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De
la bionique à la physionique (1)
En
matière d’innovation ou d’invention, il n’y a
pas de voie royale ! On véhicule beaucoup d’idées
fausses. D’un côté, on survalorise l’Eurêka
; or l’illumination subite est toujours masquante. Elle devient
exceptionnelle dans les processus actuels de conception. De l’autre,
on pense que l’invention est le fruit d’un long raisonnement
ou le résultat d’une brillante déduction.
En fait, ce mystérieux processus tient des deux, mais de manière
conflictuelle et paradoxale. Impossible de modéliser un tel cheminement,
l’important est de décortiquer les situations qui le favorisent.
Ainsi une source d’inspiration pertinente en matière d’innovations
humaines se trouve dans les inventions de la Nature.
Le Vivant peut être privilégié pour la complexité
et l’originalité de ses approches. Son environnement n’est
jamais permanent, il se modifie sans cesse. Microorganismes, animaux et
végétaux n’ont qu’une alternative : inventer
ou disparaître ! Toutes sortes de formes, de structures, de matériaux,
de mécanismes et d’organisations ont été mis
au point. Certains ont même été déclinés
sous différentes versions ou variantes pour tenir compte des variations
subites du milieu. D’autres ont été optimisés
de millions de fois dans des contextes différents. Par chance,
nombre d’entre eux ont été conservés ou mémorisés.
On peut ainsi collecter quatre milliards d’années d’innovations,
testées à l’épreuve d’une dure réalité,
celle de la sélection naturelle.
Cette démarche a été codifiée ; on l’appelle
la Bionique. Cette dénomination fut promue lors d’un congrès
qui s’est tenu en 1960 à Dayton, aux Etats-Unis dans l'Etat
de l'Ohio, à l'initiative d'un major de l'armée de l'air
américaine, Jack Steele. Ce nom provient de la contraction de deux
mots biologie et électronique.
Depuis, cette "science des systèmes qui ont un fonctionnement
copié sur celui des systèmes naturels, ou qui présentent
les caractéristiques spécifiques des systèmes naturels"
comme l’avait définie ses pères fondateurs s'est diversifiée.
A la clef, on lui doit une profusion de productions, notamment en architecture,
dans les transports et plus récemment pour les nouveaux matériaux
(1).
Dans son prolongement, une nouvelle direction de recherche s’est
mise en place à Genève au Laboratoire de Didactique et Epistémologie
des Sciences : elle se nomme la physionique, de physiologie et électronique.
Elle est née des travaux de physiologie des régulations
; elle modélise les mécanismes, les processus, les régulations
et les organisations.
Cette dernière a trouvé aussitôt des applications
dans les entreprises. Ses premiers champs d’intérêts
concernent les micromécanismes complexes (amélioration des
filtres, ordinateurs à neurones, capteurs, etc..) d’une part,
l’organisation des “entreprises apprenantes” (optimisation
et diversification des réseaux de communication, procédés
de fabrication, organisation du travail, processus de décision,
etc.) d’autre part. Pour ces dernières, la physionique est
devenue une source importante d'inspiration pour la communication et la
régulation des organisations complexes.
Velcro, l'avion de Clément Ader et la Tour Eiffel
Quelle relation entre le Velcro, l'avion de Clément Ader et la
Tour Eiffel ? Aucune... Pourtant ces trois exemples ont un fort point
commun. Chaque fois, le Vivant a largement inspiré leur conception
.
Le ruban Velcro, de velours et crochet, du nom des matériaux dont
il était fabriqué à l'origine a supplanté
la fermeture Eclair dans de nombreux assemblages de tissus. Son inventeur,
un ingénieur suisse, Georges de Mestral, avait été
intrigué dans les années cinquante par l'étrange
comportement des fruits secs d'une plante des montagnes, la bardane (Arctium
lappa). Ils s'accrochent importunément aux vêtements ou au
pelage des animaux et s'y maintiennent aisément. Les en détacher
tient du prodige, leur mécanisme reste intact, prêt pour
tout nouvel accrochage.
