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 De 
        la bionique à la physionique (1) 
      En 
        matière d’innovation ou d’invention, il n’y a 
        pas de voie royale ! On véhicule beaucoup d’idées 
        fausses. D’un côté, on survalorise l’Eurêka 
        ; or l’illumination subite est toujours masquante. Elle devient 
        exceptionnelle dans les processus actuels de conception. De l’autre, 
        on pense que l’invention est le fruit d’un long raisonnement 
        ou le résultat d’une brillante déduction.  
        En fait, ce mystérieux processus tient des deux, mais de manière 
        conflictuelle et paradoxale. Impossible de modéliser un tel cheminement, 
        l’important est de décortiquer les situations qui le favorisent. 
        Ainsi une source d’inspiration pertinente en matière d’innovations 
        humaines se trouve dans les inventions de la Nature.  
        Le Vivant peut être privilégié pour la complexité 
        et l’originalité de ses approches. Son environnement n’est 
        jamais permanent, il se modifie sans cesse. Microorganismes, animaux et 
        végétaux n’ont qu’une alternative : inventer 
        ou disparaître ! Toutes sortes de formes, de structures, de matériaux, 
        de mécanismes et d’organisations ont été mis 
        au point. Certains ont même été déclinés 
        sous différentes versions ou variantes pour tenir compte des variations 
        subites du milieu. D’autres ont été optimisés 
        de millions de fois dans des contextes différents. Par chance, 
        nombre d’entre eux ont été conservés ou mémorisés. 
        On peut ainsi collecter quatre milliards d’années d’innovations, 
        testées à l’épreuve d’une dure réalité, 
        celle de la sélection naturelle. 
        Cette démarche a été codifiée ; on l’appelle 
        la Bionique. Cette dénomination fut promue lors d’un congrès 
        qui s’est tenu en 1960 à Dayton, aux Etats-Unis dans l'Etat 
        de l'Ohio, à l'initiative d'un major de l'armée de l'air 
        américaine, Jack Steele. Ce nom provient de la contraction de deux 
        mots biologie et électronique.  
        Depuis, cette "science des systèmes qui ont un fonctionnement 
        copié sur celui des systèmes naturels, ou qui présentent 
        les caractéristiques spécifiques des systèmes naturels" 
        comme l’avait définie ses pères fondateurs s'est diversifiée. 
        A la clef, on lui doit une profusion de productions, notamment en architecture, 
        dans les transports et plus récemment pour les nouveaux matériaux 
        (1). 
        Dans son prolongement, une nouvelle direction de recherche s’est 
        mise en place à Genève au Laboratoire de Didactique et Epistémologie 
        des Sciences : elle se nomme la physionique, de physiologie et électronique. 
        Elle est née des travaux de physiologie des régulations 
        ; elle modélise les mécanismes, les processus, les régulations 
        et les organisations.  
         
        Cette dernière a trouvé aussitôt des applications 
        dans les entreprises. Ses premiers champs d’intérêts 
        concernent les micromécanismes complexes (amélioration des 
        filtres, ordinateurs à neurones, capteurs, etc..) d’une part, 
        l’organisation des “entreprises apprenantes” (optimisation 
        et diversification des réseaux de communication, procédés 
        de fabrication, organisation du travail, processus de décision, 
        etc.) d’autre part. Pour ces dernières, la physionique est 
        devenue une source importante d'inspiration pour la communication et la 
        régulation des organisations complexes. 
         
