Complexité

Pour en savoir plus sur :
Changements au XXème siècle
Approcher les questions sans réponses
Penser la société au XXIème siècle

Complexité et apprendre
Organiser les entreprises à la lumière de la complexité
Programme pour  comprendre/mobiliser une pensée complexe
Gérer l’incertitude

La Physionique
L’ère de la physionique
L’homéostasie

Paradigme
Penser alternatif
Changer de paradigme
Vive le 3ème millénaire


 

 

 

 

 

 

 

Comprendre, apprendre, gérer l'incertitude

André Giordan



Quand le grand public entend aux informations nationales françaises, le 29 juillet 1996 : "Aujourd'hui, à Paris, le taux d'ozone est de 187 microgrammes", il interprète aussitôt cette information comme une bonne nouvelle. Dès lors, il ne comprend pas la suite : "le niveau alerte 2 (de pollution) est atteint". En effet, jusqu'ici, le gaz ozone avait toujours été présenté, dans les gazettes et sur les ondes, comme un "bienfait" pour l'humanité. N'évitait-il pas les cancers de la peau les jours de grand soleil en limitant la pénétration des rayons ultra-violets ?
Les problèmes d'environnement incombaient plutôt au célèbre "trou d'ozone", c'est-à-dire à son absence dans la haute atmosphère. Comment une substance que l'on disait "bonne" pouvait-elle avoir des effets néfastes ? C'est ainsi que la plupart des individus ne purent ni mettre en relation cette dernière avec la circulation automobile, ni comprendre ses effets sur la respiration.
Ce type de difficulté de raisonnement n'est pas du seul fait de l'ozone. En fait, un produit n'est pas "ou tout bon ou tout mauvais". Ses qualités ou ses effets dépendent de la quantité, de la concentration et/ou du contexte. A faible dose, un médicament calmant a un pouvoir relaxant, donc réconfortant. Mais à forte dose, il risque de vous expédier ad patres. Même chose pour l'alcool, soporifique ou euphorisant quand on le consomme avec modération, très excitant sitôt que le coude se lève pour un oui ou pour un non. Un verre de vin a toutes les vertus thérapeutiques: il évite les problèmes de circulation artérielle et favorise le fonctionnement de la rétine. Dès le deuxième, en revanche, les réflexes s'émoussent. Et à la longue, la cirrhose du foie menace. Des produits très courants, tels que l'eau ou l'oxygène, sont également d'excellents exemples. L'oxygène est vital pour l'homme. En cas d'accident, on l'emploie pour permettre au blessé de récupérer rapidement. Pourtant, à forte pression partielle, comme en plongée sous-marine profonde, ce gaz devient un poison violent. De même, l'eau distillée, donc la plus pure, est un des meilleurs moyens pour accomplir un crime parfait ! Elle provoque une embolie immédiate dans les vaisseaux sanguins.
A priori, l'idée qu'une même substance possède des qualités antinomiques ou provoque des effets différents, voire contraires hérisse la bonne sagesse populaire. Admettre qu'un produit puisse être tantôt "bon", tantôt "mauvais", et cela, suivant les quantités en jeu, les lieux ou les circonstances, oblige de modifier ces sortes de règles logiques que chacun de nous a implicitement dans sa mémoire.Une telle prise de conscience n'est pas immédiate. Elle implique un regard nouveau, ou du moins différent sur le monde qui nous entoure. Un grand nombre de cas concrets sont à décortiquer pour dépasser l'idée de l'attribut unique d'un produit. Pour transformer sa logique, l'individu doit la confronter à une somme d'arguments dont le rôle est de perturber ces évidences d'une part, tout en ne l'empêchant pas de penser, afin qu'il puisse expliciter tous les tenants et les aboutissants d'autre part. Ainsi en va-t-il de l'ozone, qui dispense ses bienfaits dans les hautes couches de l'atmosphère, où il capte les U.V., mais qui devient nocif au ras du sol, où son pouvoir oxydant s'exprime. Toutefois, seule une prise de conscience et un retour sur toutes ces données conduisent à comprendre les possibilités bénéfiques ou néfastes de l'ozone dans l'atmosphère. Cette "réflexion sur" doit encore se prolonger par une mobilisation de ces nouvelles connaissances en d'autres situations.
Pour tenter de comprendre ces difficultés de raisonnement, le LDES développe des recherches pour mettre à plat ces modes de fonctionnement de la pensée. Ces travaux se situent dans le prolongement tout à la fois des travaux effectués sur l'appropriation de la démarche expérimentale (Giordan 1978 et Giordan 1999) et sur la connaissance des conceptions (Giordan, De Vecchi, 1987 ; Giordan, Girault, Clément, 1994; Giordan, Girault, 1996).
A partir de questions d'environnement ou de santé, les premières études ont porté sur la perception du hasard et sur celle de la gestion des risques, notamment en liaison avec la maladie de la "vache folle". Une démarche pour approcher les questions complexes (notamment en matière d'environnement) en résulte : la pragmatique.