Au microscope, il constata que le tégument de la fructification
était hérissé de minuscules crochets très
recourbés. Par leur disposition aléatoire, ils sont prêts
en permanence à agripper n’importe quel tissu. Lorsque l'on
tire sur le fruit, les crochets cèdent grâce à leur
très grande souplesse. Le mécanisme d'accrochage revient
à sa position initiale pour un autre accrochage, sans être
abîmé. Cet ingénieur envisagea tout de suite l'intérêt
qu'il pouvait tirer d'un tel système. Dans l’habillement
ou la décoration, il évitait un ajustage trop précis
; de plus, le phénomène était reproductible à
volonté.
Eole, l'avion avec lequel Clément Ader réalisa le premier
décollage d'un “plus lourd que l'air” imite point par
point la voilure d'une chauve-souris. Sa membrane en pongé de soie
présente des coutures dont l'orientation reproduit fidèlement
les muscles et les tendons du mammifère aérien. Son plan
légèrement incliné, avec un bord d'attaque réglable,
facilite l’envol et le maintien dans l’air. Ses ailes sont
soustendues par un squelette conçu avec un nombre d’éléments
quasi identique au nombre d’os.
Ader poussa sa copie jusque dans les moindre détails. A l'image
des os creux des vertébrés volants, l’armature des
ailes était réalisée avec des tuyaux creux faits
de faisceaux de bois de pins tels que les luthiers les utilisaient, assemblés
selon la méthode des tonneliers. Pour augmenter leur résistance,
il les a lardé de chevilles de bois disposées de façon
aléatoire, à la manière des trabécules ou
piliers osseux. Ader alla jusqu'à replier les ailes de son avion
à l'arrêt à la manière des chauves-souris !
La démarche de Clément Ader ne faisait que reprendre une
longue tradition. De tous les êtres vivants, l’oiseau fut
le modèle qui inspira le plus les hommes. Leur vol les a toujours
intrigué. Les précurseurs d’Ader, Félix du
Temple, Jean Marie le Bris et l’équipe Massia Biot, avaient
déjà imité le vol plané de grands oiseaux,
et notamment de l'albatros.
Ignaz Etrich (avec Otto Lilienthal), d’autres pionniers des vols
planés, prirent modèle sur la graine d'une cucurbitacée,
la grande zanonie (Alsomitra macrocarpa). Cette graine des îles
du Pacifique a l’étrange particularité de posséder
une voilure de 15 centimètres en forme de boomerang. La charge
utile, l’embryon lui-même avec ses réserves, est centré
vers l'avant. Par jour de vent, ce dispositif lui permet de passer d'îles
en îles, même distantes de dizaines de kilomètres ;
ses extrémités relevées en “toit de pagode”
lui assurent une très bonne stabilité.
Lorsque plus tard, son fils Igo Etrich tenta d'équiper ce planeur
d’un lourd moteur (40 Chevaux-vapeur), il lui ajouta une queue stabilisatrice.
Cette dernière fut réalisée identique à celle
du pigeon... C'est ainsi que fut conçu le Taube, ce bel avion d'observation
de la première grande guerre.
Quant à la célèbre Tour Eiffel, elle n'est pas née
de toutes pièces dans la tête d’un architecte. Son
esthétique doit beaucoup à un ingénieur, Maurice
Koechlin, d’origine suisse lui aussi. Employé par la Maison
Eiffel, il eut la rude tâche de calculer la répartition des
charges. Celles-ci furent déterminantes pour décider de
la forme définitive de l’édifice. Les multiples charpentes
furent dessinées et disposées suivant les lignes où
devaient s'exercer les principales forces de tension et de compression.
A l'origine de ce principe, connu aujourd'hui sous le vocable de statique
graphique, un professeur d'anatomie de Zurich. Le professeur Hermann von
Meyer, spécialiste des structures osseuses, s'était longtemps
interrogé sur la structure externe et l'organisation interne, toutes
deux surprenantes mais ô combien efficaces, de l'os du fémur.
En effet, la tête de cet os qui s'articule avec le bassin, se trouve
totalement déportée par rapport à l’axe principal.
Une observation fine interne permet de repérer de multiples faisceaux
de fibres osseuses disposés de façon tout aussi déroutante.
Le poids du corps se dispose ainsi totalement en porte à faux.
Pourtant l'ensemble reste étonnamment solide.