        Velcro, l'avion de Clément Ader et la Tour Eiffel  
        Quelle relation entre le Velcro, l'avion de Clément Ader et la 
        Tour Eiffel ? Aucune... Pourtant ces trois exemples ont un fort point 
        commun. Chaque fois, le Vivant a largement inspiré leur conception 
        . 
        Le ruban Velcro, de velours et crochet, du nom des matériaux dont 
        il était fabriqué à l'origine a supplanté 
        la fermeture Eclair dans de nombreux assemblages de tissus. Son inventeur, 
        un ingénieur suisse, Georges de Mestral, avait été 
        intrigué dans les années cinquante par l'étrange 
        comportement des fruits secs d'une plante des montagnes, la bardane (Arctium 
        lappa). Ils s'accrochent importunément aux vêtements ou au 
        pelage des animaux et s'y maintiennent aisément. Les en détacher 
        tient du prodige, leur mécanisme reste intact, prêt pour 
        tout nouvel accrochage.  
        Au microscope, il constata que le tégument de la fructification 
        était hérissé de minuscules crochets très 
        recourbés. Par leur disposition aléatoire, ils sont prêts 
        en permanence à agripper n’importe quel tissu. Lorsque l'on 
        tire sur le fruit, les crochets cèdent grâce à leur 
        très grande souplesse. Le mécanisme d'accrochage revient 
        à sa position initiale pour un autre accrochage, sans être 
        abîmé. Cet ingénieur envisagea tout de suite l'intérêt 
        qu'il pouvait tirer d'un tel système. Dans l’habillement 
        ou la décoration, il évitait un ajustage trop précis 
        ; de plus, le phénomène était reproductible à 
        volonté. 
        Eole, l'avion avec lequel Clément Ader réalisa le premier 
        décollage d'un “plus lourd que l'air” imite point par 
        point la voilure d'une chauve-souris. Sa membrane en pongé de soie 
        présente des coutures dont l'orientation reproduit fidèlement 
        les muscles et les tendons du mammifère aérien. Son plan 
        légèrement incliné, avec un bord d'attaque réglable, 
        facilite l’envol et le maintien dans l’air. Ses ailes sont 
        soustendues par un squelette conçu avec un nombre d’éléments 
        quasi identique au nombre d’os.  
        Ader poussa sa copie jusque dans les moindre détails. A l'image 
        des os creux des vertébrés volants, l’armature des 
        ailes était réalisée avec des tuyaux creux faits 
        de faisceaux de bois de pins tels que les luthiers les utilisaient, assemblés 
        selon la méthode des tonneliers. Pour augmenter leur résistance, 
        il les a lardé de chevilles de bois disposées de façon 
        aléatoire, à la manière des trabécules ou 
        piliers osseux. Ader alla jusqu'à replier les ailes de son avion 
        à l'arrêt à la manière des chauves-souris ! 
        La démarche de Clément Ader ne faisait que reprendre une 
        longue tradition. De tous les êtres vivants, l’oiseau fut 
        le modèle qui inspira le plus les hommes. Leur vol les a toujours 
        intrigué. Les précurseurs d’Ader, Félix du 
        Temple, Jean Marie le Bris et l’équipe Massia Biot, avaient 
        déjà imité le vol plané de grands oiseaux, 
        et notamment de l'albatros.  
        Ignaz Etrich (avec Otto Lilienthal), d’autres pionniers des vols 
        planés, prirent modèle sur la graine d'une cucurbitacée, 
        la grande zanonie (Alsomitra macrocarpa). Cette graine des îles 
        du Pacifique a l’étrange particularité de posséder 
        une voilure de 15 centimètres en forme de boomerang. La charge 
        utile, l’embryon lui-même avec ses réserves, est centré 
        vers l'avant. Par jour de vent, ce dispositif lui permet de passer d'îles 
        en îles, même distantes de dizaines de kilomètres ; 
        ses extrémités relevées en “toit de pagode” 
        lui assurent une très bonne stabilité.  
        Lorsque plus tard, son fils Igo Etrich tenta d'équiper ce planeur 
        d’un lourd moteur (40 Chevaux-vapeur), il lui ajouta une queue stabilisatrice. 
        Cette dernière fut réalisée identique à celle 
        du pigeon... C'est ainsi que fut conçu le Taube, ce bel avion d'observation 
        de la première grande guerre. 
        Quant à la célèbre Tour Eiffel, elle n'est pas née 
        de toutes pièces dans la tête d’un architecte. Son 
        esthétique doit beaucoup à un ingénieur, Maurice 
        Koechlin, d’origine suisse lui aussi. Employé par la Maison 
        Eiffel, il eut la rude tâche de calculer la répartition des 
        charges. Celles-ci furent déterminantes pour décider de 
        la forme définitive de l’édifice. Les multiples charpentes 
        furent dessinées et disposées suivant les lignes où 
        devaient s'exercer les principales forces de tension et de compression. 
         
        A l'origine de ce principe, connu aujourd'hui sous le vocable de statique 
        graphique, un professeur d'anatomie de Zurich. Le professeur Hermann von 
        Meyer, spécialiste des structures osseuses, s'était longtemps 
        interrogé sur la structure externe et l'organisation interne, toutes 
        deux surprenantes mais ô combien efficaces, de l'os du fémur. 
         
        En effet, la tête de cet os qui s'articule avec le bassin, se trouve 
        totalement déportée par rapport à l’axe principal. 
        Une observation fine interne permet de repérer de multiples faisceaux 
        de fibres osseuses disposés de façon tout aussi déroutante. 
        Le poids du corps se dispose ainsi totalement en porte à faux. 
        Pourtant l'ensemble reste étonnamment solide.  
        Un professeur de mathématiques de l'Ecole Polytechnique de cette 
        même ville, Karl Culmann (2) montra par le calcul que la répartition 
        de ces multiples faisceaux ne devait rien au hasard. Bien que cette répartition 
        soit aléatoire, les faisceaux étaient exactement orientés 
        de façon à tenir compte des lignes de force s’exerçant 
        dans la matière de l’os.  
        Ce principe fut au départ de nombreuses structures métalliques 
        légères (grue, pont). Depuis, certaines analogies ont été 
        perfectionnées. Certaines grues imitent la colonne vertébrale 
        de l’homme, des ponts copient la structure du bréchet de 
        l’oiseau. Le procédé est encore repris dans la réalisation 
        de dalles en béton armé. 
       
        De surprenantes réalisations 
        Dans l'architecture, les plantes furent également une source d’inspiration 
        privilégiée. Joseph Paxton, un ingénieur autodidacte 
        anglais, étudia la structure d'une feuille flottante de nénuphar 
        (Victoria amazonica). Sur ce modèle, il construisit de nombreuses 
        serres. La consécration de ses études analogiques fut l'immense 
        bâtiment de Crystal Palace, réalisé à l’occasion 
        de l'exposition universelle de Londres de 1851.  
        Aujourd’hui, les coquilles de mollusques, les squelettes d'éponges, 
        les tiges de prêles, les chaumes des graminées et les ramifications 
        des branches des arbres sont imitées dès qu'il s'agit de 
        réaliser des formes légères et élancées. 
        De même, les toiles d'araignées ont conduit à envisager 
        d’impressionnantes structures tendues. La plus célèbre 
        est celle du toit du stade olympique de Munich. Elle fut réalisée 
        en 1972 par un architecte allemand, professeur à l’université 
        de Stuttgart, Frei Otto.  
        Un architecte français, Robert le Ricolais, qui travailla à 
        l’université de Pennsylvanie, préféra prendre 
        comme objet d'étude des protozoaires marins, les radiolaires. Le 
        squelette de ces êtres microscopiques est constitué d’assemblages 
        de fins spicules. Le motif de ces baguettes de silice est à la 
        fois complexe et très régulier. Regroupés par des 
        sortes de “noeuds”, ces spicules constituent des structures 
        tridimensionnelles élégantes et très solides. Elles 
        ont été reprises dans de multiples coupoles géodésiques. 
         
