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André Giordan, Comme un poisson rouge dans l'homme, Payot, 1996
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Penser alternatif,
un autre regard… exigeant

André Giordan

 

Franchement les temps changent ! Ils changent vraiment… Faut-il vivre en ermite pour ne pas s’en apercevoir ? A moins qu’ils ne changent tellement vite qu’on ne s’en rende même plus compte ! Pourtant s’il est quelque chose qui ne change pas vraiment ou peu, c’est notre pensée… à commencer par nos façons de raisonner ou de faire des choix.
Les milieux qui se veulent «chébrans», écolos, « bobos » ou alternatifs ne sont pas exempts non plus de conservatisme ou d’illusions funestes ! Penser alternatif, ne signifie pas forcément penser "autrement". Les erreurs, les chimères, les leurres sont nombreux, les mirages et les aberrations à tous les détours. Prenons quelques situations où nous nous faisons tous avoir et tentons d'aller au-delà de l'apparence…

Le 11 septembre 2001, puisque cette date est entrée violemment dans l’Histoire, nous a tous impressionnés. Cet événement nous a conduit à accepter –ou à laisser faire- les  politiques  antiterroristes tout azimuts. Au delà de l’horreur  inexprimable de l'acte, ces 3000 morts ne sont rien à côté des problèmes immensément plus dramatiques que rencontre l’humanité…
A-t-on pris conscience que, chaque mois, autant d’Européens meurent sur les routes, sacrifiés au culte immodéré et insensé de l’automobile ? Presque 40 000 morts à la fin de l’année, la population de Cannes… Réagit-on de façon adéquate en la matière ?
Et 3000 morts pour un seul jour de septembre, ce n’est rien comparé à certains fléaux… quotidien. Cette mortalité coïncide au tiers de la mortalité journalière mondiale –oui ! journalière- due… au tabac. Discrètement, le tabagisme devient la cause la plus importante de décès et de handicaps. L’atrocité est-elle seulement l’apanage d’Al Quaida ?.. Ne sommes-nous pas tous ignorants ou complices ? La prévention dans les médias est aux « oubliés-absents », l’éducation à la santé à l’école ignorée. Pendant ce temps, nos manufacturiers sélectionnent des tabacs ou promeuvent de nouvelles pratiques chez les jeunes pour augmenter l’addiction à cette drogue (1).
Plus dramatique, chaque jour, 30 000 enfants -soit dix fois plus- meurent de maladies infantiles ou de malnutrition. Combien d’entre nous s’en émeuvent ou réagissent autrement qu'en versant leurs dons à des œuvres de bienfaisance ?  Dans certains pays, plus d'un enfant sur cinq succombe (2) avant d'avoir atteint son cinquième anniversaire, et beaucoup de ceux qui survivent ne se développent pas comme ils le devraient. Quelques euros suffiraient pourtant pour les sauver…