Un professeur de mathématiques de l'Ecole Polytechnique de cette
même ville, Karl Culmann (2) montra par le calcul que la répartition
de ces multiples faisceaux ne devait rien au hasard. Bien que cette répartition
soit aléatoire, les faisceaux étaient exactement orientés
de façon à tenir compte des lignes de force s’exerçant
dans la matière de l’os.
Ce principe fut au départ de nombreuses structures métalliques
légères (grue, pont). Depuis, certaines analogies ont été
perfectionnées. Certaines grues imitent la colonne vertébrale
de l’homme, des ponts copient la structure du bréchet de
l’oiseau. Le procédé est encore repris dans la réalisation
de dalles en béton armé.
De surprenantes réalisations
Dans l'architecture, les plantes furent également une source d’inspiration
privilégiée. Joseph Paxton, un ingénieur autodidacte
anglais, étudia la structure d'une feuille flottante de nénuphar
(Victoria amazonica). Sur ce modèle, il construisit de nombreuses
serres. La consécration de ses études analogiques fut l'immense
bâtiment de Crystal Palace, réalisé à l’occasion
de l'exposition universelle de Londres de 1851.
Aujourd’hui, les coquilles de mollusques, les squelettes d'éponges,
les tiges de prêles, les chaumes des graminées et les ramifications
des branches des arbres sont imitées dès qu'il s'agit de
réaliser des formes légères et élancées.
De même, les toiles d'araignées ont conduit à envisager
d’impressionnantes structures tendues. La plus célèbre
est celle du toit du stade olympique de Munich. Elle fut réalisée
en 1972 par un architecte allemand, professeur à l’université
de Stuttgart, Frei Otto.
Un architecte français, Robert le Ricolais, qui travailla à
l’université de Pennsylvanie, préféra prendre
comme objet d'étude des protozoaires marins, les radiolaires. Le
squelette de ces êtres microscopiques est constitué d’assemblages
de fins spicules. Le motif de ces baguettes de silice est à la
fois complexe et très régulier. Regroupés par des
sortes de “noeuds”, ces spicules constituent des structures
tridimensionnelles élégantes et très solides. Elles
ont été reprises dans de multiples coupoles géodésiques.
Sur un autre plan, les transports ont aussi bénéficié
des études sur le déplacement animal. En observant avec
soin à la fois les morphologies et les anatomies de dauphins, de
requins ou d’oiseaux, nombres d’améliorations ont été
introduites pour favoriser les déplacements dans l’air ou
dans l’eau. Les turbulences ont été limitées,
les moyens de propulsion améliorés et la pénétration
dans les fluides facilitée. Certaines particularités de
la peau de ces animaux ont été reproduites dans le détail
pour favoriser l'hydrodynamisme des sous-marins.
Actuellement, on construit des mécanismes de robotique identique
au fonctionnement des membres des vertébrés ou des invertébrés.
A l’université de Carnegie-Mellon aux Etats-Unis, le déplacement
sauté des kangourous, la marche hexapode des insectes ou les étirements
des vers de terre constituent encore d'excellents modèles pour
des mobiles tout-terrain.
Enfin, dans le domaine des nouveaux matériaux, de nombreux produits
ont été réalisés depuis que les avantages
des cellules hexagonales d'abeilles ont été décrites
avec soin par l’ethnologue Von Frisch. Ces matériaux "biologiques"
sont toujours des agglomérés ou des composites. Ils allient
légèreté, souplesse, plasticité et bonne résistance
mécanique. Actuellement, les enveloppes des grains de pollen ou
les pattes en forme de massue des odontodactyles (arthropodes marins)
sont particulièrement étudiées en Allemagne, aux
Etats-Unis, respectivement pour leur résistance aux intempéries
ou aux chocs...
De la bionique à la physionique (2)
La démarche de “copier la nature” est encore envisagée
dans l’industrie. Pourtant c’est une approche classique ;
on la rencontre déjà dans la plus lointaine Antiquité.
Même si elle reste un mythe, la légende d'Icare pourrait
en être une balbutiante préfiguration. Les ingénieurs
de la Renaissance en feront également un usage abondant. Léonard
de Vinci la popularisa au travers de ses multiples projets de machines
volantes.
