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 Sur 
        les questions d’environnement, il est souvent très 
        difficile de se faire une opinion un peu fondée. Sur l’énergie 
        par exemple, les incertitudes sont partout : quels sont les risques réels 
        du nucléaire ? Quelle est l’importance de l’effet de 
        serre si le gaz carbonique est évacué en plus grandde quantité 
        ? Où en est-on réellement de l’épuisement des 
        combustibles fossiles ? Quant aux divergences d’opinion, elles sont 
        toutes aussi nombreuses. Qui faut-il écouter ? Faut-il rationaliser 
        l’offre d’énergie pour en limiter les retombées 
        sur l’environnement ? Faut-il au contraire réduire la demande 
        dans la perspective d’un développement durable ? Parmi les 
        partisans de la première tendance, la concurrence est vive entre 
        les industriels du charbon, du gaz, du pétrole ou du nucléaire. 
        Chacun valorise son apport en gommant fortement les inconvénients 
        respectifs. Les partisans de la seconde tendance mettent en avant des 
        techniques ou des comportements qui s’opposent entre eux comme par 
        exemple : la régulation améliorée du chauffage, l’isolation 
        thermique ou une température plus basse dans l’habitation, 
        ou les automobiles “vertes”, le vélo ou les transports 
        en communs, etc..  
        Comment alors prendre des décisions quand nous ne possédons 
        pas de certitudes ou que ces certitudes apparaissent justement peu sûres 
        ? Prévoir est-il encore possible ? Penser régler de telles 
        questions sur le seul plan technologique n’est plus raisonnable 
        ? L’enthousiasme technologique seul néglige plusieurs dimensions 
        du problème... Chaque acteur du débat inonde la société 
        d’informations plus ou moins biaisées corroborant sa thèse. 
         
         
        Sortir des situations actuelles  
        La catastrophe de Tchernobyl (1986) a confirmé l’extrême 
        fragilité de nos sociétés, elle a contribué 
        à la recherche de nouveaux repères. Dire que tout est complexe 
        ne suffit plus, il faut commencer par changer les mentalités et 
        modifier nos habitudes. Comment se donner les moyens de sortir de cette 
        impasse ? On croyait jadis qu’il suffisait d’attendre de savoir 
        avant de prendre une décision. Cette vision est devenue trop naïve. 
        Les situations en cours doivent être traitées avant qu’il 
        ne soit trop tard. Quand les problèmes sont devenus explicites, 
        il est souvent difficile de les dépasser, d’une part. D’autre 
        part, cette approche véhicule des idées erronées 
        sur les mécanismes de production de savoirs. La moindre prévision 
        perturbe l’évolution des données par exemple.  
        La technologie ne peut plus être envisagée comme un réservoir 
        inépuisable de solutions permettant de corriger les erreurs ou 
        les lacunes du passé. Chaque nouvelle technologie crée à 
        son tour de nouvelles difficultés. Les chlorofluorocarbones (CFC) 
        destructeurs de la couche d’ozone avaient été développés 
        pour diminuer les risques d’explosion, les surgénérateurs 
        pour recycler des déchets issus du nucléaire classique. 
        Aucune règle généralisable, aucun modèle, 
        encore moins une recette, ne peut plus être mis en avant, trop de 
        paramètres interfèrent. Une démarche nouvelle adaptée 
        aux mécanismes des systèmes complexes doit être pensée 
        et corroborée. Plusieurs tentatives ont été effectuées 
        depuis une dizaine d’années, toutes restent encore à 
        l’état d’ébauche. Plusieurs aspects cependant 
        peuvent être mis en avant.  
        Déjà, il s'agit d’enrichir nos interrogations pour 
        fonder notre jugement. Quelles sont les "bonnes" questions à 
        (se) poser pour affronter les situations qui font problème ? Ensuite, 
        nous avons à inventer de nouveaux paradigmes pour approcher de 
        tels systèmes et leur évolution (1). L’idée 
        de causalité par exemple se doit de devenir multiple (multicausalité) 
        et rétroactive, les effets rétroagissent sur les causes 
        pour les amplifier ou les limiter. L'incertitude croît avec le niveau 
        d'interdépendance (2). Les effets et les causes sont pas toujours 
        discernables. La réalité change de nature suivant l'échelle 
        à laquelle on la considère. Ce qui est prévisible 
        à un niveau est aléatoire à un autre, etc. Un équilibre 
        doit être pensé de façon antagoniste entre le global 
        et le local, la tradition et l’innovation, l’économique 
        et l’éthique, l’individu et la société, 
        la compétition et la solidarité, le court terme et le long 
        terme, l’Homme et la Nature, l’unité et la diversité 
        de culture,.. Les technologies du recyclage des déchets sont actuellement 
        en concurrence avec les technologies de réduction des déchets. 
        La constitution d’un lobby de l’industrie de la dépollution 
        pourrait contrarier les efforts pour moins de pollution à la source,... 
         