La perception du hasard

Les modes de raisonnement classique reposent sur un nombre de règles relativement restreint. La logique classique implique trois grands principes, considérés comme fondamentaux :
- le principe d'identité (A est A) en d'autres termes A est toujours A,
- le principe de non-contradiction (on ne peut pas être à la fois A et non-A),
- le principe du tiers exclu (A ou non-A ; par exemple : vrai ou faux).
Ces trois principes, affinés par Aristote, étaient censés édicter le cours même de notre pensée. Ils s'imposaient par leur évidence, les nier aurait équivalu à nier la pensée elle-même. Pourtant, dès l'Antiquité, Héraclite et les sophistes les avaient quelques peu malmenés, suivis plus tard par quelques médiévistes, tel que Francis Bacon de Verulam, puis par la dialectique hégélienne. Entre le vrai et le faux, n'y avait-il pas une place pour ce qui reste indéterminé ? Entre l'affirmation et la négation, ne peut-on pas suspendre son jugement ?
Depuis, les logiciens, les mathématiciens, les physiciens et les biologistes ont porté de multiples coups à ces principes. Un être vivant A reste-t-il toujours A ? N'a-t-il pas une histoire qui le rende différend ? Quand A interagit avec B, reste-t-il toujours A, ne devient-il pas A' ? Le tout est-il toujours plus grand que la partie ? Une vérité n'est-elle pas relative, c'est-à-dire contextualisée ? Etc...
Les attaques furent rudes, surtout à la fin du siècle dernier, ce qui fit dire à Robert Blanché, dans son Introduction à la logique contemporaine, que "l'évidence ne garantit plus la validité" (Blanché 1967). Avec la pluralité des logiques, il fallait désormais reconnaître, comme on avait dû le faire au siècle précédent pour la géométrie, leur relativité. Mais qu'en est-il pour le grand public ? Comment raisonne-t-il lorsqu'il affronte les problèmes de la vie quotidienne qui sont tous plus ou moins complexes?
La question du hasard est un "bon domaine" d'investigation sur ce plan ; le hasard a toujours posé de gros problèmes épistémologiques. Il introduit une rupture dans notre pensée occidentale, il va à l'encontre du déterminisme classique (cause > effet) sur lequel la science s'appuie depuis 400 ans pour avancer ses explications. Aussi, quand la physique quantique se développe au début du siècle en mettant en avant le rôle "statistique" du hasard et bien d'autres aspects tout aussi iconoclastes comme la difficulté de connaître en même temps la masse, la position ou la vitesse d'une particule, le monde scientifique se rebella fortement. Einstein par exemple hurla son célèbre "Dieu ne joue pas aux dés" pour réfuter une telle science !
Depuis, avec les possibilités prédictives et explicatives de la physique quantique, il a bien fallu s'y résoudre. Aujourd'hui il revient sur le devant de la scène avec la théorie du chaos, qu'il vaudrait mieux appeler la théorie des systèmes dynamiques.... Mais le hasard n'est pas encore "accepté" par notre esprit d'occidental .
Rencontres, amours, gains aux courses, maladies, naissance d'un garçon ou d'une fille, couleur des yeux, tout semble affaire de hasard. Et le hasard, pour tout un chacun, est ce qu'on "ne peut maîtriser", ce qui reste "incontrôlable". Pour certains, c'est "l'affaire du destin", pour d'autres, "celui de la Providence", pour d'autres encore, "une amulette" ou tel "marabout" fera l'affaire... Cette croyance s'est même renforcée ces dernières années. Qui avait prévu l'effondrement du bloc soviétique ? Qui sait gérer les fluctuations du cours du pétrole ?
Pourtant, le hasard ne laisse rien au hasard. Il a ses lois, des lois très rigoureuses... On les regroupe communément sous le chapeau de la "théorie de la probabilité". C'est d'ailleurs un des grands apports de la science moderne. Mais comment "calcule-t-on" sur le hasard ? Dans quelle mesure les résultats sont-ils fiables ? Jusqu'à quel point les probabilités se vérifient-elles encore dans un monde où l'incertitude et le chaos semblent de plus en plus présents ? Et pourquoi y a-t-il des risques "objectifs" et "subjectifs" ? Autrement dit, pourquoi notre perception du monde ne correspond-elle pas toujours à la réalité. On redoute plus l'accident d'avion que celui de voiture, alors que l'on a dix mille fois plus de risques de se tuer en voiture!

