leur rôle. L’exemple de l’eau montre bien les contrôles successifs mis en oeuvre et leur niveau de gestion (14). De même, l’idée que des collaborations directes soient possibles automatiquement entre les cellules ou les organes -relations rein, foie, surrénales, toujours dans cet exemple- indépendamment des directions sécurisent les chefs d’entreprise qui se lancent dans ce genre d’initiatives. Pour d’autres encore, la prise de connaissance de ces mécanismes ont un rôle déclencheur d’idées neuves en matière de coordination.
Dans des groupes ad hoc, il est alors possible de travailler les interactions dynamiques qui font que le tout devient plus performant que la somme des parties. Le manager classique pense toujours que son rôle est de restreindre le potentiel de conduite de ses subordonnés. Pour cela, il passe une grande partie de son temps à produire des règlements qui répartissent de façon immuable les tâches, délimitent a priori des compétences pour les accomplir. Le tout est prescrit par des organigrammes, avec des voies de service. Ils indiquent même le chemin préétabli qu’ont à parcourir les directives de haut en bas (15).
Ces ordres hiérarchiques, accompagnés d’une répartition explicite des rôles, n’ont plus leur place. Cette idée de l’organisation impliquait une connaissance préalable des perturbations possibles ou des évolutions potentielles de l’environnement. Elle nécessitait des circuits courts et constants et une gamme d’interventions aussi promptes que bien préparées d’avance pour y faire face. Malheureusement dans des conditions fluctuantes, la dynamique implique une grande flexibilité, c’est-à-dire une certaine aptitude à réagir rapidement aux variations de l’environnement.
Cela, les responsables d’entreprises en sont rapidement convaincus. Malheureusement, ils ne savent pas toujours comment s’en sortir, ni quelles autres voies prendre. Dans les entreprises dans lesquelles nous sommes intervenus, un processus a été mis en place. Le recul introduit par l’approche du vivant a permis de reconsidérer en premier l’organigramme. La pyramide a été symboliquement renversée ou encore cette dernière a été pensée à l’envers. La direction générale est là pour soutenir (et coordonner) l’effort de l’ensemble, elle est au service des gens du terrain.
Sur le modèle du corps humain, les niveaux hiérarchiques ont été diminués, des incitations ont été lancés pour réfléchir à des types d’organisation favorisant à tous les échelons la responsabilité et l’initiative. A titre expérimental, trois niveaux de coordination seulement ont été expérimentés. Les décisions ont été placées le plus bas dans la hiérarchie, au niveau le plus proche de la réalité concrète. Les échelons supérieurs sont alors mis à contribution en dernier recours.
L’efficacité résulte de la coopération effective entre tous les membres dans tous les services. Des modes de collaboration différents ont été imaginés et testés. Ce fut une autre occasion de travailler la communication, notamment sur les chantiers ou les hôpitaux, en relation avec la cohésion d’une équipe, l’insertion des nouveaux salariés ou encore la répartition des tâches et des responsabilités. Les premiers résultats s’avèrent satisfaisants de l’avis même des acteurs. Ils impliquent, toutefois, un certain nombre de conditions de réussite (16), notamment au niveau de la formation du personnel et de la politique de l’information.
La naissance de la physionique
La vie de l’entreprise, c’est comme la vie de tous les jours,
elle demande à être simplifiée.
Anonyme
Bien sûr, cet intérêt pour le vivant à des fins utilitaires n’est pas neuf. A plusieurs époques, l’homme a puisé dans la nature pour inventer des objets technologiques. Parmi les productions les plus célèbres, citons le velcro que Georges de Mestrel a fabriqué, en imitant le système d’accrochage d’un fruit, celui de la bardane. De même, des revêtements pour sous-marins qui limitent les turbulences ont été inventés après étude de la peau des dauphins. Dans l’architecture, l’homme s’est largement inspiré des formes naturelles. Les structures hexagonales, aujourd’hui si fréquentes, ont été directement copiées sur les rayons d’abeilles. Les habitations légères de Le Ricolais imitent directement le squelette de minuscules organismes du plancton : les diatomées. On appelle cette approche analogique : la bionique.