        Sur un autre plan, les transports ont aussi bénéficié 
        des études sur le déplacement animal. En observant avec 
        soin à la fois les morphologies et les anatomies de dauphins, de 
        requins ou d’oiseaux, nombres d’améliorations ont été 
        introduites pour favoriser les déplacements dans l’air ou 
        dans l’eau. Les turbulences ont été limitées, 
        les moyens de propulsion améliorés et la pénétration 
        dans les fluides facilitée. Certaines particularités de 
        la peau de ces animaux ont été reproduites dans le détail 
        pour favoriser l'hydrodynamisme des sous-marins.  
        Actuellement, on construit des mécanismes de robotique identique 
        au fonctionnement des membres des vertébrés ou des invertébrés. 
        A l’université de Carnegie-Mellon aux Etats-Unis, le déplacement 
        sauté des kangourous, la marche hexapode des insectes ou les étirements 
        des vers de terre constituent encore d'excellents modèles pour 
        des mobiles tout-terrain.  
        Enfin, dans le domaine des nouveaux matériaux, de nombreux produits 
        ont été réalisés depuis que les avantages 
        des cellules hexagonales d'abeilles ont été décrites 
        avec soin par l’ethnologue Von Frisch. Ces matériaux "biologiques" 
        sont toujours des agglomérés ou des composites. Ils allient 
        légèreté, souplesse, plasticité et bonne résistance 
        mécanique. Actuellement, les enveloppes des grains de pollen ou 
        les pattes en forme de massue des odontodactyles (arthropodes marins) 
        sont particulièrement étudiées en Allemagne, aux 
        Etats-Unis, respectivement pour leur résistance aux intempéries 
        ou aux chocs...  
        
        De la bionique à la physionique (2) 
         
        La démarche de “copier la nature” est encore envisagée 
        dans l’industrie. Pourtant c’est une approche classique ; 
        on la rencontre déjà dans la plus lointaine Antiquité. 
        Même si elle reste un mythe, la légende d'Icare pourrait 
        en être une balbutiante préfiguration. Les ingénieurs 
        de la Renaissance en feront également un usage abondant. Léonard 
        de Vinci la popularisa au travers de ses multiples projets de machines 
        volantes. 
        Une nouvelle direction prend corps actuellement sous le vocable de physionique. 
        Elle dépasse la simple imitation des formes ou encore la simple 
        analogie des structures et des matériaux. Elle étudie systématiquement 
        les structures complexes (3). En particulier, les processus qui produisent 
        les organisations (comme les régulations) ou qui les font évoluer 
        (comme les espaces de changements) sont décortiqués et resitués 
        par rapport aux systèmes envisagés (cellule, organe, individu, 
        société, écosystème,..). Les procédures 
        intimes et les mécanismes qui les soustendent (y compris au niveau 
        cellulaire et infracellulaire) sont privilégiés ; leurs 
        significations et leurs contextes mis en perspectives.  
        Le projet majeur est de comprendre les interactions fécondes entre 
        les unités de niveaux dits “inférieurs” et d’envisager 
        comment l’unité globale -une société ou une 
        entreprise- agit en retour sur les composants plus simples. 
        Au point de départ de cette nouvelle approche, non plus la morphologie 
        ou l’anatomie comparée mais une autre branche de la biologie, 
        la physiologie, et plus précisément la physiologie des régulations. 
         
         
         