Mais ce n'est pas parce qu'on est convaincu que les choses sont sans espoir qu'il faut renoncer à vouloir les changer.. Bien au contraire... On peut toujours se « réfugier » dans les mouvements anarchistes, ou se donner bonne conscience chez les écolos et autres alternatifs de tous poils ! Arrêtons de rêver à une alternative au capitalisme comme au grand soir, par enchantement et, sachons en tirer les « leçons » qui conviennent du nombre d’âneries prônées par et depuis mai 68, à commencer par « il est interdit d’interdire » ! Non ! tout n’est pas possible n’importe comment si nous souhaitons vivre ensemble. Par exemple, peut-on accepter que des groupes pétroliers continuent à engager des compagnies de complaisance pour faire naviguer le pétrole ? Seul l’individualisme et la consommation sur le cour terme y gagnent. Non ! Tout n’est pas faisable, surtout si nous souhaitons vivre dans la différence. Et pour commencer, engageons une réflexion sérieuse sur nos pratiques alternatives. Car nous ne nous sauverons pas par le «ligth» ou le «bio». Les cigarettes  arborant ces labels sont tout autant nocives que les autres ! Le goudron et la nicotine produites par un végétal dit « bio » n’ont rien perdu de leur agressivité... (voir encadré 1).
Les produits bios ne sont en aucune manière la solution à nos problèmes de « mal-bouffe ». Dès que l’on creuse, les lacunes se rencontrent à la pelle. Dans la charte bio, il est interdit par exemple d’élever les animaux avec de la nourriture OGM. Or, depuis l’élimination des farines animales, seules les protéines de soja sont désormais disponibles. Et 60% d’entre elles -chiffre annoncé, mais sans doute beaucoup plus élevé- contiennent des OGM. Les distributeurs eux-mêmes sont devenus incapables de les différencier. Sans sécurité sur la traçabilité, d’ailleurs impossible en la matière, quel beau leurre que de croire sauf d'OGM la viande annoncée bio ! (3)..
Il faut se rendre à l'évidence que dans ce domaine économique porteur, les arrangements sont partout. Dès lors, on peut se demander qui ferme les yeux… pour ne pas voir ou ne pas savoir… ? Le bio serait-il devenu la bonne conscience des alternatifs ? Les grandes surfaces, elles, ne s’y sont pas trompées, elles en font leur nouvelle « vache à lait » !
De même, nombre d'actions de sensibilisation et de mobilisation en faveur d'une « bonne cause » s'avèrent limitées, voire néfastes. Certes, la défense des baleines est généreuse, mais la disparition silencieuse –qui va se mobiliser pour eux !- des lombrics dans le sol est autrement plus dramatique. Certes, le nucléaire reste un combat d’actualité, les déchets radioactifs produits cette seule dernière année sont un poids pour les générations futures pour plus d’un million d’années -connaît-on une seule de nos civilisations qui a duré aussi longtemps ?- ; toutefois certaines de nos façons de consommer au quotidien sont tout autant pernicieuses. A commencer par des gestes quotidiens très bienveillants ou accueillants comme celui d’offrir un simple jus d’orange (voir encadré 2). Ce breuvage est une source incroyable de pollutions et de perte de biodiversité.... On arase sans scrupule la forêt subtropicale pour développer ces plantations intenses, et lorsque nous dégustons ce délicieux breuvage, nous ne nous posons pas un instant la question de savoir ce que sont devenues les tribus autochtones qui vivaient au préalable dans ces lieux (4).
Même un beau geste d’écocitoyenneté peut devenir pernicieux quand il est insuffisamment pensé. Par exemple, le tri et la récupération des déchets apparaissent comme un acte citoyen favorable à l’environnement. Des initiatives fleurissent dans la plupart des communes pour cette récupération. Les conséquences ne sont pas toujours à la hauteur des espoirs projetés. Le cas le plus frappant est celui de la récupération de l’aluminium. Il va sans dire qu’une telle pratique limite les dépenses énergétiques, elle évite les pollutions liées à l’extraction, au transport et au traitement de la bauxite, etc... Cependant ce recyclage n’est pas neutre, il produit de nouveaux désastres insidieux à son tour. Les évidences sont trompeuses. Dans la mesure où l’industrie n’a pas suivi, les décharges se sont multipliées, et les déchets sont exportés sans tambours ni trompettes vers d’autres pays, notamment en Afrique. De graves pollutions secondaires ont été repérées. Plus dramatique, la récupération de l’aluminium a accru les pollutions aux dioxines et aux métaux lourds dans l’air et les pollutions salines dans l’eau des rivières. 

