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Éducations à l'environnement
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Jus d’orange, attention pollution !
André Giordan
Tous les matins, un grand verre de jus d'orange est toujours le bienvenu. Riche en vitamine C, mais pas seulement. C’est très bon “pour démarrer la journée” et “se dynamiser” comme le dit la pub, avec en plus ces 20 grammes de sucre. Vous invitez, c’est une bonne entrée en matière pour stimuler votre appareil digestif en attendant le repas. Le geste est encore tout ce qu’il y a de plus convivial pour un simple verre...
Mais il faut faire vite, on n’aime plus presser les oranges. Les mains collent ensuite, on s’en met de partout et puis zut, il y a les pépins ! Vite... ouvrons un jus d'orange en boite. C’est fait dans l'instant ! Aussitôt on a “les bienfaits des fruits nécessaires à notre vitalité et à notre bien-être” comme le dit encore la publicité. Le goût est un peu moins bon, mais c’est tellement plus simple. Et on garantit même les 60 milligrammes de vitamines pour un verre de 2dl, soit “l’AJR”, comme indiqué, bien qu’on ne sache pas toujours quel est l’apport journalier recommandé.
Pourtant quel geste horrible pour... notre environnement, mais pas seulement. Pour comprendre, mettons-nous en position de consommateur averti, c’est-à-dire ne consommons plus sans nous poser quelques questions. Non ! En matière de nourriture, il n’y a pas que la question du prix... D'où provient ce jus d'orange proposé en pack ? Où ont été cultivées les oranges et comment ? Par qui ? Comment ce jus a-t-il été fabriqué ? Comment est-il arrivé jusque chez moi ?.. A-t-il été transformé ? Bref, qu’est ce qui se joue dans cette boite derrière son “look” fait pour vendre ?..
Quelques petites investigations sur Internet sont éclairantes. Les oranges sont principalement ”élevées” dans d'immenses plantations au Brésil et au Mexique. Passons ici sur les terribles problèmes terriens de déforestation ou de privation de terre pour les Indiens du coin. Questions pas secondaires, mais déjà un peu connues, peut-être pas assez. Passons également sur les problèmes entraînés par toute monoculture. Ils ne sont pas non plus négligeable pour stériliser à terme les terres et dévaster la biodiversité.
Ce qu’on ignore quand on se délecte avec un verre de jus d’orange à la main est que le meilleur des jus, pure orange, n'est pas mis en boite directement en Europe après une culture “soft” sous un beau soleil des Tropiques. Les orangers sont bombardés d’engrais, d’herbicides et insecticides de toute sorte, rendement oblige... Les oranges sont pressées sur place et concentrées pour devenir une sorte d’extrait. Le jus subit une pasteurisation rapide. La pulpe quand on la propose est séparée et recueillie par ailleurs. Le tout est conditionné à froid (dans le meilleur des cas) séparément une première fois pour être transporté dans d’immenses containers. Ce qui nécessite nombre de manipulations, et donc d'énergie, et un premier certain nombre d’emballages.
Arrivés en Europe ou au Japon, il est dilué à nouveau et conditionné une seconde fois dans les packs cette fois. On ajoute la pulpe, éventuellement du sucre et des conservateurs, puis on transporte le tout à nouveau. Enfin il faut bien attirer le chaland pour le vendre, d’où un grand renfort de publicité.
Toutes ces actions ne sont pas non plus neutres, elles ont un coût en matière d’environnement. Pour en avoir le coeur net, avec nos étudiants nous avons fait des calculs. Nous avons additionné les dépenses en eau et en énergie pour l'évaporation, les conditionnements, les transports et la manutention ; nous avons calculé les emballages ou autres produits nécessaires à la culture ou à la publicité. Cela s'appelle un écobilan.
Les résultats sont dévastateurs pour l’esprit. Chaque litre de jus d'orange pollue 22 litres d’eau 8 Oui ! chaque litre... Chaque litre de jus d'orange nécessite 2 centilitres de pétrole et 4 kilos de matière. Ce sont les engrais, les herbicides, les emballages et la publicité nécessaire. Surtout, chaque litre stérilise un mètre carré d’espace...
Quand l'on sait qu'en moyenne un Européen en boit plus de vingt litres par an, on voit très nettement les conséquences en matière de pollutions et de déchets superflus. Qu'en serait-il de ce simple geste si les 6 milliards d'individus de la planète en venaient à faire de même... Les problèmes de pollution ne sont pas seulement là où on croit les trouver.
Nous sommes conduits à consommer irrémédiablement autrement. Et si chacun pressait son jus directement après avoir acheté des oranges d’Espagne ou du Maroc. Il y aurait déjà moins de déplacement et de conditionnement. Et si on faisait des jus avec des fruits cultivés sur place. A vos pommes, poires, raisins suivant la saison... et à vos calculs !..
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