Mécanismes antagonismes du mouvement du bras et membres-robot de la société Examéca Monédi
La démarche partagée dans ce livre prolonge cette démarche dans une direction similaire. Au même titre que les aspects anatomiques, les mécanismes, les aspects fonctionnel et relationnel, les processus, les dispositifs organisationnels inventés par le vivant nous concernent. De leur maîtrise peut naître des pratiques neuves de gestion. Ce nouveau paysage nous l’appelons dans nos séminaires : la physionique, du suffixe physio qui veut dire “nature”, mais qui a pris des connotations très dynamiques dans physiologie.
Pour tenter de convaincre (17) du bien fondé de cette approche, regardons encore du côté des relations difficiles entre l’entreprise et son environnement. La plupart du temps, ce n’est pas une décision prise par la direction qui fait évoluer une entreprise mais son environnement, en particulier ses clients. Répondre en premier aux exigences du milieu ou de la conjoncture, adapter l’organisation et les structures de travail en conséquence facilite la transformation dans un environnement instable. Comme tout système, une entreprise ne peut d’ailleurs rester longtemps isolée. Elle est le produit de relations, une fermeture continuelle pour la prévenir de toute perturbation, réflexe fréquent en période de crise, ne semble guère possible et est même néfaste. Pourtant nombre d’entreprises en difficulté, notamment celles du textile ou de l’habillement, à cause de la concurrence asiatique, plongent dans ce cercle vicieux. Moins une direction parvient réellement à dominer les activités, plus elle tente à tort de donner des ordres pour ramener le contrôle sous sa seule autorité.
Dans des conditions similaires, que se passe-t-il dans les organismes vivants ? Un être vivant a tendance à se développer de façon centralisée lorsque l’environnement est stable. Par contre, lorsque celui-ci devient turbulent, ce sont les formes décentralisées qui prolifèrent. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait avec succès récemment plusieurs entreprises qui ont prospéré dans les conjonctures difficiles. Le vivant l’avait envisagé depuis très longtemps.
Dans un contexte défavorable, une organisation se doit de se différencier pour survivre (18). Dans le cas contraire, elle y perd sa capacité d’adaptation et sa viabilité. En d’autres termes, l’entreprise a plus de chance de survivre si elle se scinde en plusieurs sous-systèmes autonomes et spécialisés. Seul doit rester commun, un projet, une fonction centrale ou une politique de coopération. Deux processus sont également très importants pour la viabilité de l’organisation : la différenciation structurelle et l’intégration. C’est dans ce sens que nous faisons actuellement travaillé nos groupes de physionique.
L’homéostasie de l’entreprise
Il y a toujours quelqu’un, dans l’ombre,
qui invente quelque chose de nouveau.
Philippe Sollers
De l’environnement au maillage, il n’y a qu’un pas à franchir. La splendide solitude de l’entreprise s’est éteinte. Aujourd’hui, un tissu de relations se met en place intuitivement avec d’autres entreprises mais aussi avec les fournisseurs, les clients, les banques, etc. Quatre-vingt pour cent des entreprises japonaises sont maillées entre elles. Les organisations vivantes sont très nettes sur ce plan. Un organisme a fort peu de chance de vivre et de gagner seul. Il court même le maximum de risques s’il mise sur la seule intelligence de son centre de direction. Lorsque la Nippon Steel s’environne d’une galaxie de 500 petites ou moyennes entreprises, c’est pour tenter de faire “plus” à plusieurs. Elle accroît ainsi sa souplesse de manoeuvre face à un avenir incertain. Les complémentarités, les alliances ponctuelles ou durables sont favorisées. Des réseaux sont créés pour recueillir et mettre en commun les données de l’environnement, monter des formations communes, échanger les cadres, ou encore organiser une gestion globale de l’emploi, un projet de recherche, une opération d’exportation.