Les solutions évidentes –et là nous en arrivons à ce que pourrait être une politique alternative- sont parfois pires que les problèmes… Elles ne peuvent pas s’envisager sans démarche d’ensemble. Quelles sont les risques encourus avec les mesures prises ? Le changement est-il assuré ? N’oublions pas que celui-ci ne se décrète jamais… que les résistances sont naturelles. Où sont les points d’appui et les obstacles ? Comment les contourner, les détourner, les laminer ?..
Des outils ont été mis au point dans notre laboratoire de recherche. Oui ! la recherche dans ce domaine est nécessaire… Citons en premier : la pragmatique comme méthode de recherche de solutions alternatives et de mise en place de changement (voir encadré 3).
Parallèlement des réflexions originales sont à mener pour transformer la démocratie, c’est-à-dire notre façon de décider ensemble. Notre démocratie délégative reste trop frustre. Les politiques sont tout autant désarmés pour décider que les simples citoyens. Les commissions de spécialistes sont un pis-aller. Il faut inventer de nouvelles pratiques participatives comme les conférences de consensus inaugurées au Danemark ou ce que nous préconisons avec « les Assises de citoyen ».  On juge bien au nom du peuple, pourquoi ne déciderait-on pas de la sorte en matière de santé, d’environnement ou d’éthique ? Les experts seraient convoqués pour apporter leurs compétences, mais la décision appartiendrait à un panel de citoyens.

Rien n’est simple donc ! Et on entend encore trop souvent que “tout est trop compliqué”, voire “impossible”, qu'« on n'y peut rien »… Et pourtant, cette complexité ne signifie pas que rien ne peut changer. Agir certes… Mais pour y parvenir, il est nécessaire de sortir des lamentations stériles pour entrer dans une dynamique permettant d’aller au-delà des évidences. Bref, de “penser” le complexe, l’incertain, le global… Mais -oh ! paradoxe !- à partir de nous-mêmes !
Car parier sur le changement par la seule vertu des structures nouvelles a toujours été un échec (5). Quand à l’imposition autoritaire, on a vite vu ce que cela donnait… Alors, peut-on penser transformer la société si on n’évolue pas soi-même dans ses propres représentations ?
Développer nos capacités personnelles, à commencer par celles de notre corps et de notre esprit, et renforcer notre estime de soi deviennent des «passages obligés». D’autant plus que tout est brouillé et que les repères anciens apparaissent obsolètes (6).
Pourquoi ne pas commencer par des examens critiques sur nos actes quotidiens, sur nos choix et nos valeurs, et sur leurs conséquences ? Par exemple, est-ce la fidélité qui cimente un couple ou la sincérité ? « Tromper l'autre » -quelles paroles malheureuses en soi ! »- est-ce de l'ordre du sexuel ou du mensonge ? Les couples ne peuvent-ils pas résoudre la question en optant pour une façon de voir et de vivre qui fait échec à la jalousie primaire... ?
Il nous faut apprendre à comprendre l’autre, à nous mettre à sa place pour saisir son point de vue. Notre vie est empoisonnée par des incompréhensions. Des ressentiments s’installent, simplement parce que l’autre ne réagit pas comme je l'aurais souhaité. Chacun de nous produit du sens de façon très différente, et l’écart est d’autant plus grand que les histoires, les modes de vie sont dissemblables. Comment songer à améliorer durablement les relations sociales si nous sommes maladroits avec notre propre conjoint, nos parents, nos amis et, plus généralement, avec l’autre?

Si nous souhaitons aller vers plus d’humanité, tout en respectant la diversité des cultures qui en font sa richesse, il nous faut repenser nos façons de penser et de vivre en travaillant sur nos évidences. Il nous faut inventer de nouvelles manières «d’être ensemble» qui articulent exigences personnelles, exigences sociales et exigences planétaires.
L’école ne peut plus éviter d’aborder l’intimité de telles questions. Quelle est sa raison d’être si elle continue à véhiculer des savoirs anecdotiques ou secondaires ? De même, il s’agit de créer des lieux, des groupes de rencontre, des sites, des réseaux où l’on traite du renforcement de notre « moi » –corps et esprit- ou l’on clarifie nos valeurs –« à quoi je tiens vraiment ? », «qu’est ce qui me porte ? »- et où, dans le même temps, on invente de nouvelles formes « de vivre ensemble » (7).