Pour une première approche des conceptions sur les probabilités, une simple pièce de monnaie fera l'affaire. Quoi de plus aléatoire que le pile ou face ! Ne l'utilise-t-on pas comme toast en début de match? Rien de plus simple que de prévoir le résultat... à condition de la lancer un grand nombre de fois ! La chance pour pile est... d'une chance sur deux. De même pour face.
La probabilité d'obtenir l'une des deux faces est donc de 50 %, ou presque... On peut continuer ainsi avec plusieurs lancers successifs. Chaque fois, on ne sait pas quelle sera la réponse du sort, mais on peut prévoir. Cela inspira à Blaise Pascal son fameux triangle. Il permet d'anticiper sur ses chances pour chaque tirage.
Jouons maintenant aux dès, autre jeu très aléatoire : la probabilité d'avoir un 6 ? Une chance sur six. Il y a un seul six et six faces ! Un double six? Une chance sur 36. Comment arrive-t-on à prévoir un tel résultat ? On a une chance sur 6 pour chaque dé. Les deux probabilités se multiplient. CQFD. On peut continuer ainsi par les cartes. Quelle chance de tirer un as dans un jeu de 52 cartes ? Quatre chances sur 52, puisqu'il y a 4 as dans ce jeu. Un trèfle : 1 chance sur 4, puisqu'il y a seulement 4 "couleurs". Un as de trèfle, une chance sur 52. La solution de l'énigme est le rapport (la division) entre le nombre de cas favorables et le nombre de cas possibles.
Pourtant, l'idée qu'un événement incertain a tout de même une probabilité de se réaliser n'est pas encore partagée par le plus grand nombre. Si on demande à des individus, la probabilté d'obtenir pile, après 5 piles à la suite, moins de 10 % des personnes interrogées avancent la bonne réponse : "un demi"... Il en est de même pour le jeu de dé ou les jeux de carte.
Et encorte a-t-on affaire là à des situations neutres ou favorables (le jeu). Parce que la plupart du temps, ces difficultés logiques sont encore renforcées par une certaine perception de la vie courante. Nous savons tous que l'on a beaucoup plus de risques de mourir en voiture qu'en avion. Mais la crainte de l'avion reste tenace: Comment ces lourds engins arrivent-ils à voler comme de "beaux" oiseaux ? La voiture, par contre, nous est beaucoup plus familière. Et puis, chacun pense toujours pouvoir s'en tirer soi-même dans une voiture.
La perception du hasard par les individus est très subtile. Elle n'a rien à voir avec les savants calculs. Une enquête réalisée dans notre laboratoire met en évidence que sa perception dans un accident dépend de son degré d'atrocité, du nombre d'individus exposés, du degré de compréhension de ce dernier et surtout de la publicité qui lui est faite par les médias. Ainsi les décès dus au SIDA sont nettement surévalués. La mortalité liée au tabac ou aux accidents vasculaires par contre est sousévaluée d'un facteur 10.
De même, les personnes interrogées réclament plus de protection contre les évènements ponctuels mais marquants (une inondation ou un attentat), que contre des dangers quotidiens. Les accidents de la route ou les accidents ménagers font partie de la fatalité. Pourtant ces derniers sont nettement plus coûteux en victimes.