En la matière, le vivant nous offre une mine inépuisable de pratiques possibles. Toutes apparaissent plus surprenantes les unes que les autres. Il reste à en faire l’inventaire et à tester leur opérationnalité pour l’entreprise. De multiples formes d’alliances, de symbiose ou de commensalisme existent. Les plus incroyables sont les mitochondries ou les chloroplastes, dont nous avons déjà eu à parler. Tout en restant autonomes, elles fonctionnent en symbiose, complètement connectées au sein de l’organisme. Elles sont si bien intégrées que pendant presque un siècle, les chercheurs en avaient fait de véritables organites cellulaires.
Il y aurait encore d’autres points à creuser pour peaufiner une homéostasie de l’entreprise. La redondance des fonctions, les structures membranaires fluides, la multiplicité des tâches, la délocalisation des fonctions si utiles dans le corps humain ne pourraient-elles pas trouver des applications ? Si oui, à quelles conditions ? Comment mettre en place des rétroactions, avec plusieurs niveaux de contrôle ? Tels sont quelques autres thèmes de réflexion actuels de nos séminaires.
The one best way : out
Pour peu qu’on ait du goût pour l’érudition
On sait que chaque règle a son exception
Boursault
S’il n’y a donc pas d’espoir de transférabilité entre les niveaux d’organisation, il peut déjà exister, entre le vivant et le social, un renforcement de la culture des acteurs de l’entreprise. Les modèles du vivant, s’ils n’apportent pas de solution immédiate -cela se saurait- conduit à reformuler les situations ou les problèmes. Voyager d’un domaine à l’autre, du poisson rouge au corps humain, du corps humain à l’entreprise tel que nous le pratiquons est une première démarche possible. De ma propre expérience, je me suis surpris, à force de faire le pas (19), de creuser une cluse dans une montagne qui séparaient deux mondes. Dans tous les cas, des pistes de travail ou des pratiques alternatives en découlent.
Par exemple, lorsqu’une entreprise évolue dans un environnement changeant, le vivant suggère encore l’idée que l’organisation a le plus de chance de survivre si elle raccourcit ses circuits de décision. On peut même y tracer des garde-fous. Signalons au passage que contrairement à ce que proclament nombre de gourous d’entreprise, “the one best way” (20) n’est en aucun cas viable. Les systèmes vivants indiquent nettement qu’il ne peut y avoir de principes de gestion universels. Les organisations fécondes sont multiples et diverses car en corrélation avec les modifications de l’environnement (21).
Sur un autre plan encore, ces groupes de physionique font mieux comprendre les interactions personnelles, éventuellement le décalage entre les projets personnels et le but poursuivi par l’entreprise, autant d’éléments encore implicites pour la plupart des membres d’une entreprise. Dès qu’un individu se met au service d’une organisation quelle qu’elle soit, il y perd toujours une partie de son répertoire. Chaque partie se doit abandonner quelques uns de ses pouvoirs, potentialités ou désirs d’elle-même. Et se faisant, elle permet au tout d’être plus performant. En retour, l’individu en récupère d’autres avantages. Le gardien de but renonce à marquer des buts. Il se met totalement au service d’une équipe qui lui permet de se réaliser autrement. Il pourra devenir le champion de son quartier ou de son pays.
Dans nos pratiques d’entreprise, on constate que ces questions personnelles sont déjà mieux vécues, dès qu’elles sont mises à plat et discutées à partir d’exemples pris dans le vivant, et ils ne manquent pas. Certaines tâches répétitives ou moins valorisantes sont mieux acceptées, dès lors que l’individu comprend leur objet et partage un projet (22). On peut même organiser des groupes de “mise en perspective”, pour tout à la fois faire entrer l’individu dans la culture de l’entreprise, tout en lui conservant son état d’esprit. Son originalité peut encore être cultivée. L’entreprise peut en récupérer des bénéfices en cas de “coup dur” ou s’il y a nécessité d’innover.
