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Au-delà des apparences : la vache folle

Après l'épidémie du SIDA qui nous renvoyait à tous les fantasmes du sexe, nous voici confrontés à la "vache folle" qui nous interpelle sur un autre de nos tabous, encore plus délicat : la bouffe. Cette crise, bien plus que ces vaches, n 'illustre-t-elle pas le degré de folie atteint par notre société ? C'est ce que nous nous proposons de déterminer dans cet article publié en plusieurs parties.
Comme il est hors de question d'être pessimiste ou désespéré, l'enjeu n'est-il pas de combler dare-dare le décalage entre les problèmes auxquels notre société est confrontée et les faiblesses de notre culture, plus propre à disserter qu'à affronter les questions de notre temps... Jusqu'à présent, il faut être clair, la société, à commencer par nos décideurs et nos experts, n'a pas vraiment cherché à aborder le fond des problèmes. Tout au plus, pendant que les scientifiques se faisaient tout petits, nos gouvernants se sont-ils attachés à gérer la crise, d'abord pour la nier, puis la minimiser et, aujourd'hui, pour tenter de l'éluder en imposant quelques mesures urgentes, propres à rassurer le chaland en attendant qu'on passe à un autre sujet de préoccupation.
Pourtant, ce sont là des questions vitales. Certes complexes, comme tous les problèmes de vie, et aux enjeux multiples. Aucune chance de les approcher par une vision réductrice, et fort peu de s'en « tirer » par quelques pirouettes simples.
Cette crise dite « de la vache folle » est un bel exemple pour comprendre les processus dans lesquels s'enferre notre société. Chaque fois, les solutions avancées, parce que ponctuelles et superficielles, se sont révélées plus graves que les problèmes qu'elles prétendaient résoudre.
Comme ce n'est pas et de loin la seule situation actuelle où il nous faut réagir en prenant appui sur nos incertitudes, le cas de cette pathologie mérite qu'on s'y attarde. Bien sûr... pour tenter d'éviter « au mieux » ce nouveau fléau, mais d'abord pour dégager quelques processus pertinents personnels et sociaux en matière de choix... quand on ne maîtrise pas tout.
Mais d'abord, faisons le point. Après plus de quinze ans de tergiversations et de masquages en tout genre, un certain nombre de conclusions peuvent être tirées sur « la maladie de la vache folle » ou, pour faire plus scientifique, l'ESB, l'Encéphalite Spongiforme Bovine.
Malheureusement, malgré ces avancées scientifiques indéniables, les inconnues restent encore et toujours plus nombreuses. Rien d'étonnant, les avis en matière de prévention ou sur les moyens de combattre cette maladie sont d'autant plus nombreux, changeants et contradictoires que les connaissances scientifico-techniques avérées restent toujours très limitées, voire bancales. La seule certitude qu'il nous reste donc à nous mettre sous la dent, c'est la très large étendue de notre ignorance !
Tout d'abord, le choix du nom de cette maladie, ou du moins de celui qui a fini par s'imposer, est une énigme : « vache folle », « Mad cow » en anglais. Le rapprochement de ces deux mots « vache » et « folle », qu'aucun linguiste n'aurait su imposer, est impropre ou, plus exactement, traduit un raccourci... Ce qui fait peur, ce n'est pas l'épizootie qui s'étend aux troupeaux bovins, mais la forme humaine de cette maladie.
Il vaudrait mieux parler de « maladie de Creutzfeldt-Jakob liée au prion bovin ». La maladie de Creutzfeldt-Jakob est une pathologie ancienne, bien connue, décrite successivement par les docteurs Creutzfeldt puis Jakob, dans les années 20. Il s'agit d'une sorte de démence sénile se distinguant des autres démences séniles, type Altzheimer, par une évolution extrêmement dramatique et rapide. Dès que les premiers symptômes cliniques apparaissent, l'évolution de la maladie est immédiate. Elle se caractérise par des troubles de la coordination des mouvements, des tremblements et des spasmes respiratoires.
Ces dysfonctionnements sont directement liés à la disparition de cellules nerveuses dans le cerveau. A l'autopsie, on y détecte toujours des cavités, sortes de « trous », qui donnent au tissu cérébral l'aspect d'une éponge.
La « maladie de Creutzfeldt-Jakob liée au prion bovin » est un des quatre types possibles de ces pathologies dite de « Creutzfeldt-Jakob ». On les suppose transmissibles, sans être contagieuses, de longue incubation mais à développement rapide dès qu'elles se déclarent. Quelques spécificités de la « maladie de Creutzfeldt-Jakob liée au prion bovin » sont cependant connues : les premiers symptôme sont plutôt psychiatriques. Le comportement de l'individu se dégrade, une dépression s'installe. Puis apparaissent des troubles de la mémoire suivis de douleurs intenses dans les jambes. Viennent ensuite des troubles de l'équilibre, des raideurs et, enfin, une détérioration intellectuelle sérieuse et une démence qui conduit rapidement à la mort. [André Giordan]

Au-delà des apparences : la vache folle, second épisode
Sur le plan de son déterminisme, l'ESB reste également une énigme. Elle rompt deux grands dogmes biologiques. D'une part, le « microbe » responsable de la maladie, le fameux prion ou « proteinaceus infectious particle », est une molécule « inerte », une banale molécule organique, une vulgaire protéine sans code génétique.