        Interagir et réguler  
        Qu’apporte la physionique en matière d’organisation 
        ? Contrairement à une idée répandue, tout système, 
        quelque soit son niveau, a tendance à s'organiser spontanément. 
        L'autoorganisation est un processus inhérent à la matière, 
        qu'elle soit inerte, vivante ou humaine. Cependant, un système 
        ne parvient à un niveau d’organisation plus élaboré 
        que si certaines conditions très strictes sont remplies. Sur ce 
        plan, la démarche physionique est pertinente ; elle permet de dessiner 
        un réseau de paramètres indispensables pour structurer ou 
        optimiser une organisation.  
        La première condition pour qu’un ensemble -une société 
        ou une entreprise- puisse s’organiser est que les éléments 
        qui le composent aient la possibilité d'interagir. Il faut noter 
        ici l'importance des échanges multiples d'informations entre les 
        éléments - les individus ou les employés-, les lieux 
        - les services- ou encore les réseaux d’interactions. Ces 
        échanges ont besoin d’être facilités ; des catalyseurs 
        doivent être capables de les favoriser. D’autant plus que 
        tous ont besoin d'être réactivés constamment.  
        Par ailleurs, ces interactions sont facilitées si chaque élément 
        possède un grand nombre de possibles (tous d’ailleurs n’étant 
        pas utilisés en permanence mais en fonction des besoins de l’organisation) 
        et s’il y trouve un sens (ou un avantage). Sur chacun de ces plans, 
        le vivant propose un ensemble d’idées possible pour favoriser 
        les interactions ou la communication.  
        Dans une organisation de type vivant, chacune des innombrables structures 
        (de base) est totalement autonome. Une simple cellule de notre corps fabrique 
        sa propre énergie et pratiquement tous ses constituants indispensables 
        à son propre fonctionnement ; elle réalise ses activités 
        à son rythme et à partir de son économie individuelle. 
        Chaque cellule possède dans son noyau toute la mémoire génétique 
        de l’individu. Pourtant, l’organisme n’est jamais réductible 
        à une juxtaposition de cellules.  
        Tout y est profondément coordonné ; l’intégration 
        est si bien faite que l’individu apparaît comme un tout. Pour 
        cela, chaque élément résout les contradictions qui 
        incombent à son niveau. Il agit de façon la plus adéquate 
        à partir des éléments à sa disposition. Cependant, 
        chaque partie n’est jamais embusquée dans son propre territoire 
        ; ces dernières n’utilisent par exemple qu’une infime 
        partie de leurs potentialités génétiques.  
        L’organisme reste cohérent parce que chaque partie est concernée 
        par le devenir de l’ensemble. Toutes les cellules sans exception 
        confrontent leurs activités, éventuellement se suppléent 
        quand l’organisme est en difficulté ou quand les conditions 
        l’exigent.  
        Tout communique ainsi avec tout (4), mais pas n’importe comment. 
        Le réseau d’informations du vivant est toujours multiple. 
        Le système le plus usité, le système hormonal, est 
        un système de type postal. Des molécules porteuses d’informations 
        se déplacent. Ce sont des sortes de “cartes postales” 
        à trois dimensions. Un inconvénient bien sûr, cette 
        communication est peu précise et plutôt lente. Un deuxième 
        système, de type télégraphique cette fois, le système 
        nerveux, y supplée. Des cellules spécialisées, livrent 
        directement et rapidement le message à une cellule spécifique, 
        celle sélectionnée pour son efficacité dans l’action 
        à mener.  
        Chaque réseau de communication a des avantages et des limites. 
        Le vivant ne cherche pas à les mettre stérilement en opposition 
        pour perfectionner un système idéal. Il valorise les possibilités 
        de chaque méthode et jongle entre les deux. Il envoie par exemple 
        un message nerveux relayé au niveau local par un messager chimique. 
        L’information est rapide, elle cible une zone spécifique, 
        un tissus par exemple. Ensuite la diffusion est large. Autre possible, 
        face à un danger immédiat, l’organisme réagit 
        brutalement par un message nerveux, puis il entretient la réponse 
        sur la durée par des messages hormonaux. Etc.. D’autant plus 
        que l’organisme ne craint pas les redondances. Il n’a pas 
        peur de se répéter. On rencontre des doublons, voire même 
        des triplons, tant au niveau de la transmission qu’à celui 
        de la détection.  
        Autre caractéristique essentielle, cette communication n’est 
        pas forcément hiérarchique, elle est avant tout ascendante. 
        En priorité, elle est surtout transversale, puisque elle se pratique 
        inter-tissus ou inter-organes. Cette libre circulation de l’information 
        qui a une très grande place en période de fonctionnement 
        normal, devient stratégique en période de croissance ou 
        de développement. 
         
         
        Un maître-mot : la régulation 
        Il faut signaler ici l’importance et la multiplicité des 
        mécanismes de régulation; ces diverses régulations 
        sont d’ailleurs ce qui caractérise le mieux une organisation 
        vivante. Cette adaptation homéostatique se déroule en permanence 
        et en temps réel. Leur pertinence augmente à mesure que 
        le système se complexifie, avec des régulations de proximité 
        ou à plusieurs niveaux, à effets positif ou négatif. 
         
