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Itinéraires
de découverte, TPE, Travaux croisés...
et ma discipline ?
LDES université de Genève Itinéraires de découverte,
TPE, Travaux croisés… voilà plusieurs façons
de poursuivre un but unique : briser la vision traditionnelle du cours
qui place les enseignants, seuls détenteurs du savoir, en situation
d'acteur unique, face à des élèves ignorants, passifs,
censés enregistrer tout ce que le maître dit...
Mais ne ne sommes-nous pas sujet à une nouvelle mode ? Que va faire
le nouveau ministre ? Et le prochain ?... Ne vont–ils pas vouloir,
eux aussi, injecter leurs propres marottes ? On comprend dès lors
pourquoi nombre d'enseignants s'opposent violemment à toutes ces
tentatives de réforme, pendant que les plus nombreux attendent
!.. Et cela d'autant mieux que ces opérations sont parachutées
sans préparation, sans accompagnement ou presque au niveau de la
formation et des ressources, que les conditions de travail ne sont jamais
interpellées, et que l'administration, loin de favoriser les initiatives,
crée mille et une tracasseries pour que rien ne se passe [1]!..
Décloisonner les disciplines
Pourtant, l'école n'a-t-elle pas la nécessité impérieuse
de décloisonner les disciplines en montrant aux élèves
-et aux enseignants eux-mêmes- que les problématiques et
les approches sont complémentaires entre les différentes
matières ? Quelle est la place et la fonction d'une école
qui ne sait pas aborder les questions d'aujourd'hui, complexes par nature
?
Quel sens peut-elle encore avoir ?…
L'enseignement ne doit-il pas mettre en place, très tôt,
une première approche transdisciplinaire afin de montrer aux élèves
la convergence des analyses et des concepts ? Toutefois, contrairement
au sociologue Edgar Morin, nous ne sommes pas partisan du tout transversal.
La discipline reste encore pour nous un « regard » sur le
monde, dès lors qu'elle ne reste pas sur elle-même et qu'elle
s'ouvre aux comparaisons, aux liens ou encore aux attentions critiques
des autres approches.
Pour l'élève, il s'agit par ailleurs de lui permettre de
s'approprier son propre savoir, par des recherches « actives »,
l'enseignant se transformant en guide, en repère ou en metteur
en scène[2]. En ce sens, de telles activités ouvrent un
espace de liberté pour des recherches plus personnelles, centrées
sur un intérêt particulier de l'élève ; tout
en n'y restant pas, bien évidemment !
Dans le même temps, les itinéraires de découverte
peuvent proposer un suivi plus personnalisé, indispensable quand
on apprend ; ce qui est impossible en classe entière ou en demi-groupes.
Affronter les tabous
Tel est donc le challenge de l'école : oser affronter certains
tabous, notamment ceux liés aux habitudes, aux évidences
ou aux routines. Pourquoi continuer à se cacher que nombre de savoirs
importants ne sont pas à l'école ? Que non seulement les
élèves n'apprennent pas toujours, mais que l'institution
scolaire enlève l'envie d'apprendre, voire exclue... ? Les corporatismes
de tous ordres en [...]
profitent aux dépens de nos élèves et au mépris
de l'évolution de notre société. Les conservatismes
ne sont pas toujours où l'on croit !
Ne perdons pas de vue non plus que plus d'un million de familles américaines
refuse de mettre leurs enfants à l'école, sous prétexte
qu'ils « n'y apprennent rien » ou des savoirs inutiles. Elles
pensent pouvoir permettre d'apprendre « mieux » à la
maison, grâce aux nouvelles technologies de l'information et aux
multimédias[3].
Pour nous, l'école conserve une place privilégiée.
La question de l'école ne réside d'ailleurs pas dans une
comparaison simpliste entre le contenu des savoirs d'hier et d'aujourd'hui.
Elle s'inscrit avant tout dans une démarche permettant d'établir
une « relation au savoir ». L'élève doit être
mis en situation d'apprendre ; continuellement, il doit être mis
en appétit d'apprendre. Or quoi de plus frustrant ou démotivant
pour un jeune que de se passionner 45 minutes pour un projet… et
passer ensuite aux maths., au prétérit et à la versification
pour y revenir trois jours plus tard !
Cher collègue, ne vous crispez donc pas sur votre discipline. Vous
risqueriez de figer encore plus l'institution scolaire et de handicaper
par là-même vos élèves. Nous sommes dans une
société en mutation rapide où seuls les individus
qui ont la possibilité de la déchiffrer, d'en appréhender
la complexité, de comprendre les mécanismes et les évolutions
en cours sont en mesure de pouvoir agir sur elle.
Plus essentiels que les seules disciplines habituellement enseignées,
apparaissent donc d'autres savoirs, comme les sciences humaines (psychologie,
sociologie, anthropologie..), les arts, l'expression du corps autant que
de l'esprit, l'éthique, la rhétorique mais surtout une interdisciplinarité
qui offre des regards croisés et des points de vue multiples.
Par ailleurs, l'élève doit également apprendre à
modéliser, à mettre en place des analyses systémiques,
à prendre en compte l'aléatoire ou l'incertitude ou encore
à gérer les paradoxes. Autant de savoirs qui ne peuvent
s'apprendre dans un strict cadre disciplinaire[4].
L'école demande à être repensée dans ses priorités.