D'autre part, ce supposé germe franchit la barrière... infranchissable de l'espèce. En effet, jusqu'à présent, les bactéries, virus et autres parasites se révélaient comme spécialement « adaptés » à une espèce animale unique, ce qui nous simplifiait bien la vie !
De plus, la protéine à l'origine de l'agent infectieux réside normalement dans le cerveau de toutes les espèces animales, sous une forme inoffensive aux contours différents. Du reste, on ignore totalement quelle fonction elle peut bien remplir sur les cellules où elles se trouvent ! Or, lorsqu'une protéine dite « anormale », vecteur de la maladie, pénètre dans un organisme, elle est capable de transmettre à ses « semblables » un message les transformant. Les protéines qui étaient saines jusque-là changent de configurations, et les voilà comme de « quasi-virus », capables de réplication.
Et ce n'est pas tout! Cette « créature moléculaire » bizarre possède d'autres propriétés inquiétantes. Par exemple, nous savons qu'elle est beaucoup plus résistante qu'un virus ou qu'une bactérie. Elle résiste fortement à la chaleur, aux radiations, et même à la plupart des désinfectants. Aussi dangereuse que discrète, elle ne provoque aucune réaction de défense dans l'organisme où elle s'installe. C'est pourquoi il est très difficile de mettre au point des tests pour détecter sa présence. On ne la reconnaît vraiment que par les symptômes qu'elle provoque. Autrement dit, lorsqu'on découvre que le prion est installé, c'est déjà trop tard.
Pour la petite histoire, l'idée même du prion apparaissait comme une supposition un peu « folle ». Née dans l'imagination fertile d'un biologiste américain, Stanley Prusiner, en 1982, elle n'est présentée que comme une simple hypothèse de travail. Accueillie par une vague de scepticisme pour ne pas dire d'indifférence de la part de ses confrères, cette « idée » s'est pourtant vu confirmée...et a déjà valu à son inventeur le prix Nobel.
Il est également certain que le prion est capable de passer d'une espèce à l'autre, et notamment de l'animal à l'homme. En effet, on sait aujourd'hui que l'essor de l'ESB est dû à l'alimentation des bovins par des farines fabriquées à partir de cadavres d'animaux malades, des moutons à l'origine. Car tout commence avec la « tremblante du mouton », version ovine de la « vache folle », connue depuis plus de deux siècles, mais qui n'a jamais eu de conséquences néfastes (connues) sur l'homme. Mais on sait aussi que sa transmission à l'homme passe par le même circuit, puisque c'est par l'ingestion de viande de bovin (donc de cadavres) par ce dernier que la maladie lui parvient.
Enfin, il est également établi que le procédé de fabrication de ces farines, modifié au cours de cette période, est responsable de la contamination des bovins. Leur chauffage a été réduit, empêchant l'élimination complète de ces sacrés responsables de la tremblante, les prions. A partir de 1988, ces farines sont progressivement retirées du marché, notamment en Grande Bretagne. Mais l'écoulement des stocks et le retard pris par certains états (dont la France) pour les interdire expliquent la propagation de la maladie.
Mais les quelques « conclusions » s'arrêtent là... et une foule de questions se posent alors, des interrogations à rendre fou, cette fois, scientifiques et médecins. La science nous en dit suffisamment pour nous inquiéter, pas assez pour permettre de comprendre les risques et les moyens d'y remédier. [André Giordan]

Au-delà des apparences : la vache folle (troisième épisode)
Les quelques réponses qu'apportent les scientifiques sur l'ESB (voir le PB de lundi dernier) sont sans commune mesure avec les interrogations et les questionnements que suscite la « maladie de Creutzfeldt-Jakob liée au prion bovin ».
Côté bétail d'abord. Comment se diffuse la maladie ? Certes, il y a les « fameuses » farines (qui ont enrichi nombre d'industriels, d'exportateurs et de producteurs, ne l'oublions pas...) Mais plusieurs vaches, en France et en Suisse, ont été malades alors qu'elles n'avaient jamais mangé que de l'herbe et des tourteaux. Y a-t-il eu tricherie de la part des professionnels ? Ont-elles été contaminées par leur mère ? Ou existerait-t-il une autre voie de contamination ? Par le sol, par exemple ? Hypothèse avancée de plus en plus souvent...
Autre question : si des vaches sont contaminées par le prion sans toutefois manifester les symptômes de la maladie, leur viande, leurs abats sont-ils contaminants ? Et quels organes, plus précisément, sont à risques ? L'état actuel des connaissances ne conduit à aucune certitude. Au mieux peut-on mettre à jour une échelle des risques, selon les morceaux consommés. Du risque quasiment nul : les muscles et encore quand ils ne contiennent pas trop de nerfs ! à un potentiel très important : la cervelle.
- Muscles (viande rouge), lait, reins, coeur : risque quasi nul.
- Foie : risque potentiel très faible
- Poumons : risque potentiel faible
- Encéphale, thymus (ris de veau), rate, intestins : risque potentiel important
- Moelle épinière (à ne pas confondre avec la moelle des os) : risque potentiel très important.
Quant au sang, on s'interroge. Une publication d'une équipe britannique a semé le doute en montrant que l'ESB « peut être transmise par transfusion chez le mouton ».