Une nouvelle direction prend corps actuellement sous le vocable de physionique.
Elle dépasse la simple imitation des formes ou encore la simple
analogie des structures et des matériaux. Elle étudie systématiquement
les structures complexes (3). En particulier, les processus qui produisent
les organisations (comme les régulations) ou qui les font évoluer
(comme les espaces de changements) sont décortiqués et resitués
par rapport aux systèmes envisagés (cellule, organe, individu,
société, écosystème,..). Les procédures
intimes et les mécanismes qui les soustendent (y compris au niveau
cellulaire et infracellulaire) sont privilégiés ; leurs
significations et leurs contextes mis en perspectives.
Le projet majeur est de comprendre les interactions fécondes entre
les unités de niveaux dits “inférieurs” et d’envisager
comment l’unité globale -une société ou une
entreprise- agit en retour sur les composants plus simples.
Au point de départ de cette nouvelle approche, non plus la morphologie
ou l’anatomie comparée mais une autre branche de la biologie,
la physiologie, et plus précisément la physiologie des régulations.
Interagir et réguler
Qu’apporte la physionique en matière d’organisation
? Contrairement à une idée répandue, tout système,
quelque soit son niveau, a tendance à s'organiser spontanément.
L'autoorganisation est un processus inhérent à la matière,
qu'elle soit inerte, vivante ou humaine. Cependant, un système
ne parvient à un niveau d’organisation plus élaboré
que si certaines conditions très strictes sont remplies. Sur ce
plan, la démarche physionique est pertinente ; elle permet de dessiner
un réseau de paramètres indispensables pour structurer ou
optimiser une organisation.
La première condition pour qu’un ensemble -une société
ou une entreprise- puisse s’organiser est que les éléments
qui le composent aient la possibilité d'interagir. Il faut noter
ici l'importance des échanges multiples d'informations entre les
éléments - les individus ou les employés-, les lieux
- les services- ou encore les réseaux d’interactions. Ces
échanges ont besoin d’être facilités ; des catalyseurs
doivent être capables de les favoriser. D’autant plus que
tous ont besoin d'être réactivés constamment.
Par ailleurs, ces interactions sont facilitées si chaque élément
possède un grand nombre de possibles (tous d’ailleurs n’étant
pas utilisés en permanence mais en fonction des besoins de l’organisation)
et s’il y trouve un sens (ou un avantage). Sur chacun de ces plans,
le vivant propose un ensemble d’idées possible pour favoriser
les interactions ou la communication.
Dans une organisation de type vivant, chacune des innombrables structures
(de base) est totalement autonome. Une simple cellule de notre corps fabrique
sa propre énergie et pratiquement tous ses constituants indispensables
à son propre fonctionnement ; elle réalise ses activités
à son rythme et à partir de son économie individuelle.
Chaque cellule possède dans son noyau toute la mémoire génétique
de l’individu. Pourtant, l’organisme n’est jamais réductible
à une juxtaposition de cellules.
Tout y est profondément coordonné ; l’intégration
est si bien faite que l’individu apparaît comme un tout. Pour
cela, chaque élément résout les contradictions qui
incombent à son niveau. Il agit de façon la plus adéquate
à partir des éléments à sa disposition. Cependant,
chaque partie n’est jamais embusquée dans son propre territoire
; ces dernières n’utilisent par exemple qu’une infime
partie de leurs potentialités génétiques.
L’organisme reste cohérent parce que chaque partie est concernée
par le devenir de l’ensemble. Toutes les cellules sans exception
confrontent leurs activités, éventuellement se suppléent
quand l’organisme est en difficulté ou quand les conditions
l’exigent.
Tout communique ainsi avec tout (4), mais pas n’importe comment.
Le réseau d’informations du vivant est toujours multiple.
Le système le plus usité, le système hormonal, est
un système de type postal. Des molécules porteuses d’informations
se déplacent. Ce sont des sortes de “cartes postales”
à trois dimensions. Un inconvénient bien sûr, cette
communication est peu précise et plutôt lente. Un deuxième
système, de type télégraphique cette fois, le système
nerveux, y supplée. Des cellules spécialisées, livrent
directement et rapidement le message à une cellule spécifique,
celle sélectionnée pour son efficacité dans l’action
à mener.