La gestion du risque

Le hasard, c'est la chance (au jeu), c'est aussi le risque "d'avoir un accident". Nous avons donc cherché à mieux comprendre la perception du risque par le grand public, et surtout comment cette perception pouvait influencer son action ? En d'autres termes, existait-il des stratégies de gestion du rique ? Et notamment, que peut-on faire en matière de prévention de risques ? Le cas de la désormais célèbre épidémie de la "vache folle" avait toutes les caractéristiques pour nous séduire sur le plan épistémologique, s'il n'y avait eu déjà 15 cadavres, et entre 100 et 85 000 morts à terme suivant les fourchettes prévisionnelles optimistes ou pessimistes. C'est une vrai saga : un cas d'école sur les plans symbolique, social, scientifique et de la communication.
Comment les consommateurs se sont-ils appropriés les informations ? Et qu'en ont-ils fait dans la vie quotidienne ?
Cette enquête confirme que l'impact informationnel a été très grand. 100 % des personnes, y compris les plus jeunes, ont entendu parler de "vaches folles" ou d'"ESB". Pour la moitié, depuis six mois, un tiers depuis trois ans, le reste depuis plus longtemps. Deux sources principales d'information sont citées en premier : la télévision et les journaux. Viennent ensuite l'entourage, la radio, le médecin, le vétérinaire, le pharmacien. Toutefois, le changement de comportement alimentaire a été très limité. Six mois après:
- moins de 8 % des personnes interrogées ont changé d'habitude alimentaire : c'est-à-dire "ne mange plus de viande". Parmi ces personnes, certaines tolèrent que "leurs enfants mangent de temps à autre au MacDonald".
- plus de 70 % ont modifié leur pratique durant 2, 3 ou 4 semaines ("le temps du choc"), puis sont revenues à leurs "habitudes antérieures".
- environ 12 % ont augmenté leur consommation, car la viande est devenue "meilleur marché".
Parmi les individus qui ont maintenu ou augmenté la consommation de viande, les arguments les plus souvent avancés sont :
- 1. le plaisir : "parce que j'aime ça",
- 2. l'équilibre alimentaire, "parce que je ne peux faire autrement, c'est une question d'équilibre alimentaire",
- 3. le manque d'arguments convaincants "pour changer" : "il n'y a pas de preuves tangibles", "relation dangereuse non établie", "tout cela reste flou"
- 4. une faible probabilité du risque : "la probabilité (de la maladie), le risque est faible"
- 5. un certain fatalisme : "de toute façon toute la nourriture est contaminée", "bien d'autres choses sont nocives", "s'il fallait tout éviter, on ne mangerait plus rien", "parce que de toute façon j'en ai déjà mangé... et comme cette maladie a un temps de latence de 15-20 ans c'est trop tard".
6. les économies : "parce ce que les prix ont diminué".
A travers les interviews, il se confirme encore que le boeuf est profondément ancré dans la culture européenne : "nos goûts, nos habitudes tournent autour de la viande, difficile de s'en passer". Par ailleurs, un rapport plaisir-risque est souvent mis en avant : "je prends le risque parce que j'aime le boeuf, c'est une question de rapport risque-plaisir". Au mieux, un certain nombre de précautions peuvent être introduites :
- suppression des abats : "je mange de la viande à condition que ce ne soit pas les abats" ,
- suppression de la viande crue : "plus de steak tartare",
- diminution des quantités ou de la fréquence : "j'en mange moins", "j'en mange moins souvent",
- surveillance des origines : "si je suis sûr de la provenance", "j'en mange plus au restaurant". Certaines personnes substituent d'autres types de viande à la viande de boeuf : "je ne mange plus que la viande blanche", "de poulet". Personne cependant n'a supprimé le lait et les produits laitiers.
Pour ceux qui ont changé leur pratique alimentaire, les arguments avancés sont :
1. le principe de précaution : "je ne veux prendre aucun risque", "dès qu'il y a un doute je m'abstiens", " je ne veux pas me faire avoir une fois de plus",
2. le dégoût : "quand on apprend ce que mange les vaches", ou encore
3. des raison éthiques : "pour des raisons éthiques : je ne veux pas cautionner ce type de production".
4. De plus, nombre d'individus sont abstinents dans l'attente d'informations supplémentaires ou d'informations fiables : "j'attends des certitudes", "je n'ai aucun élément de contrôle sur les informations",