        Dans les organisations très élaborées émergent 
        des régulations avec des messages différenciés (électrique, 
        chimique), des récepteurs spécialisés, des réseaux 
        d’autocontrôle régulés à leur tour et 
        des mémorisations (court et long terme). Cette mise en mémoire 
        peut tenir lieu de facteur limitant ou facilitant. Elle interfère 
        fortement avec les contingences ou l’environnement.  
        Enfin, d’autres paramètres plus paradoxaux sont également 
        porteurs. Dans une organisation vivante, on observe simultanément 
        une stratégie de redondances en information, une subsidiarité 
        des décisions, une gestion sur un mode contradictoire, une pertinence 
        des antagonismes régulés, une prépondérance 
        de l’hétérogène, une multiplicité des 
        registres de fonctionnement, une mémorisation de l’histoire 
        de l’organisation, un pilotage en temps réel et un soutien 
        “hiérarchique”, etc... Tous ces aspects nous interpellent 
        fortement ; ils nous conduisent à revoir nos cadres de référence 
        et nos modèles de pensée habituels en matière d’organisations 
        humaines.  
        Le succès des organisations vivantes apparaît moins lié 
        à une planification rigoureuse ou à l’emploi d’outils 
        sophistiqués qu’à une flexibilité de réactions, 
        à l’autonomie de ses parties, à une gestion des opportunités 
        et à la qualité de ses systèmes d’information 
        et de régulation. Sans entrer dans le détail, précisons 
        à la suite quelques aspects surprenants. 
        En fait, une organisation vivante ne se conforme jamais au principe de 
        “commande rigide”. Pour maintenir son équilibre, l’organisme 
        n’a pas de solution préalable toute faite. Il n’a même 
        pas de solution du tout. Il possède seulement un registre de fonctionnement 
        pour faire face au mieux aux multiples problèmes dus aux modifications 
        permanentes de l’environnement et aux conséquences induites 
        par l’évolution d’un paramètre sur les autres. 
        Son seul critère de sélection : s’attaquer en premier 
        aux plus pernicieux, ceux qui dégradent irrémédiablement 
        son économie générale.  
        En somme, le vivant pratique, ce qu’on nomme parfois par dérision, 
        le “pilotage à vue”. Il y excelle à tel point 
        qu’il a élaboré des structures et des règles 
        du jeu “intelligentes”. Elles garantissent à la fois 
        sa flexibilité, sa rapidité de réaction et d’adaptation, 
        aux changements de l’environnement. Pour que le système opère 
        correctement, il reste en éveil en permanence et une coordination 
        s’établit entre les parties et les sous-parties. Ce qui n’exclut 
        pas les conflits d’intérêts (5). Toutefois ceux-ci 
        sont pris en compte et gérés par les systèmes de 
        régulations. A leur tour, ceux-ci sont régulés par 
        d’autres réseaux. Et pour parfaire le tout, l’organisme 
        garde en mémoire, une trace de ses expériences passées 
        et les réinjecte en priorité dans ses choix. L’organisation 
        vivante apprend, elle transforme continuellement ses processus pour atteindre 
        ses objectifs.  
        Autant d’éléments dont on peut tenir compte pour penser 
        nos organisations humaines. 
       
      
        
           
            
              La 
                complexité du vivant 
              Les systèmes 
                du vivant (écosystèmes, individus, systèmes 
                fonctionnels, cellules, organites) sont les organisations les 
                plus élaborées pour lesquelles nous commençons 
                à maîtriser les principaux paramètres, ainsi 
                que quelques-unes de leurs interactions... Par exemple, l’organisme 
                humain ne possède pas moins de soixante mille milliards 
                d’unités de base, les cellules. Sa pertinence nous 
                fait entrevoir autrement le fonctionnement d’une organisation. 
                 
                Pour gérer un seul de ses nutriments, l’eau, le corps 
                entretient 5 milliards de capillaires, 160 millions d’artérioles 
                et 500 millions de veinules. Les capillaires, à eux seuls, 
                ont une surface d’échange de 300 mètres carré 
                (la surface d’un terrain de basket-ball).  
                Au delà de cette complexité apparente, son identité 
                en tant qu’organisation repose d’abord sur la spécificité 
                des interactions entre tous ses éléments et sur 
                les multiples régulations mises en place pour la perpétuer 
                ou la reproduire. Chaque cellule forme également un système 
                hypercomplexe présentant des raffinements inouïs. 
                 
                Une simple cellule intestinale de quelques microns peut comporter 
                jusqu’à 30 000 microvillosités pour faciliter 
                l’absorption des nutriments. Une cellule nerveuse peut développer 
                12 000 prolongements pour communiquer avec un nombre équivalents 
                d’autres cellules.  
                Une simple cellule d’un centième de millimètre 
                peut contenir des centaines de mitochondries (1 000 à 2 
                000 dans les cellules hépatiques), lieux d’intenses 
                activités énergétiques ou encore des dizaines 
                de milliers de ribosomes qui synthétisent des milliers 
                de protéines différentes.  
                Des procédés très stricts sont nécessaires, 
                des centaines de milliers de réactions chimiques très 
                conflictuelles s’y déroulent à la seconde 
                dans des milliers d’organites. Des millions de bits d’informations 
                sont décodés simultanément sur les membranes 
                par des récepteurs, d’autres en quantité similaire 
                circulent en son sein grâce à des cohortes de messagers 
                ou sont stockées dans son noyau.  
                Malgré des intérêts extrêmement divergents, 
                toutes les cellules et tous les organites, sans exception et sans 
                discontinuité, se coordonnent les uns en fonction des autres... 
                A chaque nouveau niveau de complexité, une organisation 
                nouvelle avec des propriétés spécifiques 
                et imprévisibles émerge, ensuite se maintient, éventuellement 
                prospère et se reproduit à l’identique. Pour 
                réaliser de tels prodiges le vivant a mis en place des 
                organisation et des systèmes de fonctionnement très 
                perfectionnés dont on peut s’inspirer. 
                 
              | 
         
       
      