Encadré1

37% des cigarettes vendues dans nos tabacs sont des légères, des superlégères ou des ultralégères... Les "lights" pour faire plus sérieux, comme le dit la publicité ! Pourquoi cet engouement soudain ? Les fumeurs auraient-ils mauvaise conscience ? Ou prendraient-ils plus de précautions pour leur vie. Fumer des légères, c’est-à-dire des "douces", donc des "allégées", à l'instar des autres produits allégés, n'est-ce pas "meilleur pour sa propre santé" ? Pourquoi ne pas les envisager également comme une étape évidente vers le sevrage ?
Mais au fait, ces cigarettes sont-elles indiscutablement moins nocives ? Sûrement... puisqu'il paraît qu'elles sont fabriquées avec ces louables intentions.
Certes, ces cigarettes contiennent des tabacs soigneusement sélectionnés pour diminuer la production de goudrons. Mais est-ce suffisant ? La fumée du tabac contient plus de 4000 produits chimiques -vous avez bien lu quatre mille !-, dont plus de 50 sont des carcinogènes (en d'autres termes des cancérigènes) connus.
Certes, ces "lights" sont plus fines, donc moins riches quantitativement en tabac. Elles possèdent un filtre plus poreux ou plus long, propre à retenir les particules pernicieuses de la fumée. Tout serait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ce que confirment sans contestation les évaluations effectuées par la machine à fumer du Laboratoire national d'essais.
Il y a seulement... un hic. Du moins plusieurs... Et de taille !  Le premier est dans la machine à fumer inventée spécialement pour les tests. Quand on l'observe "fumer", on constate qu'elle tire mécaniquement une bouffée par minute... Et ce n'est pas tout. Le volume de fumée aspirée à chaque "bouffée" est de... 35 ml, seulement. Avez-vous déjà vu, de vos yeux vus, un fumeur tirer ainsi ? Quelle surprenante méthodologie !..
De son côté, l'Institut National de la Consommation (INC) a recensé dix-huit études sur le comportement des fumeurs. Le volume de la bouffée de cigarette standard se situe entre 21 et 66 ml, suivant les habitudes individuelles, soit une moyenne de 43 ml. 8 ml de plus que la norme officielle à chaque bouffée... Quand on sait le nombre de bouffées que tire un fumeur invétéré par jour, la différence n'est pas rien.
En outre, toujours selon l'INC, le temps qui sépare deux bouffées a été estimé, par vingt-quatre études cette fois, entre 18 et 64 secondes, soit une moyenne de 28 secondes. Voilà quasiment le double de la norme utilisée par le Laboratoire officiel. Bien sûr, nous ne dirons pas qu'on a cherché à minimiser quelque chose, que les testeurs se sont laissés influencer par les cigarettiers... Bien que cela lui ressemble. Laissons-leur le bénéfice du doute, laissons nos "neutres" évaluateurs repenser leur approche très vite.
Le second hic est que -bonne ou mauvaise conscience aidant- les fumeurs de légères fument en fait plus de cigarettes chaque jour. Où se situe alors le bénéfice? Le manque de nicotine, lui, y est certainement pour quelque chose. Il faut bien compenser quelque part pour avoir sa dose journalière. Une question vient alors à l'esprit. Les fabricants ne trompent-ils pas les fumeurs ? En proposant une alternative artificielle dite "douce", en jouant avec les évidences immédiates propres à chacun, ne les maintiennent-ils pas en fait dans une situation de grande dépendance ?
Le troisième hic pourrait le confirmer. Les fumeurs "tirent" plus -beaucoup plus- sur leur cigarette, autre compensation inconsciente. D'autres études plus fines et tout aussi sérieuses montrent que les cigarettes ligth incitent le fumeur à prendre des bouffées plus nombreuses. Un fumeur de cigarette normale effectue machinalement 12,5 bouffées et avale 546 ml de fumée par cigarette, alors que celui d'une légère en fait 15,5 et engrange par là : 868 ml de fumée. Soit un gain -néfaste- de + 37 % par rapport à une cigarette normale !
Si on suit la méthode d'évaluation préconisée par l'INC, le consommateur d'ultra light absorberait onze fois plus de goudron et 4,9 fois plus de nicotine que ce que laissent supposer les indications officielles.
Et comble de tout, parce qu'on n'est pas encore au bout... de la clope, l'inhalation de chaque bouffée s'avère plus profonde. Le manque de nicotine toujours, ou tout simplement un filtre plus fin donc plus résistant à l'aspiration. La conséquence est dramatique : le fumeur de "supposée" légère fait pénétrer la fumée plus loin dans ses bronches et ses alvéoles. Les goudrons passent plus facilement dans le sang avec les conséquences que l'on connaît sur le cœur ou les vaisseaux sanguins ou simplement sur les autres performances physiques. Les divers produits cancérigènes peuvent s'attaquer plus facilement à des membranes vivantes moins protégées. Les cancers des poumons qui en résultent sont, de l'avis des cancérologues, plus insidieux, plus profonds, plus vite généralisés.