Notre connaissance de l'ampleur réelle de la diffusion de l'ESB est tellement partielle que les scientifiques n'osent plus rien dire sur la consommation des autres viandes, celles d'agneau, de porc, de volaille (la viande blanche) ou encore des poissons d'élevage, nourris aux mêmes farines. Sont-elles réellement sans danger ? Mais comment peut-on se rendre compte qu'un poisson est devenu « fou » ? Par ailleurs, comme on les tue très jeunes, ne peuvent-ils pas être porteurs du prion sans avoir encore manifesté la maladie ? Et s'ils sont porteurs, ne peuvent-ils être contaminants ?
Pour le moment, toutes ces questions restent sans réponse. Dès lors, n'est-on pas en train de répéter, en se réfugiant vers ces « autres » viandes les erreurs qui ont permis à l'ESB de se développer de façon inquiétante chez les bovins ?
Les chats, nourris aux « boîtes » contenant ces farines, ne seraient-ils pas déjà atteints d'une épidémie semblable ? Tout comme semblent l'être les cerfs et les élans du Wyoming et du Colorado atteints d'une affection comparable, appelée la maladie du dépérissement chronique. Et la tremblante du mouton ne masquerait-elle pas l'ESB chez ce dernier ?
Côté humain, on dit que l'incubation est très longue. Les neurologues avancent un laps de temps de dix à vingt ans, ce qui n'est pas rassurant... si on a mangé beaucoup de viande ou si on appréciait les abats antérieurement. Paradoxalement, parmi les victimes de la maladie, il y a actuellement beaucoup de jeunes... Faut-il voir les prions dans le lait en poudre ou les petits pots de bébé, ou bien le temps d'incubation aurait-il été surévalué ? A moins que ce ne soit les deux à la fois...
Et puis quelle quantité de boeuf faut-il ingérer pour être malade ? Quelques bouchée suffisent-elles ou faut-il être gros amateur de steaks saignants ? Certains malades s'avouent grands carnivores, d'autres pas. Cela veut-il dire que des facteurs extérieurs pourraient être aggravants ? Y aurait-il une prédisposition génétique ? Une des victimes s'affirme végétarienne. Cela signifierait-il que le prion pourrait se propager par des sous-produits bovins, comme la gélatine employée dans des préparations végétariennes ? Ou l'épidémie aurait-elle d'autres causes, aujourd'hui encore totalement insoupçonnées ?
Bien sûr, la solution serait le test. Mais rien n'est encore vraiment sûr. Les tests traditionnels prennent deux ans ce qui n'est pas opératoire et parmi les trois nouveaux tests mis sur le marché aucun n'apparaît vraiment fiable, ni précis ... si ce n'est leur prix !
La difficulté réside dans le fait qu'il ne s'agit plus de dépister la présence ou l'absence d'un produit pathogène. Le prion est une forme anormale d'une protéine banale, présente à la surface de toutes les cellules. Il s'agit donc de mettre au point une substance capable de déceler une différence de structure spatiale. Les tests actuels ne permettent donc de déceler la maladie que quand elle est bien déclarée, c'est-à-dire en phase terminale. Ils ne permettent pas de déceler les prions chez des sujets apparemment sains.
Face à cet océan d'incertitudes, qui est responsable dans cette affaire ? Les fabricants de farine (et en leur sein : le directeur, le service recherche, le service économique) ? Les exportateurs ? Les éleveurs ? Les conseillers agricoles ? Les publicitaires ? La « filière bovine » dans son ensemble ? Les chercheurs qui ne se sont bousculés sur le sujet ? Les administrations nationales qui n'ont pas effectué les contrôles ? Les consommateurs pour ne pas s'être suffisamment organisés pour contrôler le marché ? Les politiques britanniques ? Celles des divers pays européens ? La Commission européenne ? Les financiers et le système économique basé sur le Marché ? Ou plus simplement, le manque de chance ?
Et, aujourd'hui, dans les conditions actuelles, que faire au quotidien ? Quelle peut être une décision rationnelle sur le plan personnel ? Peut-on encore manger « raisonnablement » de la viande ? Et si oui, quelle viande et quel morceau peut-on se permettre de manger ? Ou bien faut-il radicalement changer nos pratiques culinaro-culturelles ?
Quant aux gouvernements, que doivent-il décider pour s'attaquer vraiment au problème, et pas seulement tenter de donner confiance ? Que veut dire ici l' « usage du principe de précaution » ?
Affaire à suivre, donc. Nous reviendrons sur cette question la semaine prochaine. D'ici-là, nous attendons vos réactions et, surtout, vos propositions, à la lumière de notre question : que faire sur un plan personnel et sur un plan social ? [André Giordan]


Au-delà des apparences : Vache folle (quatrième épisode).

Alors que faire avec cette « vache » devenue « folle » ? Telle était la question que nous vous posions le jeudi 14 décembre. Pour vous permettre de continuer à réagir, grâce au Petit Bouquet, nous vous proposons un document inédit : une étude originale, non encore publiée, réalisée par notre laboratoire, sur des comportements alimentaires à la consommation du boeuf. Comment chaque individu, en tant que consommateur, s'est-il approprié les informations sur cette épizootie ? Et qu'en a-t-il fait dans leur vie quotidienne ? Plus simplement, mange-t-on ou ne mange-t-on plus de la vache?