        
        De la bionique à la physionique (3) 
      "Notre 
        époque manque de pensée" entend-t-on dire parfois quand 
        l’on aborde les questions des organisations politique ou sociale. 
        Il est vrai que toutes nos grandes institutions, l'école, l'armée, 
        la police, la santé, la justice sont en décalage complet. 
        Les entreprises ne sont pas mieux loties; le contexte dans lequel elles 
        luttent pour survivre et prospérer s’est beaucoup modifié. 
        Le rythme des conversions n’est pas prêt de décroître, 
        la hiérarchie apparaît décalée et trop rigide, 
        la prise en compte de l’environnement trop limité. Quant 
        aux politiques, ils ont de grandes difficultés à accompagner 
        les changements dus à l'évolution technologique et sociale. 
        Face aux transformations rendues nécessaire par l'évolution 
        rapide de la société, ils apparaissent complètement 
        sourds, muets et impuissants...  
        En fait, tous nous manquons d'idées neuves pour affronter les enjeux 
        actuels. Nous vivons plus une crise de sens qu'une crise économique. 
        Nous continuons à pratiquer un mode de pensée qui avait 
        fait ses preuves quand il s'agissait de gérer des situations simples 
        et régulières dans un monde qui évoluait peu. Actuellement, 
        nos cadres de références, nos façons de raisonner 
        n'apparaissent plus adaptés, voire obsolètes. Nous restons 
        prisonnier d’habitudes, d’évidences et de tabous dépassés. 
        Nous faisons fonctionner toujours les mêmes paradigmes ; ceux qui 
        ont été forgés à la Renaissance et enrichis 
        au siècle des Lumières grâce à l’apport 
        de la mécanique newtonienne. 
        Or l’honnête homme du XVIII ème siècle vivait 
        dans un contexte stable et limité. Actuellement tout est en changement 
        permanent. Dans les seuls cinq ans à venir, nous devrons affronter 
        la mise en place des machines à communiquer, des multimédias, 
        des autoroutes de l'information, de la domotique et de bien d'autres choses 
        encore... 
        Dans le même temps, l’individu n’est plus isolé 
        dans son village, il vit à l’échelle d’un continent, 
        et même de la planète. Le fonctionnement des macro-systèmes 
        humains que sont une grande ville, une nation moderne, une entreprise 
        multinationale ou une institution intergouvernementale est devenu hypercomplexe. 
        On ne peut plus isoler l'économique, l'éthique, le social, 
        le droit, l’institutionnel et l'international... Autant de savoirs 
        dont le commun des mortels n’a reçu aucune formation. Quant 
        à les envisager en synergie !.. De plus, les décideurs, 
        mais également les citoyens, doivent prendre en permanence des 
        décisions sur des situations dont ils ne maîtrisent pas toutes 
        les données ou dans lesquelles certains éléments 
        restent fluctuants. Dans le même temps ils doivent affronter de 
        l'aléatoire, du contradictoire, du paradoxal. En matière 
        d'habitation par exemple, il nous faut concilier le droit à la 
        propriété avec le droit au logement, deux valeurs contradictoires 
        inscrites dans la Constitution. En matière d’économie 
        familiale, le choix d’un simple appareil électroménager 
        met en opposition la recherche du meilleur prix avec l’emploi (et 
        plus particulièrement l’emploi local ou national), les effets 
        de mode, le produit national brut, les retombées sur le tiers-Monde, 
        les influences sur la biosphère, etc.. 
         
        Dépasser le sentiment d’impuissance 
        Partant de ces constats, comment repenser nos organisations pour la société 
        à venir ? Comment dépasser ce sentiment d'impuissance qui 
        fait que personne n'ose plus rien proposer ? Et cela d'autant plus que 
        les Sciences Humaines pour l'ensemble ont démissionné de 
        ce projet. La sociologie, la philosophie, l'économie ne sont plus 
        à la hauteur des grands enjeux de société. Il y a 
        deux décennies, on attendait de ces disciplines qu'elles nous aident 
        à comprendre la société et à produire du nouveau. 
        Aujourd'hui, sauf quelques rares exceptions, les Sciences Humaines ont 
        perdu de leur vitalité. Elles fonctionnent en interne ; elles sont 
        devenues autoréférentielles pour l'essentiel. Leurs modèles 
        explicatifs sont principalement normatifs, ils ne répondent plus 
        aux exigences de notre époque ou aux attentes de la population. 
        Ces approches posent des questions pointues de spécialistes, pour 
        des spécialistes, à des fins institutionnelles, au travers 
        de paradigmes qui n’évoluent plus ou si peu.  
        Bien sûr, l'invention en matière de société 
        n'est jamais ni évidente, ni immédiate. L'innovation ne 
        peut se régler en terme d’"il y a qu'à". 
        Une organisation sociale est une émergence d'ordre n constituée 
        d’éléments déjà complexes en eux-mêmes. 
        Elle intègre un système de paramètres en interaction. 
        Tout changement nécessite un processus ; le tout devant être 
        coordonné dans le temps et à plusieurs niveaux.  
        En attendant qu'une nouvelle approche spécifique ne soit disponible, 
        pourquoi ne pas tenter déjà de comprendre comment fonctionnent 
        les émergences un peu moins complexes, à savoir les organisations 
        du Vivant. Le Vivant a une très grande expérience en matière 
        d'organisation. Il en a produit des centaines de milliards, toutes présentent 
        des niveaux de complexité multiples. L'analyse de son expérience 
        est très précieuse et plutôt décapante. Cette 
        démarche que nous développons depuis 1987 sous le vocable 
        de physionique (6) ne fournit pas de solutions toutes prêtes, 
        toutefois elle a le mérite nous faire sortir de nos évidences 
        et de nos sentiers battus. Elle devient une source importante d'inspiration 
        pour la maîtrise des organisations complexes comme une entreprise 
        ou une institution. D’ailleurs, elle obtient un accueil très 
        favorable ; les milieux économiques, manageriaux et décisionnels 
        innovants s’y intéressent tout particulièrement. 
        Attention, ne vous méprenez cependant pas sur cette proposition, 
        il n’est pas question de défendre quelques prétentions 
        issues de la sociobiologie, chère à Edward Wilson et au 
        Club de l’Horloge en France, bien au contraire. Aucune homologie 
        n’existe entre le social et le biologique. Les comportements sociaux 
        ne s’expliquent jamais par des déterministes biologiques. 
        Même, si elles comportent une composante biologique indéniable, 
        les sociétés humaines ne reposent jamais sur des déterminismes 
        de ce type. Elles émargent à un niveau d’interactions 
        supérieur où rien n’est similaire. De nouveaux principes, 
        champs de forces, lois et organigrammes ont émergé avec 
        la mise en place des sociétés, et leurs histoires les ont 
        faites bifurquer.  
        Pour la physionique, le Vivant est seulement un “précurseur” 
        de l’organisé. Certes, il a mis du temps pour prospérer. 
        Mais ses structures, ses processus sont très performants sur le 
        plan de l’organisation. Certains vont jusqu’à produire 
        des émergences du même ordre que celle qu’on trouve 
        dans la Culture avec l’apparition du sens. Sa réussite dans 
        des environnements très difficiles est un bel exemple à 
        méditer,... du moins à modéliser.  
        En effet, la démarche proposée est à la fois analogique 
        et modélisante. Elle tente de prospecter en quoi “le tout 
        devient beaucoup plus que la somme” de ses parties. L’hypothèse 
        en action est similaire à celle qui préside à nombre 
        de domaines scientifiques. Devant une complexité, on l’étudie 
        en travaillant sur un modèle censé plus simple. Dans nos 
        premiers travaux, la régulation du poisson rouge fut un des modèles 
        pour comprendre le fonctionnement du rein (notamment l’influence 
        de la vasopressine), les globules rouges ou la branchie de truite devint 
        un modèle pour élucider les flux d’ions à travers 
        les membranes. Aujourd’hui, certaines souches de souris ou de macaques 
        sont des modèles pour affiner les défenses immunitaires 
        liées au SIDA ou à d’autres maladies. Avec la physionique, 
        un écosystème, un individu, un système intra-individu, 
        un organe, une cellule ou un organite devient un modèle scientifique 
        pour border les questions d’organisation (7). 
         
