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    Itinéraires 
        de découverte, TPE, Travaux croisés...  
        et ma discipline ? 
        Analyses 
        (Café pédagogique N° 21) 
         
        Itinéraires de découverte, TPE, Travaux croisés... 
        voilà plusieurs façons de poursuivre un but unique : briser 
        la vision traditionnelle du cours qui place les enseignants, seuls détenteurs 
        du savoir, en situation d'acteur unique, face à des élèves 
        ignorants, passifs, censés enregistrer tout ce que le maître 
        dit...  
        Mais ne sommes-nous pas sujet à une nouvelle mode ? Que va faire 
        le nouveau ministre ? Et le prochain ?... Ne vont-ils pas vouloir, eux 
        aussi, injecter leurs propres marottes ? On comprend dès lors pourquoi 
        nombre d'enseignants s'opposent violemment à toutes ces tentatives 
        de réforme, pendant que les plus nombreux attendent !.. Et cela 
        d'autant mieux que ces opérations sont parachutées sans 
        préparation, sans accompagnement ou presque au niveau de la formation 
        et des ressources, que les conditions de travail ne sont jamais interpellées, 
        et que l'administration, loin de favoriser les initiatives, crée 
        mille et une tracasseries pour que rien ne se passe (1) !..  
        Décloisonner les disciplines  
        Pourtant, l'école n'a-t-elle pas la nécessité impérieuse 
        de décloisonner les disciplines en montrant aux élèves 
        -et aux enseignants eux-mêmes- que les problématiques et 
        les approches sont complémentaires entre les différentes 
        matières ? Quelle est la place et la fonction d'une école 
        qui ne sait pas aborder les questions d'aujourd'hui, complexes par nature 
        ? Quel sens peut-elle encore avoir ?...  
        L'enseignement ne doit-il pas mettre en place, très tôt, 
        une première approche transdisciplinaire afin de montrer aux élèves 
        la convergence des analyses et des concepts ? Toutefois, contrairement 
        au sociologue Edgar Morin, nous ne sommes pas partisan du tout transversal. 
        La discipline reste encore pour nous un " regard " sur le monde, 
        dès lors qu'elle ne reste pas sur elle-même et qu'elle s'ouvre 
        aux comparaisons, aux liens ou encore aux attentions critiques des autres 
        approches.  
        Pour l'élève, il s'agit par ailleurs de lui permettre de 
        s'approprier son propre savoir, par des recherches " actives ", 
        l'enseignant se transformant en guide, en repère ou en metteur 
        en scène (2). En ce sens, de telles activités ouvrent un 
        espace de liberté pour des recherches plus personnelles, centrées 
        sur un intérêt particulier de l'élève ; tout 
        en n'y restant pas, bien évidemment !  
        Dans le même temps, les itinéraires de découverte 
        peuvent proposer un suivi plus personnalisé, indispensable quand 
        on apprend ; ce qui est impossible en classe entière ou en demi-groupes. 
         
        Affronter les tabous  
        Tel est donc le challenge de l'école : oser affronter certains 
        tabous, notamment ceux liés aux habitudes, aux évidences 
        ou aux routines. Pourquoi continuer à se cacher que nombre de savoirs 
        importants ne sont pas à l'école ? Que non seulement les 
        élèves n'apprennent pas toujours, mais que l'institution 
        scolaire enlève l'envie d'apprendre, voire exclue... ? Les corporatismes 
        de tous ordres en profitent aux dépens de nos élèves 
        et au mépris de l'évolution de notre société. 
        Les conservatismes ne sont pas toujours où l'on croit !  
        Ne perdons pas de vue non plus que plus d'un million de familles américaines 
        refuse de mettre leurs enfants à l'école, sous prétexte 
        qu'ils " n'y apprennent rien " ou des savoirs inutiles. Elles 
        pensent pouvoir permettre d'apprendre " mieux " à la 
        maison, grâce aux nouvelles technologies de l'information et aux 
        multimédias (3).  
        Pour nous, l'école conserve une place privilégiée. 
        La question de l'école ne réside d'ailleurs pas dans une 
        comparaison simpliste entre le contenu des savoirs d'hier et d'aujourd'hui. 
        Elle s'inscrit avant tout dans une démarche permettant d'établir 
        une " relation au savoir ". L'élève doit être 
        mis en situation d'apprendre ; continuellement, il doit être mis 
        en appétit d'apprendre. Or quoi de plus frustrant ou démotivant 
        pour un jeune que de se passionner 45 minutes pour un projet... et passer 
        ensuite aux maths., au prétérit et à la versification 
        pour y revenir trois jours plus tard !  
        Cher collègue, ne vous crispez donc pas sur votre discipline. Vous 
        risqueriez de figer encore plus l'institution scolaire et de handicaper 
        par là-même vos élèves. Nous sommes dans une 
        société en mutation rapide où seuls les individus 
        qui ont la possibilité de la déchiffrer, d'en appréhender 
        la complexité, de comprendre les mécanismes et les évolutions 
        en cours sont en mesure de pouvoir agir sur elle.  
        Plus essentiels que les seules disciplines habituellement enseignées, 
        apparaissent donc d'autres savoirs, comme les sciences humaines (psychologie, 
        sociologie, anthropologie..), les arts, l'expression du corps autant que 
        de l'esprit, l'éthique, la rhétorique mais surtout une interdisciplinarité 
        qui offre des regards croisés et des points de vue multiples.  
        Par ailleurs, l'élève doit également apprendre à 
        modéliser, à mettre en place des analyses systémiques, 
        à prendre en compte l'aléatoire ou l'incertitude ou encore 
        à gérer les paradoxes. Autant de savoirs qui ne peuvent 
        s'apprendre dans un strict cadre disciplinaire (4).  
        L'école demande à être repensée dans ses priorités. 
        Elle a trop souvent privilégié la continuité contre 
        le changement, perpétué les traditions, les disciplines 
        et les méthodes héritées de l'époque de sa 
        création, à la fin du XIXème siècle.  
        N'en faisons pas une fixation (5)... Tout cela n'est-il pas normal ? Nous 
        vivons un changement d'époque. Il nous faut y faire face et changer 
        nos habitudes. Certes, l'école a déjà beaucoup changé. 
        On a introduit de la littérature de jeunesse, on fait des mathématiques 
        moins abstraites, on traite les questions contemporaines que posent les 
        sciences, on fait même du latin à partir d'approches complètement 
        nouvelles. Mais il vous faut continuer cette évolution. Notre métier 
        ne peut plus être une suite de pratiques libérales - y compris 
        au primaire - qui s'ignorent.  
         
        André Giordan  
         
      
        
       
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