Cette enquête est de type qualitatif. Nous n'avons pas cherché à travailler sur un échantillon représentatif de la population (d'ailleurs, laquelle ? Mais là n'est pas la question du jour), le projet était plutôt de « creuser » des comportements intimes. Pour cela, cette étude s'est déroulée en Suisse et en France, d'octobre à décembre 1997, soit de 7 à 9 mois après le « grand battage » médiatique de la première crise de 1996. Nous avons repris cette étude la semaine dernière, soit deux semaines après la nouvelle poussée de fièvre médiatique.
Pour connaître ces comportements, nous sommes partis de questionnaires. Des interviews ont permis à chacun de préciser sa position ou ses choix. Le point de départ était la question suivante: « Avez-vous modifié vos pratiques alimentaires en matière de viande ? Si oui, pourquoi ? Quels sont les arguments qui vous ont convaincu ? Si non, quels sont les arguments qui vous ont convaincu de ne pas changer ? ». D'autres questions portaient sur les pratiques alimentaires et leur évolution, ainsi que sur la manière dont l'information leur était parvenue, et l'intérêt que ces personnes lui avaient accordées.
Cette enquête confirme que l'impact médiatique est très grand. Contrairement à nombre d'autres informations, tout le monde se sent concerné. 100% des personnes interrogées, y compris les plus jeunes, ont entendu parler de « vache folle » et font un lien direct à quelques confusions près sur la dénomination et l'orthographe entre l'ESB et la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob liée au prion bovin. Deux sources d'information sont citées en premier : la télévision et les journaux. Viennent ensuite l'entourage, la radio, le médecin, le vétérinaire, le pharmacien. Toutefois, malgré l'intérêt très fort sur le sujet, le changement de comportement alimentaire reste très limité. Lors de la crise de 1996, moins de 8% des personnes interrogées ont changé d'habitude, c'est-à-dire qu'elles « ne mangent plus de viande ». Parmi ces dernières, certaines tolèrent néanmoins que « leurs enfants mangent de temps à autre au MacDonald ». Toujours à cette période, plus de 70% ont modifié leur pratique durant 2, 3 ou 4 semaines, « le temps du choc », puis sont revenues à leurs « habitudes antérieures ».
Parmi les individus qui ont maintenu la consommation de viande, les arguments les plus souvent avancés sont :
- le plaisir : « Parce que j'aime ça »,
- l'habitude : « J'ai toujours mangé de la viande »,
- l'équilibre alimentaire : « Parce que je ne peux faire autrement, c'est une question d'équilibre pour ma santé », « C'est plus difficile de régler son alimentation sans viande »,
- le manque d'arguments convaincants « pour changer » : « Il n'y a pas de preuves tangibles », « Relation dangereuse non établie », « Tout cela reste flou »,
- une faible probabilité du risque : « La probabilité (de la maladie), le risque est faible »,
- un certain fatalisme : « De toute façon toute la nourriture est contaminée », « Bien d'autres choses sont nocives », « S'il fallait tout éviter, on ne mangerait plus rien », « Le mal est déjà fait », « ce n'est que le début d'une catastrophe », « Parce que de toute façon j'en ai déjà mangé... et comme cette maladie a un temps de latence de 15-20 ans, c'est trop tard »,
- les économies : « Parce ce que les prix ont diminué »,
- la confiance aux professionnels : « Je fais confiance à mon boucher ». Un type d'argument est avancé uniquement en Suisse, « la confiance aux systèmes de contrôle ». Dans cette Confédération, de nombreux individus expriment une certaine confiance au « vétérinaire cantonal », pas en France.
A travers les interviews, il se confirme encore que le boeuf est profondément ancré dans la culture: « nos goûts, nos habitudes tournent autour de la viande, difficile de s'en passer ». Par ailleurs, une certaine balance entre le risque et le plaisir que l'on prend à manger est souvent mis en avant. « Je prends le risque parce que j'aime le boeuf, c'est une question de rapport risque-plaisir ». Au mieux, un certain nombre de précautions sont introduites en ce qui concerne la manière de consommer ou les morceaux choisis, ainsi que la fréquence ou la quantité de viande ingurgitée. « Je mange de la viande, à condition que ce ne soit pas des abats ». « J'évite la cervelle et la moelle épinière » on constate d'ailleurs une confusion fréquente entre cette dernière et la moelle osseuse « plus de steak tartare », « je mange moins souvent de la viande », etc.
Ces précautions sont plus présentes dans cette nouvelle crise. L'origine de la viande est plus souvent vérifiée, « Si je suis sûr de la provenance », « Je n'en mange plus au restaurant ». Les Français évitent le boeuf anglais, les Suisses, toutes viandes étrangères. La viande hachée ainsi que les hamburgers sont plus souvent suspectés. Un certain nombre de personnes ont substitué à la viande de boeuf d'autres types de viande: « je ne mange plus que la viande blanche », « du poulet ». Personne cependant n'a supprimé le lait et les produits laitiers. Les produits dérivés (saucisses, merguez) qui pourtant comportent encore trop souvent de la cervelle ou transformés (lasagnes, sauce bolognaise,..) sont peu souvent suspectés, de même que les autres préparations à base de gélatine.