La chance des antagonismes
Un calcul ne s’exécute pas, il se médite.
André Revuz
A l’usage, il apparaît que l’on peut avancer dans cette approche physionique. N’y aurait-il pas des démarches de gestion identiques dans toute organisation ? En d’autres termes, s’il n’y a pas d’homologies ou d’unité de structure entre les systèmes, si un niveau ne peut en justifier un autre et s’il n’est pas possible d’inférer des propriétés d’un niveau à un autre, cela ne veut en aucun cas dire qu’il n’y ait pas un PPDC. Oui ! Un plus petit dénominateur commun comme on pourrait dire en mathématiques, en d’autres termes des conditions optimales, propres à toute forme d’organisation.
En effet, toute organisation n’est pas le fruit du hasard, elle est une production comportant des caractéristiques constantes; même les organisations les plus anarchiques, les plus imprévisibles en possèdent. Seraient-elles perceptibles comme des organisations sans cela ? N’a-t-on pas déjà envisagé cela à propos d’un match de “foot” (23)... Quelque soit l’évolution d’une rencontre, un certain nombre de spécificités font dire qu’il s’agit de football.
Pourquoi ne pas tenter de comprendre ce qu’il y a de commun à toute organisation ? Toutefois, il ne faut pas nous contenter de chercher ce PPDC dans les modèles qui confortent nos idées. Il nous faut aller au delà des apparences immédiates pour en tirer la substantifique moelle. Pour cela, il faut commencer par nous interroger sur ce qui doit être optimalement réuni pour il y ait organisation. Cela conduit à repérer les stratégies communes à toute organisation qui réussit (24).
Par exemple, il est une propriété que l’on retrouve à tous les niveaux : c’est l’interaction entre les parties, interaction qui tourne souvent à la confrontation. Tout système organisé ne semble fonctionner que s’il y a des antagonismes. Ces derniers sont même indispensables au fonctionnement normal du corps humain. Notre squelette ne peut tenir droit que grâce à des oppositions de muscles. Il en est de même pour tous nos gestes. Par ailleurs, les divers équilibres ne sont possibles que parce que des mécanismes s’affrontent ou se concurrencent. Or paradoxe, l’antagonisme, la confrontation sont mal vécus à l’intérieur des entreprises. Dans tous les audits ou séminaires de formation, ce point revient immanquablement. Pourtant, les oppositions ne manquent pas dans les entreprises. En informatique ou en télécommunication elles sont de tout ordre et de tout niveau : service recherche et développement contre services commerciaux, service financier contre marketing, direction opérationnelle contre direction stratégique, ouvriers contre maîtrise, cadres contre directions, services administratifs contre services de recherche. A l’intérieur de chaque compartiment, on discerne encore des oppositions farouches entre les divers spécialistes : électroniciens, programmeurs, logiciens, etc.., sans compter les éternels et multiples problèmes de personnes, etc..
Tous ces antagonismes peuvent devenir très conflictuels. Ils sont même paralysants dans les hôpitaux, où se côtoient des personnels très disparates (médecins, administratifs, infirmiers, multiples spécialités paramédicales, etc.), régis par des conventions hétéroclites. Encore plus typique est le cas des aéroports d’une capitale européenne. Le manque de dialogue et la mise en place d’une réglementation tatillonne pour éviter les conflits frontaux conduit à une situation quasiment bloquée, où se succèdent inconvénients et aberrations. Pour le seul plan des moyens d’accès, il est aisé de repérer une surenchère de situations inextricables où s’additionnent perte de temps et politique de transport dispendieuse. Les taxis (25) attendent en un lieu pendant que les clients font de même ailleurs. Les transports publics nécessitent des transferts multiples et peu pratiques. Pendant ce temps, un nouveau système de transport hypermoderne reste pratiquement sous-utilisé.