Encadré 2

Boire un verre de jus d’orange est toujours le bienvenu. Riche en vitamine C, avec 20 grammes de sucre, cette boisson peut aider à démarrer la journée ou à dynamiser le cerveau. De nos jours, il faut faire vite, on n’aime plus ni se presser, ni presser les oranges. Les mains nous collent, on s’en met partout et puis zut, il y a les pépins ! Un jus d'orange en bouteille ou en pack est préféré. C’est fait dans l'instant. Voilà aussitôt « les bienfaits des fruits nécessaires à notre vitalité et à notre bien-être » comme dit la publicité.
Le goût est un peu moins bon, mais c’est tellement plus pratique. Et l’on nous garantit les 60 milligrammes de vitamines pour un verre de 2 décilitres, soit « l’AJR », sigle qui cache l’apport journalier recommandé. Pourtant quel geste horrible pour... notre environnement. Et pas seulement pour lui.
Quel rapport entre un jus d’orange et l’environnement ? Pour comprendre, mettons-nous dans la position d’un consommateur averti, mieux d’un citoyen lucide. D’où provient ce jus d'orange acheté ? De l’usine certes, mais encore... Où ont été cultivées les oranges et comment ? Par qui ? Comment ce jus a-t-il été fabriqué ? Et comment est-il arrivé jusque chez moi ? A-t-il été transformé entre-temps ? Comment la publicité parvient-elle à provoquer un geste d’achat ? Bref, qu’est-ce qui se joue dans cette bouteille ou cette boîte, derrière ce “ look ” vendeur ?
Ce qu’on ignore – ou veut ignorer – quand on se délecte d’un verre de jus d’orange, est que même le meilleur des jus, le  “ pur orange ”, n'est pas mis en boîte directement après une culture douce sous un beau soleil des Tropiques. Les orangers sont bombardés d’engrais, herbicides et insecticides de toutes sortes, rendement oblige... Les oranges sont pressées sur place en Amérique du Sud et concentrées, pulpe mise à part, pour devenir une sorte d’extrait, conditionné à froid puis transporté dans d’immenses conteneurs où on le maintient pour tout le voyage à très basse température, souvent - 18° C. Ce qui nécessite nombre de manipulations, et donc d'énergie et de matières diverses, et en premier, un certain nombre d’emballages.
Arrivé en Europe ou au Japon, l’extrait de jus est dilué à nouveau et conditionné, cette fois dans les bouteilles ou packs. On ajoute la pulpe, éventuellement du sucre et des conservateurs. Ensuite, on transporte le tout à nouveau sur d’immenses camions qui sillonnent l’Europe. Enfin pour attirer le chaland, c’est le grand assaut de la publicité par prospectus.
Toutes ces actions ne sont pas non plus neutres, elles ont un coût certain en matière d’environnement. Pour en avoir le cœur net, nous avons fait des calculs avec nos étudiants. Nous avons identifié puis additionné toutes les dépenses en eau et en énergie pour l'évaporation, les conditionnements, les transports et la manutention ; nous avons calculé les emballages ou autres produits nécessaires à la culture ou à la publicité. Cela s'appelle un écobilan. Les résultats sont explosifs.
Chaque litre de jus d'orange pollue 22 litres d’eau !.. Oui ! chaque litre... et dans le cas le plus favorable. Nous ne comptons pas ici l’eau d’arrosage qui risque d’être polluée à son tour par abus d’engrais ou de lisier. Chaque litre de jus d'orange nécessite encore 2 centilitres de pétrole et 4 kilos de matière diverse, à savoir les engrais, les herbicides, les insecticides et tous les emballages nécessaires. Surtout, avec tous ces traitements, chaque litre « stérilise » un mètre carré d’espace...
Quand on sait qu'en moyenne un Européen en boit plus de vingt litres par an, on voit très nettement les conséquences en matière de pollutions et de déchets superflus. Qu'en serait-il de ce simple geste si les 6 milliards d'individus de la planète en vinssent à faire de même ? Les problèmes de pollution ne sont pas seulement là où on croit les trouver.  Nous sommes inévitablement conduits à consommer autrement. ..  