Pour ceux qui ont changé leur pratique alimentaire, les arguments avancés sont, avant tout, liés au principe de précaution. « Je ne veux pas prendre aucun risque », « Dès qu'il y a un doute je m'abstiens », « Je ne veux pas me faire avoir une fois de plus ». Mais le dégoût apparaît également. « Quand on sait ce que mangent les vaches », « Quand on pense à ce qu'on leur donne à manger », ainsi que des raisons éthiques : « Pour des raisons éthiques : je ne veux pas cautionner ce type de production », « Je ne veux plus jouer le jeu de cette société de consommation qui ne pense qu'à se faire du fric ». De plus, nombre d'individus sont abstinents dans l'attente d'informations supplémentaires ou d'informations fiables. « J'attends des certitudes », « Je n'ai aucun élément de contrôle sur les informations », « J'attends que les scientifiques en sachent un peu plus ». Il est intéressant de noter que les mêmes arguments « On n'en sait trop rien », « Il y a trop de choses incertaines » conduisent à des positions opposées, c'est-à-dire, « Je mange » ou au contraire « Je ne mange plus ».
L'angoisse ne vient pas, comme on le croit communément, de la connaissance des effets désastreux possibles, mais, d'une part, de la parodie de mesures ou de demi-mesures adoptées par les politiques et, d'autre part, des propos « alambiqués » des scientifiques. D'une manière générale, l'information est jugée « peu claire », ne permettant pas « de comprendre tous les tenants et les aboutissants ». Une certaine méfiance apparaît également à travers des « on ne nous dit pas tout » qui laissent songeur. Des parallèles sont tirés avec la catastrophe de Tchernobyl (« encore tout faux comme pour Tchernobyl »), et l'affaire du sang contaminé (« C'est comme pour le sang contaminé, ils disent qu'ils font, et puis ce n'est pas vrai »). Beaucoup de scepticisme ressort des mesures prises, d'autant plus que certaines décisions sont adoptées après que les décideurs ont nié certains faits ou éléments. Ces dernières sont parfois trouvées trop brutales, comme celle d' « abattre les vaches sans discernement, seulement sur la base de leur date de naissance ». Quelques-uns avancent l'idée de gesticulation: « Il faut bien faire croire que l'on maîtrise quelque chose », « Il faut faire passer la pilule aux consommateurs », « Il faut rassurer le consommateur ».
Ces réactions individuelles face à de telles situations controversées nous interpellent. Comment un ensemble d'informations peuvent-elles influencer une prise de décision? Qui croire? Quelle stratégie, à travers toutes celles que nous venons de voir, faut-il privilégier? Faire confiance aux industriels ou aux marchés, ou simplement aux professionnels, comme son boucher, n'apparaît plus défendable. L'économie impose des décisions qui ne visent que le court terme sans se préoccuper des conséquences... Alors, les politiques? Ils apparaissent tout autant dépassés que les simples citoyens. Ils oscillent entre une politique de l'autruche et une application stricte du principe de précaution. Faut-il croire aux dépistages, aux tests ? Ou la traçabilité est-elle la dernière solution ? Faut-il souhaiter plus de contrôles ou la mise en place de commissions d'experts, de citoyens, de scientifiques, de philosophes...? [André Giordan]
Alors que faire avec cette “vache” devenue “folle” ? Telle était la question que nous vous posions le jeudi 14 décembre. Pour vous permettre de continuer à réagir, grâce au Petit Bouquet, nous vous proposons un document inédit : une étude originale, non encore publiée, réalisée par notre laboratoire, sur des comportements alimentaires liés à la consommation ou non du boeuf...
Comment chaque individu, en tant que consommateur, s’est-il approprié les informations sur cette épizootie ? Et qu’en ont-ils fait dans leur vie quotidienne ? Plus simplement, mange-t-il ou ne mange-t-il plus de la vache?
Cette enquête est de type qualitatif. Nous n’avons pas cherché à travailler sur un échantillon représentatif de la population (d’ailleurs, laquelle ?.. mais là n’est pas la question du jour...), le projet était plutôt de “creuser” des comportements intimes. Pour cela, cette étude s’est déroulée en Suisse et en France, d’octobre à décembre 1997, soit de 7 à 9 mois après le “grand battage” médiatique de la première crise de 1996. Nous avons repris cette étude la semaine dernière, soit deux semaines après la nouvelle poussée de fièvre médiatique...
Pour connaître ces comportements, nous sommes partis de questionnaires. Des interviews ont permis à chacun de préciser sa position ou ses choix. Le point de départ était la question suivante: “Avez-vous modifié vos pratiques alimentaires en matière de viande? Si oui, pourquoi? Quels sont les arguments qui vous ont convaincu? Si non, quels sont les arguments qui vous ont convaincu de ne pas changer ?”. D’autres questions portaient sur les pratiques alimentaires et leur évolution, ainsi que sur la manière dont l’information leur était parvenue, et l’intérêt que ces personnes lui avaient accordées.
Cette enquête confirme que l’impact médiatique est très grand. Contrairement à nombre d’autres informations, tout le monde se sent concerné. 100 % des personnes interrogées, y compris les plus jeunes, ont entendu parler de “vache folle” et font un lien direct -à quelques confusions près sur la dénomination et l’orthographe- entre l’ESB et la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob liée au prion bovin.