Une démarche de physionique met en évidence tout de suite les lieux où le bât blesse. L’antagonisme n’est jamais destructeur en matière de vivant. Au contraire, il lui est indispensable, inhérent à son fonctionnement. Sans une opposition systématique entre les différents muscles des nageoires ou de la colonne vertébrale, aucun mouvement n’est possible au poisson rouge. Sans une confrontation franche entre différentes hormones, la régulation de l’eau et des sels minéraux ne peut se réaliser dans les néphron du rein. Ces antagonismes se trouvent même être créateurs : ce sont eux qui structurent les protéines et déterminent par là des réactions chimiques, impossibles en leur absence. S’il n’y avait pas répulsion ou compétition entre ions, aucun message nerveux et donc aucune pensée ne serait produit. De la sorte, des antagonismes quasi-identiques font prospérer le corps humain. On y observe des coopérations a priori contre nature. Des systèmes ayant des logiques différentes, ou même contradictoires comme pour le système nerveux, le système hormonal et le système immunitaire, coopèrent pour le succès de l’organisme. Tout est en conflit dans le fonctionnement propre de ces structures. Pourtant sans leur rencontre, aucun être humain ne résisterait bien longtemps aux multiples agressions de l’environnement.
Avec des responsables d’entreprises, nous avons planché également à travers un “crible” des antagonismes. Nous avons repéré et mis à plat les multiples formes d’oppositions, puis envisagé leur place et leurs potentialités. Très souvent, nous avons conclu à leur efficacité possible dans la marche de l’entreprise. Mieux, nous avons tenté de les prendre en compte : des résultats positifs ont pu être constatés à la suite.
Une saine confrontation d’idées, au lieu d’être paralysante, affine grandement une stratégie de décisions. Par ailleurs, elle développe un argumentaire de vente. Nous pourrions citer des situations, dans l’informatique et dans l’audiovisuel, où de franches confrontations, entre les concepteurs entre eux, et avec les commerciaux, ont permis de mieux cibler un produit, ou encore ont transformé une procédure de fabrication.
Au lieu de les éviter, nous avons été conduit à intensifier ces confrontations lors des séminaires de physionique. Dans un projet de conception d’un musée, d’une exposition, les scientifiques, les muséographes, les graphistes, les architectes, les maquettistes, les réalisateurs, les informaticiens, les électroniciens interviennent avec des optiques très divergentes. Elles se rattachent à l’état d’esprit, aux modes de leurs domaines respectifs. Dans la fabrication d’un élément électroménager, les commerciaux recherchent les produits les plus rentables, ils préféreront toujours une technologie de la génération n-1, au grand dam des ingénieurs, si des bénéfices plus substantiels sont à la clef. Quant aux publicitaires ou aux spécialistes du marketing, ils ont toujours la “science infuse”, même s’ils changent de stratégies quotidiennement... Dans chaque cas, il en résulte une étrange cacophonie peu propice à la production.
Sans un travail sur les oppositions, les compétences s’annihilent, la création reste bloquée. En accentuant les contradictions, en les déplaçant éventuellement par un mode ludique, les collaborations s’avèrent facilitées. Les divers spécialistes acceptent mieux de se mettre au service d’un projet commun... A l’usage, on peut déjà avancer quelques conditions majeures pour dépasser les principaux obstacles habituels. Les antagonismes nécessite toujours d’être explicités pour être régulés. Cela prend un peu de temps au début, notamment dans les entreprises anciennes, pour évacuer certaines rancoeurs tenaces accumulées au cours du temps ; on en gagne fortement par la suite. Cela implique également de mettre en place des lieux et des stratégies de conciliation, avec des règles du jeu strictes et connues de tous, et de ne pas en changer trop rapidement...
Les groupes transversaux
Un homme seul est en mauvaise compagnie.