Elle a trop souvent privilégié la continuité contre
le changement, perpétué les traditions, les disciplines
et les méthodes héritées de l'époque de sa
création, à la fin du xixème siècle.
N'en faisons pas une fixation[5]... Tout cela n'est-il pas normal ? Nous
vivons un changement d'époque. Il nous faut y faire face et changer
nos habitudes. Certes, l'école a déjà beaucoup changé.
On a introduit de la littérature de jeunesse, on fait des mathématiques
moins abstraites, on traite les questions contemporaines que posent les
sciences, on fait même du latin à partir d'approches complètement
nouvelles. Mais il vous faut continuer cette évolution. Notre métier
ne peut plus être une suite de pratiques libérales –
y compris au primaire – qui s'ignorent.
1. Ces considérations sont bien sûr globales...
Par contre, nos contacts avec les collèges et les lycées
français nous permettent de repérer nombre d'actions pédagogique
originales et efficaces. L'école " bouge ", mais discrètement
; là où on ne l'attend pas forcément. Malheureusement,
ces initiatives restent peu connues. Elles ne sont pas analysées,
évaluées ou mutualisées et elles sont sans cesse
recommencées.
2. L'apprendre est rarement une question de transmission ou de construction.
C'est un processus très complexe de transformation d'idées,
de façons de penser. Il part de ce qu'est l'élève
et il va paradoxalement à l'encontre de son mode de pensée.
Pour en savoir plus voir Modèle allostérique : http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/giordan/LDES/rech/allostr/allos.html
3 . Leurs désillusions risquent d'être grandes ! L'apprendre
est un processus éminemment multiple et complexe qui ne peut se
suffire de machines. Le virtuel n'apprendra jamais l'expression corporelle,
le lien social ou une réflexion personnelle. Sans autre support,
ces technologies sont même très imparfaites pour construire
une démarche scientifique, discuter d'une éthique ou accéder
à une pragmatique.
4. En plus de rencontrer des savoirs pertinents, le jeune doit en premier
" apprendre à apprendre " par lui-même, car face
à l'évolution actuelle des connaissances, il devra continuer
à apprendre tout au long de sa vie...
5. Quand on ne se sent pas reconnu, en tant qu'enseignant, en tant que
personne, on a tendance à rester dans sa coquille ou à se
réfugier dans ce que l'on connaît le mieux, à savoir
sa discipline. Il nous faut sortir de cette frilosité... Il est
de notre responsabilité de "professionnel" de l'école
de réfléchir à son avenir. Mais pas tout seul ! Il
nous faut travailler en équipe sur l'école à tous
les niveaux, entre collègues dans les établissements, ou
à travers les circonscriptions ou les syndicats. Il nous faut monter
des lieux de rencontre et des associations sur l'école.
Pour
en savoir plus :
A. Giordan, Apprendre ! Belin, 1998
A. Giordan, Qu'apprendre à nos enfants ? Delagrave, 2002
Pour en savoir plus sur André Giordan et le LDES
- sur les conceptions des élèves et leur exploitation en
classe
A. Giordan et G. De Vecchi, Les origines du savoir , Delachaux, Neuchatel,
1987
G. De Vecchi et A. Giordan, L'enseignement scientifique, comment faire
pour que "ça marche"? , Z'éditions, 1988
A. Giordan, J et F Guichard, Des idées pour apprendre, Z'éditions,
1997
- sur l'éducation des plus jeunes
ML. Cantor et A. Giordan, Les sciences à l'école maternelle,
Z'éditions, 1997
A. Giordan, Une didactique pour les sciences expérimentales, Belin,
1999.
- sur l'éducation à l'environnement
A. Giordan et S. Souchon, Une éducation pour l'environnement ,
Z'éditions, 1991
A. Giordan et Jacqueline Denis-Lempereur (coord.), Douze questions d'actualité
sur l'environnement, Z'éditions, 1996
- sur l'évaluation des enseignement s et des activités
A. Giordan, C. Souchon et M. Cantor, Evaluer pour innover, Z'Editions,
1994
- Pour la formation de vos étudiants
M. Febvre et A. Giordan, Maîtriser l'information scientifique et
médicale, Delachaux, 1990
M. Febvre et A. Giordan, Maîtriser les méthodes de travail
, Delachaux, 1994
- Pour ce qui se lancent dans des recherches didactiques
A. Giordan et Y. Girault, Les aspects qualitatifs de l'enseignement des
sciences dans les pays francophones, UNESCO, 1994
A. Giordan et Y. Girault (éd), New learning models, Z'éditions,
1996
P. Rasse, A. Giordan, Y. Girault, La communication scientifique d'entreprise,
Z'éditions, 1994
A. Giordan, JL. Martinand et D. Raichvarg (éd), technologies/Technologies,
Actes JIES 21, A. Giordan, JL. Martinand et D. Raichvarg, 1999
A. Giordan, JL. Martinand et D. Raichvarg (éd), L'éducation
aux risques, A. Giordan, JL. Martinand et D. Raichvarg, 2000
- Pour une autre approche de la vulgarisation
A. Giordan, Comme un poisson rouge dans l'homme, Payot, 1995
A. Giordan, Le corps humain, la première merveille du monde, Lattès,
1999.
et le site LDES : http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/giordan/LDES/index.html
Lundi 10 Juillet 2006
AESVT Maroc
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