Deux sources d’information sont citées en premier: la télévision et les journaux. Viennent ensuite l’entourage, la radio, le médecin, le vétérinaire, le pharmacien. Toutefois, malgré l’intérêt très fort sur le sujet, le changement de comportement alimentaire reste très limité. Lors de la crise de 1996, moins de 8 % des personnes interrogées ont changé d’habitude, c’est-à-dire qu’elles “ne mangent plus de viande”. Parmi ces dernières, certaines tolèrent néanmoins que “leurs enfants mangent de temps à autre au MacDonald”. Toujours à cette période, plus de 70 % ont modifié leur pratique durant 2, 3 ou 4 semaines, “le temps du choc”, puis sont revenues à leurs “habitudes antérieures”.
Parmi les individus qui ont maintenu la consommation de viande, les arguments les plus souvent avancés sont:
- le plaisir, “parce que j'aime ça”,
- l’habitude, “j’ai toujours mangé de la viande”,
- l’équilibre alimentaire, “parce que je ne peux faire autrement, c'est une question d'équilibre pour ma santé”, “c’est plus difficile de régler son alimentation sans viande”,
- le manque d’arguments convaincants “pour changer”, “il n'y a pas de preuves tangibles”, “relation dangereuse non établie”, “tout cela reste flou”,
- une faible probabilité du risque : “la probabilité (de la maladie), le risque est faible”
- un certain fatalisme : “de toute façon toute la nourriture est contaminée”, “bien d’autres choses sont nocives”, “s’il fallait tout éviter, on ne mangerait plus rien”, “le mal est déjà fait”, “ce n’est que le début d’une catastrophe”, “parce que de toute façon j'en ai déjà mangé... et comme cette maladie a un temps de latence de 15-20 ans, c'est trop tard”,
- les économies : “parce ce que les prix ont diminué”,
- la confiance aux professionnels : je fais confiance à mon boucher”. Un type d’argument est avancé uniquement en Suisse, “la confiance aux systèmes de contrôle”. Dans cette Confédération, de nombreux individus expriment une certaine confiance au “vétérinaire cantonal”, pas en France.
A travers les interviews, il se confirme encore que le boeuf est profondément ancré dans la culture: “nos goûts, nos habitudes tournent autour de la viande, difficile de s’en passer”. Par ailleurs, une certaine balance entre le risque et le plaisir que l’on prend à manger est souvent mis en avant. “Je prends le risque parce que j'aime le boeuf, c'est une question de rapport risque-plaisir”.
Au mieux, un certain nombre de précautions sont introduites en ce qui concerne la manière de consommer ou les morceaux choisis, ainsi que la fréquence ou la quantité de viande ingurgitée. “Je mange de la viande, à condition que ce ne soit pas des abats”. “J’évite la cervelle et la moelle épinière” -on constate d’ailleurs une confusion fréquente entre cette dernière et la moelle osseuse- “plus de steak tartare”, “je mange moins souvent de la viande”, etc.
Ces précautions sont plus présentes dans cette nouvelle crise. L’origine de la viande est plus souvent vérifiée, “si je suis sûr de la provenance”, “j’en mange plus au restaurant”, les français évitent le boeuf anglais, les suisses, toutes viandes étrangères. La viande hachée ainsi que les hamburgers sont plus souvent suspectés.
Un certain nombre de personnes ont substitué à la viande de boeuf d’autres types de viande: “je ne mange plus que la viande blanche”, “du poulet”. Personne cependant n’a supprimé le lait et les produits laitiers. Les produits dérivés (saucisses, merguez) qui pourtant comportent encore trop souvent de la cervelle ou transformés (lasagnes, sauce bolognaise,..) sont peu souvent suspectés, de même que les autres préparations à base de gélatine.
Pour ceux qui ont changé leur pratique alimentaire, les arguments avancés sont avant tout liés au principe de précaution. “Je ne veux pas prendre aucun risque”, “dès qu’il y a un doute je m’abstiens”, “ je ne veux pas me faire avoir une fois de plus”. Mais le dégoût apparaît également. “Quand on sait ce que mangent les vaches”, “quand on pense à ce qu’on leur donne à manger”... ainsi que des raisons éthiques : “pour des raisons éthiques : je ne veux pas cautionner ce type de production”, “je ne veux plus jouer le jeu de cette société de consommation qui ne pense qu’à se faire du fric”.
De plus, nombre d’individus sont abstinents dans l’attente d’informations supplémentaires ou d’informations fiables. “J'attends des certitudes”, “je n'ai aucun élément de contrôle sur les informations”, “j’attends que les scientifiques en sachent un peu plus”.
Il est intéressant de noter que les mêmes arguments -”on n’en sait trop rien”, “il y a trop de choses incertaines”- conduisent à des positions opposées, c’est-à-dire, “je mange” ou au contraire “je ne mange plus”.
L’angoisse ne vient pas, comme on le croit communément, de la connaissance des effets désastreux possibles, mais, d’une part, de la parodie de mesures ou de demi-mesures adoptées par les politiques, et d’autre part des propos “alambiqués” des scientifiques. D’une manière générale, l’information est jugée peu “claire”, ne permettant pas “de comprendre tous les tenants et les aboutissants”, une certaine méfiance apparaît également à travers des “on ne nous dit pas tout” qui laissent songeur.