Paul Valéry
La question de la direction mérite également d’être repensée à la lumière des PPDC, en tant que point faible de l’entreprise. En matière d’organisme vivant, l’organisation pyramidale n’apparaît ni rentable, ni pratique (26). Des centres de concertation, de coordination, d’intégration, ou mieux de concernation, doivent lui être préférés. Leur charge est d’assurer un équilibre entre l’autonomie nécessaire aux parties et le maintien d’une unité, avons-nous vu. Leur pari, c’est la régulation, à l’image maintenant symbolique de PR. Avec cette hypothèse en tête, nous avons travaillé la répartition des tâches dans des entreprises de distribution. Nous ne sommes pas encore allés très loin dans cette voie. Toutefois, quelques pratiques alternatives ont été essayées.
Les habituelles réunions horizontales réunissant les directeurs et les chefs de services, ont été remplacées par des groupes transversaux. Ce sont des groupes hors hiérarchie ; leur but est de faire participer des membres de l’entreprise, quel que soit le niveau ou le secteur, à la clarification d’une situation ou à la résolution d’un problème. La condition : qu’ils aient des compétences pour le point à traiter, qu’ils soient concernés ou qu’ils puissent par la tâche qu’ils exécutent contribuer à une solution.
Des équivalents des équipements sensoriels externes et internes des organismes vivants ont été testés. Quelles sont les demandes de la clientèle, leurs attentes, leurs besoins ? Quels sont les services rendus par tel produit ? Habituellement les managers pensent : sondages d'opinions, statistiques. Ceux-ci sont toujours frustes ou trop coûteux. En plus, ils ne permettent pas un suivi permanent.
Le vivant en général, et le corps humain en particulier, fournissent toute une gamme de détecteurs potentiels et variés Pour comptabiliser l’eau en permanence, vous avez vu de combien de ruses, le corps humain use. Dans les entreprises avec qui nous avons collaboré, cette démarche a introduit ou renforcé l’idée d’un suivi de la clientèle. Mais encore fallait-il l’effectuer de façon continue et pertinente ? Généralement on pense étude statistiques ou évaluations coûteuses. Quels indicateurs sont aisés à repérer directement par les chefs de rayon ou par les commerciaux ? En prenant appui sur les données du vivant, des grilles avec un nombre limité de paramètres qualitatifs ont été précisées. Pour être opératoire dans l’action, aucune ne doit être trop lourde à gérer. En priorité, sont repérées les données correspondant aux points névralgiques de l’entreprise : les “indicateurs-enjeux”. Certains comportements de clients, les commandes des intermédiaires, les réactions des autres entreprises, peuvent être très révélateurs à eux seuls. Cette approche “capteurs” conduit également à penser aux vigies internes. Quelles sont les menaces, les faiblesses ou les opportunités dans l’entreprise elle-même ? Le délai de réponse aux clients, la nature des discussions de couloirs, le type d’imperfections constatées sur une chaîne de montage peuvent caractériser finement l’état des “troupes”. Ces groupes ont ainsi servi de déclencheur pour démarrer des équipes de “régulation”. Comment déceler les germes d’innovations dans les ateliers ou bureaux ?
De même, chaque membre d’un service peut se spécialiser en matière d’évaluation de l’évolution de l’environnement. Les stagiaires les ont différenciés et baptisés : “régulations stratégique, technologique ou prospective”. Parallèlement, chacun prend en charge des développements indirects. Ce peut être pour des entreprises de services : l’évolution de la bureautique, de la reprographie, des télécommunications, du traitement des données ou des textes.
Dans tous ces contextes, la mise en place d’une situation susceptible de rechercher les bonnes informations, de les traiter, entraîne une mobilisation de tous les instants et une plus grande responsabilisation des personnels (27). Plus les individus sont écoutés et impliqués, c’est-à-dire reconnues comme acteurs, plus leur productivité est élevée, mieux ils vivent la vie de l’entreprise.