        Dans le même temps, il nous faut clarifier nos valeurs et pour cela 
        en débattre sur un plan collectif. Tout débat sur la biodiversité 
        ne saurait se réduire à une discussion sur les modes de 
        conservation des gènes. A quoi tenons-nous vraiment et pourquoi 
        ? Qu’impliquent nos moindres choix sur le plan de la biosphère 
        ? Comment les aspects auxquels je tiens en tant qu’individu interfèrent 
        ceux de la communauté à laquelle j’appartiens ? De 
        quoi puis-je me frustrer pour favoriser un “plus” social qui 
        m’enrichira en retour ?  
        Enfin, il faut envisager des stratégies de changement. Ce dernier 
        ne peut s’effectuer par décret, les lois par exemple sont 
        loin d’être prises en compte et appliquées. De plus, 
        une innovation isolée ne peut se diffuser, il faut qu’elle 
        soit en concomittance avec d’autres innovations institutionnelles, 
        économiques, techniques, politiques. Isolée, elle apparaît 
        comme une perturbation externe, elle a toutes les chances d’être 
        amortie ou évacuée si elle ne s’inscrit pas dans des 
        changements simultanés suffisamment substantiels pour modifier 
        l’équilibre global. Un ensemble cohérent de changements 
        de tous ordres est à préparer, à initier, et surtout 
        réguler. L'appropriation d’une culture de la régulation 
        devient prioritaire.  
      Développer 
        des outils pour penser un changement durable 
        L’un des freins majeurs à l’innovation culturelle tient 
        sans doute à la force des facteurs de reproduction d’une 
        organisation -et la société en est une-. Tous en assurent 
        le maintien, la stabilité mais l’empêchent dans le 
        même temps d’évoluer. Les démarches de pensée 
        sont révélatrices à ce propos. L’analyse fine 
        d’un système, telle que la recherche scientifique classique 
        la pratique, est nécessaire mais combien limitée. Elle entrave 
        la mise en évidence des interactions, elle limite l’imagination 
        pour promouvoir de solutions alternatives. Sans doute empêche-t-elle 
        d’un certain désordre créateur propre à faire 
        évoluer la société. Dans tous ces plans, l’élaboration 
        de nouveaux outils de pensée est indispensable (voir ci après). 
        Mais la mise en place d’une dynamique est certainement un préalable. 
        
      Démarches 
        à initier en matière d’Environnement 
       
        Un processus d’apprentissage collectif est sans aucun doute à 
        susciter. L’évolution des mentalités passe d’abord 
        par une éducation à l’environnement de l’ensemble 
        de la population. La complexité des problèmes à traiter, 
        l’entrelacement des interactions multiples entre les phénomènes 
        rebutent encore nos contemporains. Pourtant s’en remettre uniquement 
        aux commissions d’experts ou aux hommes politiques serait une erreur. 
        Les experts actuels restent des spécialistes d’un domaine 
        étroit (voir article...). Les hommes politiques, sauf exception 
        notable, sont tout autant dépassés que le commun des mortels 
        ; par ailleurs ils sont liés au cours terme à cause des 
        réélections auxquelles ils sont soumis.  
        Les questions d’environnement demandent à être largement 
        débattues, elles ont besoin de temps. Ce qui implique que les citoyens 
        soient très au fait de ces questions et possèdent des démarches 
        et des concepts permettant de les affronter. Les institutions politiques, 
        structurées autour de découpages artificiels ou d’Etats-nation 
        ne sont pas toujours des entités favorables face à des problèmes 
        soit très spécifiques, lié à un lieu géographique, 
        soit au contraire généraux comme peut l’être 
        l’effet de serre ou le risque nucléaire. 
        Pour dépasser les rigidités, des stratégies ouvertes 
        et contradictoires entre entités humaines (associations, lobbies, 
        groupes de pression,..) sont à susciter sur le plan local, à 
        condition de les réguler à plusieurs niveaux. Des formules 
        sont à trouver : un forum de négociation en direct par le 
        biais d’un Centre de ressources local ou un Hôtel des citoyens. 
        Pour un problème international, un groupe de discussion sur Internet 
        est le plus sûr garant pour établir une régulation. 
         
        Quelques règles simples, connues de tous, gérées 
        par un médiateur local ou international sont toujours utiles. Les 
        groupes les plus divers ont accès au forum, chaque acteur a la 
        possibilité de développer ses arguments à condition 
        de les corroborer par des investigations. Les différents acteurs 
        développent leurs projets, mobilisent leurs savoirs et leurs valeurs, 
        proposent des scénarios possibles et confrontent leur choix. L’accord 
        doit s’obtenir par consensus ou négociations. La tradition 
        de consensus suisse peut être un point de départ, il s’agit 
        encore de dynamiser son fonctionnement et de la faire partager aux autres. 
      1. 
        Sur ce plan la connaissance des systèmes complexes, une nouvelle 
        approche est très porteuse : la physionique. 
        2. Toutefois l'imprévisibilité ne croît pas avec le 
        niveau de complexité.  
       
         
      
        
          André 
              Giordan, sous la direction, 
              Douze 
              questions d’actualité sur l’Environnement, 
              Z’Editions 1996. 
               
              Ce livre collectif propose d’y voir un peu plus clair sur 
              douze grandes questions d’environnement controversées: 
              la biodiversité et la disparition des espèces; l’effet 
              de serre et le changement climatique; la déforestation; la 
              désertification; les CFC et autres polluants de l’air 
              et le trou dans la couche d’ozone; la multiplication des déchets; 
              les pollutions des eaux (y compris bioaccumulation); les effets 
              de l’urbanisation; la maîtrise de l’énergie 
              ; le risque des biotechnologies; l’exploitation des ressources; 
              le développement durable.  
              Chaque sujet est traité par deux scientifiques de renom sous 
              une approche différente. Plussieurs chercheurs de Genève 
              ont contribué à cet important travail. Outre André 
              Giordan qui a coordonné le tout, Hubert Greppin, Jacques 
              Vicari et José Marin de l’université de Genève 
              ont apporté leur contribution.  
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