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A
chacun sa méthode…
Philippe Fiammetti. - André Giordan, vous êtes niçois
et connu sur le plan international pour vos recherches sur l’apprendre.
Pourquoi ce livre très pratique intitulé Coach Collège
(Play Bac) pour les élèves ? Faudrait-il entraîner
les jeunes à apprendre ?
André Giordan. - L’école fait consommer du cours !
Trop de cours… Elle donne l’illusion qu’il suffit de
suivre le cours et de faire quelques exercices. Elle oublie très
souvent « d’apprendre à apprendre... ». Certains
enseignants le proposent, mais ils sont encore bien rares. Rien d’évident
pourtant de prendre des notes efficacement, de monter un exposé
plaisant ou simplement de mémoriser avec efficacité.
PH. Alors comment si prendre ? Quelle méthode mettre en place ?
AG. Il n’y a que les ministres de l’éducation pour
croire que les « bonnes » méthodes existent ! Malheureusement,
cela se saurait… Chacun a sa propre façon d’apprendre,
de comprendre et de mémoriser. Il y a ceux qui ont besoin de "photographier"
ce qu'ils vont apprendre. Pour eux, un croquis, une carte, un schéma
valent tous les discours. D’autres ont besoin de se répéter
la leçon à voix haute ou de se parler à voix basse.
D’autres encore doivent bouger avec leur corps, ressentir ou s’inventer
quelque chose pour mémoriser.
PH. Ceux qui ont un mode d’apprentissage correspondant le mieux
à ce qui est attendu à l’école sont plus disposés
à faire une bonne scolarité. Hélas, tout le monde
n’a pas cette chance.
AG. La grande difficulté est que les processus pour apprendre sont
complexes et le plus souvent inconscients pour chacun. Il s’agit
de repérer sa propre façon. C’est un apprentissage
en soi. Les conseils fournis par ce livre contribuent à en prendre
conscience. Dans le même temps, ils proposent mille et une façons
pour faire autrement ou tout simplement s’organiser.
PF. Il n'existe donc pas de recette miracle pour apprendre. Vous mettez
toutefois l’accent sur la motivation.
AG. Le jeune apprend vraiment ce qu’il a envie d’apprendre
! Si le prof. donne des leçons à mémoriser ou des
exercices à faire sans expliquer comment s'y prendre, ni quel est
l'intérêt de ses exigences, le jeune se décourage
! L’école doit lui fournir de bonnes raisons ou lui permettre
de les trouver. C’est à cette seule condition qu’il
fera l’effort indispensable.
PF. Les bonnes habitudes se prennent très tôt, dites-vous.
AG. Etre élève est un vrai métier ! L’élève
doit anticiper les tâches à accomplir et les effectuer dans
le bon ordre. Qu'est ce qui est urgent ? Qu'est ce qui peut attendre ?
Relire ses cours le soir même lorsqu'ils sont encore "frais"
dans la mémoire facilite la mémorisation. Apprendre une
leçon avant de faire les exercices fait gagner du temps : la leçon
devient un « pense-bête » auquel il peut revenir à
chaque fois.
La mémoire est facilitée quand le savoir est organisé.
Mieux vaut donc reprendre ses notes afin de les rendre lisibles et faire
ressortir l'essentiel le soir même. Les synthétiser sur une
fiche permet notamment d'ordonner les informations en fonction de ce que
le prof. demande. C'est en imaginant la situation dans laquelle il va
utiliser son savoir qu’il le fixera au mieux. Je dis toujours aux
élèves : « Mets-toi à la place de ton professeur
quand celui-ci t'interrogera ».
PF. « Deviens l’auteur de ta scolarité. Tout dépend
de toi ! » leur conseillez-vous. Vous leur donner également
des conseils pour avoir de bonnes notes ou gérer leur stress. Mais
que faut-il vraiment apprendre pour demain ?
AG. Aujourd’hui chaque jeune doit de préparer à se
mouvoir dans un monde dont il ne connaît pas encore les contours.
Il est impossible de se faire une idée des innovations qui bouleverseront
la vie de la planète dans les cinquante prochaines années.
Extrapoler sur les savoirs qui lui seront utiles en 2020-2040 est une
gageure ! La priorité de l’école n'est donc plus de
faire accumuler des savoirs, mais au travers des connaissances d’introduire
une disponibilité : l’envie de chercher à comprendre
en permanence, c’est-à-dire une curiosité d'aller
vers ce qui n'est pas évident ou familier. S’approprier des
démarches d’investigation comme l’analyse systémique
ou la pragmatique tient également une place prépondérante.
Un regard critique devient encore une nécessité au quotidien.
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