Evaluer en permanence le capital en savoir-faire et savoir-produire, tout comme pour la capacité financière, conduit plus facilement à modifier ses orientations et à réviser ses points de vue. Ces groupes transversaux, notamment dans les entreprises médicales ou de distribution où nous avons eu une action plus suivie, ont pu impliquer plus fortement le personnel dans le changement. De la sorte, cette approche débouche sur un reconversion des méthodes de travail ou des stratégies commerciales. En attendant de plus amples développements, celle-ci soude et motive des équipes, autour d’un projet d’entreprise.
En retour, cette démarche physionique transforme les tâches manageriales. Elle mobilise particulièrement les cadres (29). Elle les forme à l’animation plus qu’à la note de service. La persuasion prend le pas sur la domination. Le “patron” devient celui qui concerne, fournit des repères, éventuellement tranche en dernier ressort, et encore après avoir écouté et tenté un consensus entre les services antagonistes. Aussitôt, il délègue la mise en application.
Le PDG doit-il aller jusqu’à ne plus gérer personnellement les dossiers ? Doit-il seulement écouter, mettre en relation, animer, anticiper ? Par moment, tout comme le cerveau ne devrait-il pas plutôt rêver? Je suis prêt à prendre le pari si une entreprise souhaite le tenter !
1. Le système vivant comporte toutefois un avantage sur le système suisse. L’information est accessible à toutes les cellules !
2. Les organisations aujourd’hui repérées sont les quarks et autres particules élémentaires, les protons et les neutrons, les atomes, les molécules, les organites, les cellules, les organes, les systèmes d’organes, les individus, les organisations humaines (tribus, entreprises, sociétés), les écosystèmes, la biosphère.
3.En France, la situation est dramatique dans quelques secteurs traditionnels. Et tout n’est pas dû à des problèmes économiques. A cause d’une formation trop rigide où dominent sans partage des mathématiques stakano-algorithmiques, les dirigeants d’entreprise restent frileux. Tout à la fois, ils manquent d’intuition sur les réalités et les relations interpersonnelles et d’imagination pour transformer les modes de gestion.
4. J’ai rencontré la même pauvreté dans les conseils d’administration d’institutions internationales ou les Collèges de professeurs d’université.
5. Reprendre éventuellement les Promenades 8 et 9.
6. Les limites de cette pratique, c’est de provoquer le ras le bol des services sans cesse observés, consultés ou sollicités par les régulateurs. Une coordination s’avère nécessaire dès que les régulateurs se multiplie dans l’entreprise.
Sur le plan pratique, pour préserver leur indépendance, les régulateurs doivent être rattachés à la direction générale. Par ailleurs, toujours sur les principes fonctionnant dans le corps humain, les régulateurs doivent être à leur tour régulés. Cette mission peut être confié à des auditeurs externes ou mieux à des systèmes de régulateurs autres.
7. Reprendre éventuellement les Promenades 8 et 9.
8. Plus une organisation est grande, plus il est difficile à une direction de savoir avec discernement ce qui se passe dans les différentes entités qui constituent le groupe.
9. Des “exercices” ont été mis au point pour nos séminaires.
10. Le vivant avait même introduit, avant qu’elle ne soit à la mode, l’idée de réseaux (networks) de communication.
12. Actuellement on constate un appauvrissement des moyens de communication traditionnels. Les réseaux syndicaux ont subi depuis plus de dix ans une érosion qui a favorisé le cocooning des services et le repli sur soi des personnes. Certes des projets nouveaux de communication ont fleuri, mais avant d’être électronique ou numérique, la communication doit être acceptée en tant que telle comme un dispositif fondateur d’une entreprise. Les multiples mesquineries auxquels nous nous heurtons quotidiennement dans la vie du travail proviennent tout à la fois de la méconnaissance que nous avons du service voisin ou ont pour origine l’habituelle politique de rétention de l’information, synonyme de pouvoir, à quelque niveau que ce soit. Faute d’une politique de communication transparente, le moindre détail est tripoté, sculpté à l’envi. Ensuite on le distille aux voisins qui à son tour le modèle et le renvoie. Le bruit alors enfle et du moindre fait, on fabrique un monstre plus volatil que l’air mais animé d’une énergie folle.