Encadré 3

Une pragmatique est une démarche de changement qui comporte une série d’étapes toutes en interaction. Un processus d’évaluation est en plus inclus à tous les niveau, il permet la régulation du processus.



 

1. Si l'on se base sur les tendances en cours, le tribut prélevé par celui-ci s'élèvera à 10 millions de décès par an d'ici les années 2020 ou 2030, 70 % de ces décès survenant dans les pays en développement.

2. Dans les pays en développement, sept décès d'enfants sur dix peuvent être attribués à cinq causes principales, le plus souvent en association: la pneumonie, la diarrhée, la rougeole, le paludisme et la malnutrition. Autant de maladies qui pourraient être réglées avec quelques médicaments peu coûteux.

3. La questions des OGM est d’ailleurs mal posée. Au risque de provoquer, ne tombe-t-on pas dans l’irrationnel  ? Nombre d’OGM ne sont pas contestés, car fondamentaux pour la société. La production des nouveaux médicaments qui jouent un rôle capital, notamment en matière de lutte contre la malnutrition en est un exemple. Mais certains OGM pourraient aussi lutter contre les pollutions agricoles, en  remplaçant des pratiques très désastreuses par abus d’herbicides ou insecticides. Le débat ne devrait pas être entre «pro» ou «contre OGM», mais sur quelle politique d’implantation et de prévention?

4. Nos façons de consommer ne sont pas seulement intolérables pour la santé ou l’environnement. Elles bousculent -ou anéantissent- les formes d’organisation habituelles de la vie sociale. Les développements technologiques en cours, au lieu de permettre un épanouissement de tous, font disparaître irrésistiblement nombre de cultures. Ils produisent inévitablement des inégalités sociales énormes à l’échelle de la planète, terreau de toutes les violences et de l’intégrisme. Grâce aux transports et aux télécommunications, le monde est devenu un « petit village » où les pratiques si décriées du Far-West n’étaient que des jeux d’enfants de chœurs à côté ! Un grand nombre de mafias -ou de comportements de type mafieux, à commencer par ceux des banques et autres institutions financières avec pignon sur rue- prennent le pouvoir sans contrôle.

5. Cela ne signifie pas qu’il faille renoncer à toute nouvelle structure, bien au contraire. Les syndicats ont un nouveau rôle à jouer axé sur des propositions. Des associations, des réseaux –notamment de consommateurs conscients- deviennent nécessaires. Des boycottages partiels mais coordonnés de produits peuvent être une réponse à des pratiques commerciales insupportables.

6. Comment penser se sauver seul ? Les sciences et les technologies ont modifié considérablement notre vision du monde. Pourtant, notre cadre de référence est resté tel qu’il était à l’époque de la Renaissance. Il nous faut resituer notre Terre dans l’univers. Ne sommes-nous « perdus» sur une minuscule planète. Les menaces qui pèsent sur notre environnement ne s’arrêtent pas aux frontières politiques.

7. Pour avancer, sans doute faut-il faire un peu de « veille », repérer les nouvelles formes de vie alternatives qui « marchent », depuis les SEL (Services d’échanges locaux) jusqu’au réseaux d’échanges réciproques de savoirs… et surtout les évaluer pour mutualiser leurs réussites et leurs échecs.