Des parallèles sont tirés avec la catastrophe de Tchernobyl, “encore tout faux comme pour Tchernobyl”, et l’affaire du sang contaminé. “C’est comme pour le sang contaminé, ils disent qu’ils font, et puis ce n’est pas vrai”. Beaucoup de scepticisme ressort des mesures prises, d’autant plus que certaines décisions sont prises après avoir nié certains faits ou éléments. Ces dernières sont parfois trouvées trop brutales: “abattre les vaches sans discernement, seulement sur la base de leur date de naissance”. Quelques-uns avancent l’idée de gesticulation: “il faut bien faire croire que l’on maîtrise quelque chose”, “il faut faire passer la pilule aux consommateurs”, “il faut rassurer le consommateur”.
Ces réactions individuelles face à de telles situations controversées nous interpellent. Comment un ensemble d’informations peuvent-elles influencer une prise de décision? Qui croire? Quelle stratégie, à travers toutes celles que nous venons de voir, faut-il privilégier? Faire confiance aux industriels ou aux marchés, ou simplement aux professionnels comme son boucher n’apparaît plus défendable. L’économie impose des décisions qui ne visent que le court terme sans se préoccuper des conséquences... Alors, les politiques? Ils apparaissent tout autant dépassés que les simples citoyens... Ils oscillent entre une politique de l’autruche et une application stricte du principe de précaution. Faut-il croire aux dépistages, aux tests?.. Ou la traçabilité est-elle la dernière solution? Faut-il souhaiter plus de contrôles ou la mise en place de commissions d’experts, de citoyens, de scientifiques, de philosophes...?
Alors, que peut-on faire ?

Alors que faire avec cette “vache” devenue folle” ? Telle était la question que nous vous posions le jeudi 14 décembre. Pour vous permettre de continuer à réagir, grâce au Petit Bouquet nous vous proposons un document inédit : une étude originale, non encore publiée, réalisée dans notre laboratoire sur des comportements alimentaires liés à la consommation ou non du boeuf...
Comment chaque individu, en tant que consommateur, s’est-il approprié les informations sur cette epizootie ? Et qu’en ont-ils fait dans la vie quotidienne ? Plus simplement, mange-t-il ou ne mange-t-il plus de viande rouge ?..
Cette enquête est de type qualitatif, nous n’avons pas cherché à travailler sur un échantillon représentatif de la population (d’ailleurs laquelle ?.. mais là n’est pas la question du jour...), le projet était plutôt de “creuser” des comportements intimes. Pour cela, cette étude s’est déroulée en Suisse et en France, d’octobre à décembre 1997, soit de 7 à 9 mois après le “grand battage” médiatique de la première crise de 1996. Nous avons repris cette étude la semaine dernière, soit deux semaines après la nouvelle poussée de fièvre médiatique...
Pour connaître ces comportements, nous sommes partis de questionnaires. Des interviews pour permettre à chacun de préciser sa position ou ses choix. Le point de départ était la question suivante : ... “Avez-vous modifié vos pratiques alimentaires en matière de viande ? OUI / NON. Si oui, pourquoi ? Quels sont les arguments qui vous ont convaincu ? Si non, pourquoi ? Quels sont les arguments qui vous ont convaincu de ne pas changer ?”. D’autres questions portaient sur : “Avez-vous modifié d’autres pratiques alimentaires ?”, “Comment avez-vous été informé ?”, “Continuez-vous à vous informer ?”, “Votre comportement alimentaire a-t-il évolué depuis ?”...
Cette enquête confirme que l’impact des informations “vache folle” est très grand. Contrairement à nombre d’autres informations, personne ne reste à l’écart.100 % des personnes interrogées, y compris les plus jeunes, en ont entendu parler et font un lien direct -à quelques réserves près sur la dénomination et l’orthographe- entre l’ESB et la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob liée au prion bovin.
Deux sources d’information sont citées en premier : la télévision et les journaux. Viennent ensuite l’entourage, la radio, le médecin, le vétérinaire, le pharmacien. Toutefois, malgré l’intérêt très fort sur le sujet, le changement de comportement alimentaire reste très limité :
- lors de la crise de 1996, moins de 8 % des personnes interrogées ont changé d’habitude : c’est à dire “ne mange plus de viande”. Parmi ces personnes, certaines tolèrent que “leurs enfants mangent de temps à autre au MacDonald”.
- plus de 70 % ont modifié leur pratique durant 2, 3 ou 4 semaines (“le temps du choc”), puis sont revenu à leurs “habitudes antérieures”.
Parmi les individus qui ont maintenu la consommation de viande, les arguments les plus souvent avancés sont :
- 1. le plaisir : “parce que j'aime ça”,
- 2. l’habitude : “j’ai toujours mangé de la viande”,..
- 3. l’équilibre alimentaire, “parce que je ne peux faire autrement, c'est une question d'équilibre alimentaire”, “c’est plus difficile de régler son alimentation sans viande”,
- 4. le manque d’arguments convaincants “pour changer” : “il n'y a pas de preuves tangibles”, “relation dangereuse non établie”, “tout cela reste flou”
- 5. une faible probabilité du risque : “la probabilité (de la maladie), le risque est faible”
- 6. un certain fatalisme : “de toute façon toute la nourriture est contaminée”, “bien d’autres choses sont nocives”, “s’il fallait tout éviter, on ne mangerait plus rien”, “le mal est déjà fait”, “ce n’est que le début d’une catastrophe”, “parce que de toute façon j'en ai déjà mangé... et comme cette maladie a un temps de latence de 15-20 ans c'est trop tard”.