13. Même transmise, l’information subit encore de nombreuses distorsions. Quand on analyse finement les mécanismes de communication en place, la seule analogie qui vient à l’esprit est celle d’un célèbre jeu de société où l’on doit transmettre un message, après l’avoir reçu d’une personne précédente. Au bout de la chaîne, l’information initiale se trouve complètement déformée...
14. Revenir éventuellement p..
15. Reprendre la Promenade .
15.Ces directives précisent très finement les comportements ou les démarches adéquates, ainsi que les écarts, ces derniers étant sanctionnés. Une préoccupation : comment sortir du saucissonnage taylorien ? “Il y a ceux qui pensent et ceux qui vissent” comme disent souvent les employés, avec une saine dérision.
16. Il ne suffit pas d’énoncer des règles de fonctionnement ou des principes, il faut pouvoir les mettre en place. On ne change pas une organisation par des injonctions, encore moins par notes de services. Il s’agit d’abord d’identifier les obstacles aux changements, de voir à quel ordre ils appartiennent. Les entraves sont nombreuses : avantages acquis, habitudes de vie, gestion administrative, réglementations de tout ordre, images de la classe ou de l’enseignant, etc. Ensuite, il s’agit de s’employer à rechercher les diverses compensations à même de satisfaire chaque intérêt particulier afin de leur permettre d’accepter les changements.
17. Si vous êtes déjà convaincu, faites nous parvenir vos propres expériences. Si le monde de l’entreprise ne vous concerne pas, rendez vous directement au post-scriptum. Faites au préalable un bref arrêt sur le dernier point de ce chapitre, il ne peut pas ne pas vous concerner. Si la questions de l’information vous concerne, aller p..
18. Les mêmes phénomènes se présentent en période de croissance pour l’entreprise.
19. Le “pas” signifie col en niçois.
20. La “seule voie possible” en anglais.
21. Les stratégies de vie conservées -celles qui ont réussi- divergent selon les circonstances, les conditions d’existence, l’histoire de l’organisation et surtout l’environnement...
22. Seule la motivation peut transcender les taches ennuyeuses ou répétitives. Ces dernières prennent alors un sens particulier si elles s’inscrivent dans un projet.
24. Bien sûr pour que l’idée soit productive, il nous faut les situer par rapport au contexte, c’est-à-dire à l’environnement.
25. On peut même relever des blocages farouches entre taxis de la capitale et ceux de la banlieue.
27. Un plan de restructuration classique préconise des investissements et des économies drastiques par le biais de réduction d’effectifs. En réalité, c’est une dynamisation globale de l’entreprise qu’il faut obtenir, une sorte de mise en alerte générale pour une organisation en danger. Des appels aux employés peuvent être lancés pour faire des propositions, quelque soit leur place dans l’entreprise, dans quelque domaine que ce soit. Cet évènement doit être vécu intensément par des injections d’informations répétées. Au travers des propositions formulées puis discutées, c’est l’entreprise qui se découvre dans sa réalité globale avec ses possibilités et ses limites, ses problèmes mais aussi son désir de transformation pour faire face à un environnement difficile ou en mutation. En même temps, c’est un nouvel état d’esprit où chacun à sa place a un rôle, se sent écouté et où les barrières de caste tombent. Cependant l’information paraît toujours celle de la direction, à la fois insuffisante et entachée de suspicion. Un système de reporters volontaires peut être constitué pour rechercher l’information et la diffuser sous leur responsabilité.
28. Partie prenantes de l’entreprise, les cadres s’avèrent souvent ignorés lors des décisions stratégiques, court-circuités dans les discussions avec les partenaires sociaux et parqués dans d’autres lieux. Stimulés par de vrais délégations, ces groupes les impliquent dans les choix.
|