        Penser le changement 
        Ainsi nos sociétés ont beaucoup de difficultés à 
        penser une adaptation aux changements. Elles ont tendances à se 
        figer ou à s’enfermer. Le vivant montre d’autres pistes. 
        En effet malgré une concertation interne perfectionnée (8), 
        un organisme vivant reste perpétuellement ouvert sur l’extérieur. 
        Ses principales régulations sont d’ailleurs dictées 
        par l’environnement. Par expérience, le vivant a “enregistré” 
        qu’il n’a pas de prise sur lui, ou si peu. Or cet extérieur, 
        déjà hostile en lui-même, est en constante transformation 
        : variations de température, de pH, de concentration, de composition 
        de l’air et d’humidité, modifications de nourriture, 
        agressions diverses, etc..  
        Pour cette écoute entretenue, d’innombrables organes dits 
        “des sens” ont été spécialisés. 
        Leur mission est de rechercher en continu tout indicateur susceptible 
        d’éclairer l’organisme. Toutes les modifications extérieures, 
        du moins celles qui peuvent avoir des conséquences néfastes 
        sont repérées en priorité. Pas question de crouler 
        sous les données, ces informations sont filtrées, traitées 
        et regroupées. Elles sont ensuite croisées et comparées 
        à des informations déjà mémorisées. 
        Aucune décision n’est imposée du haut. Certes, on 
        peut “hiérarchiser” des zones de coordination, avec 
        au sommet celles du cerveau, et en son sein le cortex pour les vertébrés 
        supérieurs. Mais ces structures n’ont pas de pouvoir de décision 
        en soi. Ces centres sont sous la dépendance en continu des autres 
        organes et de l’environnement. Leurs choix ne sont jamais a priori. 
        Ils sont sous contrôle des informations reçues et des possibles 
        mémorisés. Le maillage et l’intégration des 
        données apparaissent au centre du dispositif (9). 
        Dans les organisations vivantes, la hiérarchie, point faible de 
        toute organisation, est ainsi reformulée. D’abord il en existe 
        fort peu, tout au plus peut-on observer trois niveaux de coordination. 
        Ensuite ses fonctions sont autres ; la direction apparaît surtout 
        comme un lieu de consensus et d’intégration 
        (10). Sa principale préoccupation est la gestion des conflits et 
        des contradictions, à commencer par ceux qui pourraient rompre 
        le délicat optimum de fonctionnement de l’organisation. Le 
        reste du temps, tout est réglé au plus près du problème, 
        sans aucune intervention des centres dit “supérieurs”. 
         
        Par ailleurs, ces centres ont pour tâche essentielle de concerner, 
        mieux ils anticipent en tenant compte de l’histoire de l’organisation 
        et de ses interactions préalables avec l’environnement. Dès 
        qu’un choix est décidé, ils font partager à 
        l’ensemble des composants le parti pris choisis, grâce aux 
        multiples systèmes d’information... 
        