D'une manière générale, l'information est jugée peu "claire" ("risques pas clairs") sur ce qu'il faut faire. Une certaine angoisse émerge même du fait que les scientifiques et les politiques avancent des propos contradictoires. Leurs annonces ne "permettent pas de comprendre tous les tenants et les aboutissants". Des décisions sont prises après qu'on ait nié certains faits ou éléments. Les repères en la matière sont la catastrophe de Tchernobyl ("encore tout faux comme pour Tchernobyl") et l'affaire du sang contaminé ("c'est comme pour le sang contaminé, ils disent qu'ils font, et puis ce n'est pas vrai").
Enfin, leurs propos sont empreints d'un certain fatalisme : "le mal est déjà fait", "ce n'est que le début d'une catastrophe". Beaucoup de scepticisme ressort des mesures prises : "on ne nous dit pas tout". Ces dernières sont parfois trouvées trop brutales : "abattre les vaches sans discernement, en relation avec la date de naissance". Quelques-uns avancent l'idée de gesticulation : "il faut bien faire croire que l'on maîtrise quelque chose", "il faut faire passer la pilule aux consommateurs", "il faut rassurer le consommateur".
Ces réactions individuelles face à de telles questions controversées nous interpellent. Comment un ensemble d'informations peut-il permettre une prise de décision ? Que peut faire l'école (ou une formation) pour faciliter cette dernière? Et de quelle nature peut-elle être en situation d'incertitude totale ? En définitive, quelle doit être la réaction adéquate d'un citoyen confronté à de telles situations ?
En matière de gestion de risque, plusieurs stratégies sont en concurrence : faire confiance aux industriels ou aux marchés, s'en remettre aux décideurs politiques ou souhaiter la mise en place de commissions d'experts. La première alternative n'est plus défendable, l'économie impose des décisions sur le court terme quelqu'en soient les conséquences. Les politiques sont tout autant dépassés que les simples citoyens. Ils oscillent entre une politique de l'autruche et une application stricte du principe de précaution. Les Commissions d'experts n'ont pas trouvé un fonctionnement satisfaisant à ce jour.
Pour pallier à ces dysfonctionnements, la solution que nous ébauchons ne repose pas sur une mesure, mais une stratégie de régulation.
1. Plutôt qu'une application stricte d'un principe de précaution, une politique "de prudence" lui est sans aucun doute préférable. Celle-ci ne signifie pas l'arrêt pur et simple de toute innovation. Elle doit allier une transparence des décisions par une discussion publique et un réseau en interaction comportant :
- une alerte (où sont les risques potentiels ?) : agences d'alerte technologique, de sécurité sanitaire,
- une expertise (où sont les risques réels ?) : étude d'impacts,
- une décision politique (qui décide ?) : politiques ou Assises de citoyens et
- un contrôle (les lois, les règlements, les directives sont-ils appliqués ?) : agences de contrôle.
2. Des actions de médiation sont toujours à initier en complément. Elles ont pour but d'éclairer contradictoirement les citoyens, de leur permettre d'exprimer leurs doutes, leurs questionnements et de poser toutes les questions aux experts et aux politiques. Dans ce cadre, les médias devraient organiser des débats et mettre en scène des enquêtes contradictoires qui permettent d'accéder à une compréhension des décisions. A travers ses objectifs éducatifs, l'école devrait favoriser en priorité le jugement, la capacité de discernement et l'intuition. Dans le même temps, elle devrait fournir des outils pour approcher la pensée complexe et celle de l'action.
Une telle approche implique quelques changements dans les pratiques habituelles. L'école ne peut continuer à n'aborder que les thèmes pour lesquels on possède des certitudes -le plus souvent sans lien avec l'actualité- ou les questions sans controverse. Au travers des activités, l'élève devrait pouvoir préciser les points connus, les limites, les interrogations, les enjeux, les liens entre biologie et économie, entre biologie et éthique. Les incertitudes demandent à être clarifiées en même temps que les valeurs en jeu. Des solutions alternatives devraient être formulées.



Organigramme d'une gestion démocratique des risques:
• à gauche, dans le cadre d'une démocratie délégative,
• à droite, dans le contexte d'une démocratie participative.