7. les économies : “parce ce que les prix ont diminué”.
8. la confiance aux professionnels : je fais confiance à mon boucher”. Un type d’argument est uniquement avancé uniquement en Suisse : “la confiance aux système de contrôle”. Dans cette Confédération, de nombreux individus expriment une certaine confiance au “vétérinaire cantonal”, pas en France.
A travers les interviews, il se confirme encore que le boeuf est profondément ancré dans la culture européenne : “nos goûts, nos habitudes tournent autour de la viande, difficile de s’en passer”. Par ailleurs, un rapport plaisir-risque est souvent mis en avant : “je prends le risque parce que j'aime le boeuf, c'est une question de rapport risque-plaisir”.
Au mieux, un certain nombre de précautions peuvent être introduites :
- suppression des abats : “je mange de la viande à condition que ce ne soit pas les abats”, j’évite la cervelle et la moëlle épinière” (On constate une confusion fréquente entre cette dernière et la moëlle osseuse) ,
- suppression de la viande crue : “plus de steak tartare”,
- diminution des quantités ou de la fréquence : “j’en mange moins”, “j’en mange moins souvent”
- surveillance des origines : “si je suis sûr de la provenance”, “j’en mange plus au restaurant”.
Ces précautions sont plus présentes dans cette nouvelle crise. L’origine de la viande est plus souvent vérifiée, les français évitent le boeuf anglais, les suisses, toutes viandes étrangères. “La viande hachée”, “les hamburgers” sont plus souvent suspectées.
De même un nombre de personnes ont substitué d’autres types de viande à la viande de boeuf : “je ne mange plus que la viande blanche”, “de poulet”. Personne cependant n’a supprimé le lait et les produits laitiers. Les produits dérivés (saussisses, merquezs) qui pourtant comportent encore trop souvent de la cervelle ou transformés (lasagnes, sauce bolognaise,..) sont peu souvent suspectées, de même que les autres préparations à base de gélatine.
Pour ceux qui ont changé leur pratique alimentaire, les arguments avancés sont :
1. le principe de précaution : “je ne veux pas prendre aucun risque”, “dès qu’il y a un doute je m’abstiens”, “ je ne veux pas me faire avoir une fois de plus”,
2. le dégoût : “quand on apprend ce que mange les vaches”, “quand on sait ce qu’on leur donne à manger”,
3. des raison éthiques : “pour des raisons éthiques : je ne veux pas cautionner ce type de production”, ...
4. De plus, nombre d’individus sont abstinents dans l’attente d’informations supplémentaires ou d’informations fiables : “j'attends des certitudes”, “je n'ai aucun élément de contrôle sur les informations”,
Il est intéressant de noter que les mêmes arguments (“on n’en sait trop rien”, “il y a trop de choses incertaines,..) conduisent à des positions opposées (“je mange” ou au contraire “je ne mange plus..”)...
L’angoisse ne vient pas comme on le croit communément de la connaissance des effets désastreux possibles, mais de la parodie de mesures ou de demi-mesures adoptées par les politiques pour la contrôler d’une part et des propos “alambiqués” des scientifiques. D’une manière générale, l’information est jugée peu “claire” (“risques pas clairs”) sur ce qu’il faut faire. Leurs annonces ne “permettent pas de comprendre tous les tenants et les aboutissants”. Des décisions sont prises après qu’on ait nié certains faits ou éléments. Les repères en la matière sont la catastrophe de Tchernobyl (“encore tout faux comme pour Tchernobyl”) et l’affaire du sang contaminé (“c’est comme pour le sang contaminé, ils disent qu’ils font, et puis ce n’est pas vrai”). Beaucoup de scepticisme ressortent des mesures prises : “on nous dit pas tout”. Ces dernières sont parfois trouvées trop brutales : “abattre les vaches sans discernement, en relation avec la date de naissance”. Quelques uns avancent l’idée de gesticulation : “il faut bien faire croire que l’on maîtrise quelque chose”, “il faut faire passer la pilule aux consommateurs”, “il faut rassurer le consommateur”.
Ces réactions individuelles face à de telles situations controversées nous interpellent. Comment un ensemble d’informations peuvent-elles influencer une prise de décision ? En matière de gestion de risque, plusieurs stratégies sont en concurrence : faire confiance aux industriels ou aux marchés, ou simplement aux professionnels comme son boucher ? S’en remettre aux décideurs politiques ou souhaiter la mise en place de commissions d’experts ou des contrôles plus performamts ?
La première alternative, seule, n’apparaît plus défendable, l’économie impose des décisions sur le court terme quelqu’en soit les conséquences... Alors les politiques ? Ils apparaissent tout autant dépassés que les simples citoyens... Ils oscillent entre une politique de l’autruche et une application stricte du principe de précaution. Faut-il croire au dépistages, aux tests ?.. Ou la traçabilité est-elle la dernière solution ?
Toujours la même question : que peut-on faire ?
A suivre...


Faites-nous parvenir vos suggestions... André Giordan vous donnera sa position.