       Processus 
        d’ensemble d’une démarche physionique en entreprise 
         
      Une 
        civilisation à modèle d'équilibre  
        Nous passons d'une civilisation avec un ordre préétabli 
        à une civilisation à modèle d'équilibre ; 
        rien ne peut plus être prévu avec certitude. Sur ce plan 
        encore, les organisations vivantes peuvent nous montrer la voie. En leur 
        sein, rien n’est prévisible, tout peut arriver. Seul est 
        mémorisé un optimum de fonctionnement. Et encore, cette 
        marge est-elle différente pour chaque espèce, chaque organisme, 
        et chacun de ces composants. Chaque partie a sa spécificité, 
        ses intérêts propres ; rien n’est homogène. 
        Le vivant gère l’antagonisme et l’imprévu ; 
        il ne fait même que cela : il tolère le désordre. 
        Les molécules qui passent à travers une membrane ne sont 
        jamais contrôlées de façon individuelle. Comment le 
        pourrait-il ? Elles peuvent la traverser comme bon leur semble, plusieurs 
        fois et en tous sens. Ce qui importe, c’est que globalement des 
        optimums propres au développement de l’organisation soient 
        conservés.  
        Le vivant régule même le désordre. Les êtres 
        vivants profitent du désordre tant redouté dans les sociétés 
        pour évoluer. L’évolution biologique repose sur une 
        gestion savante du chaos. Du désordre pour enrichir l’ordre. 
        Comment “l’individualisme” de chaque cellule, de chaque 
        organe, de chaque individu concourt-il à la chose commune ? Nous 
        n’en sommes qu’aux balbutiements. Notre société 
        et nos entreprises devraient y consacrer un peu d’énergie 
        et sans doute quelques ressources...  
      Pour 
        en savoir plus :  
        André Giordan, Comme un poisson rouge dans l’homme, 
        Payot éditeur, 1995. 
        André Giordan, Voici venue l’ère de la physionique, 
        La Recherche, 80, 1996. 
        
      (1) 
        Pour nombre d'inventions, l'analogie ne fut pas établie tout de 
        suite. Ce n’est qu’a posteriori que l’on prit conscience 
        de l’imitation ! Le papier était déjà fabriqué 
        par des guêpes depuis au moins trente millions d’années, 
        avant que les chinois ne le redécouvrent. Le gyritron, cet appareil 
        qui facilite la navigation aérienne, ne fait qu'imiter le rôle 
        des balanciers, cette deuxième paire d'ailes atrophiées 
        des diptères (mouches ou moustiques). Ce fut encore le cas du vol 
        à réaction, utilisé depuis l’ère primaire 
        par les mollusques, ou du sonar des baleines. Chaque fois, l'inventeur 
        ne fit qu'enfoncer une porte ouverte ! La mise en parallèle des 
        deux systèmes n'est cependant pas sans intérêt, elle 
        peut permettre d'enrichir les mécanismes.  
        (2) Maurice Koechlin avait eu comme professeur à l'Ecole polytechnique 
        Karl Culmann... 
        (3) 
        Actuellement, l’analyse réductionniste de type physico-chimique 
        seule apparaît dépassée comme démarche d’investigation. 
        Celle-ci doit être resituée constamment. La prise en compte 
        des émergences dans une perspective transversale et systémique 
        qui intègre l’apport des multiples disciplines scientifiques 
        devient complémentaire. 
        (4) La plus petite cellule musculaire située dans la deuxième 
        articulation de l’un des orteils droits reçoit et émet 
        des informations vers l’ensemble du corps. 
        (5) Les antagonismes, les concurrences entre les organes ou les cellules 
        pour la distribution des nutriments ou de l’oxygène sont 
        “féroces”. Pourtant ces antagonismes sont porteurs 
        pour l’être vivants parce que régulés ! La position 
        debout, tous les mouvements, la voix, ou encore le maintien d’une 
        température constante, etc., ne sont possibles que par eux. 
        (6) Voir Le Courrier du... 
        (7) Par chance, le Vivant a mémorisé cette somme d’expériences 
        réussies. Il peut nous offrir une véritable banque de données 
        sur l’organisation. Trois milliards d’années d’essais 
        et d’erreurs pour tenter de survivre dans un milieu peu propice, 
        un vrai corpus soumis continuellement au crible de l’optimisation 
        à long terme. Pourquoi ne pas l’intégrer à 
        notre culture ?  
        (8) Voir Le Courrier du... 
        (9) L’étude du vivant nous fournit des inventions sur les 
        capacités à communiquer, l’art de l’enchaînement 
        rapide des diverses phases de régulation, l’évaluation 
        immédiate des situations avec remédiation (perméabilité 
        des fonctions et rigueur des procédures). Par là il nous 
        renseigne sur l’attitude pragmatique face à l’inattendu, 
        rendant aisé si nécessaire le court-circuit de certaines 
        procédures. Dès qu’un problème est pressenti, 
        un ou plusieurs dispositifs d’alerte et plusieurs mécanismes 
        de réactions sont mis en branle. Le stratégique et l’opérationnel 
        ne peuvent être disjoints, ils sont répartis entre le cortex, 
        l’hypothalamus et le diencéphale dans le cerveau. Les décisions 
        principales sont prises en concertation étroite. Rien n’est 
        figé d’avance.  
        (10) Cette organisation originale conjugue tout à la fois une importante 
        capacité à communiquer, un art de l’enchaînement 
        rapide des diverses régulations, une évaluation immédiate 
        de la situation avec remédiation, une réelle perméabilité 
        des fonctions et une très grande rigueur des procédures. 
        Leur mise à plat fournit de nombreuses idées pour le management 
        d’entreprise (voir chapitre 11, André Giordan, Comme un poisson 
        rouge dans l’homme, Payot éditeur, 1995). 
       
         
          
       
           
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