Chaque réseau de communication a des avantages et des limites.
Le vivant ne cherche pas à les mettre stérilement en opposition
pour perfectionner un système idéal. Il valorise les possibilités
de chaque méthode et jongle entre les deux. Il envoie par exemple
un message nerveux relayé au niveau local par un messager chimique.
L’information est rapide, elle cible une zone spécifique,
un tissus par exemple. Ensuite la diffusion est large. Autre possible,
face à un danger immédiat, l’organisme réagit
brutalement par un message nerveux, puis il entretient la réponse
sur la durée par des messages hormonaux. Etc.. D’autant plus
que l’organisme ne craint pas les redondances. Il n’a pas
peur de se répéter. On rencontre des doublons, voire même
des triplons, tant au niveau de la transmission qu’à celui
de la détection.
Autre caractéristique essentielle, cette communication n’est
pas forcément hiérarchique, elle est avant tout ascendante.
En priorité, elle est surtout transversale, puisque elle se pratique
inter-tissus ou inter-organes. Cette libre circulation de l’information
qui a une très grande place en période de fonctionnement
normal, devient stratégique en période de croissance ou
de développement.
Un maître-mot : la régulation
Il faut signaler ici l’importance et la multiplicité des
mécanismes de régulation; ces diverses régulations
sont d’ailleurs ce qui caractérise le mieux une organisation
vivante. Cette adaptation homéostatique se déroule en permanence
et en temps réel. Leur pertinence augmente à mesure que
le système se complexifie, avec des régulations de proximité
ou à plusieurs niveaux, à effets positif ou négatif.
Dans les organisations très élaborées émergent
des régulations avec des messages différenciés (électrique,
chimique), des récepteurs spécialisés, des réseaux
d’autocontrôle régulés à leur tour et
des mémorisations (court et long terme). Cette mise en mémoire
peut tenir lieu de facteur limitant ou facilitant. Elle interfère
fortement avec les contingences ou l’environnement.
Enfin, d’autres paramètres plus paradoxaux sont également
porteurs. Dans une organisation vivante, on observe simultanément
une stratégie de redondances en information, une subsidiarité
des décisions, une gestion sur un mode contradictoire, une pertinence
des antagonismes régulés, une prépondérance
de l’hétérogène, une multiplicité des
registres de fonctionnement, une mémorisation de l’histoire
de l’organisation, un pilotage en temps réel et un soutien
“hiérarchique”, etc... Tous ces aspects nous interpellent
fortement ; ils nous conduisent à revoir nos cadres de référence
et nos modèles de pensée habituels en matière d’organisations
humaines.
Le succès des organisations vivantes apparaît moins lié
à une planification rigoureuse ou à l’emploi d’outils
sophistiqués qu’à une flexibilité de réactions,
à l’autonomie de ses parties, à une gestion des opportunités
et à la qualité de ses systèmes d’information
et de régulation. Sans entrer dans le détail, précisons
à la suite quelques aspects surprenants.
En fait, une organisation vivante ne se conforme jamais au principe de
“commande rigide”. Pour maintenir son équilibre, l’organisme
n’a pas de solution préalable toute faite. Il n’a même
pas de solution du tout. Il possède seulement un registre de fonctionnement
pour faire face au mieux aux multiples problèmes dus aux modifications
permanentes de l’environnement et aux conséquences induites
par l’évolution d’un paramètre sur les autres.
Son seul critère de sélection : s’attaquer en premier
aux plus pernicieux, ceux qui dégradent irrémédiablement
son économie générale.
En somme, le vivant pratique, ce qu’on nomme parfois par dérision,
le “pilotage à vue”. Il y excelle à tel point
qu’il a élaboré des structures et des règles
du jeu “intelligentes”. Elles garantissent à la fois
sa flexibilité, sa rapidité de réaction et d’adaptation,
aux changements de l’environnement. Pour que le système opère
correctement, il reste en éveil en permanence et une coordination
s’établit entre les parties et les sous-parties. Ce qui n’exclut
pas les conflits d’intérêts (5). Toutefois ceux-ci
sont pris en compte et gérés par les systèmes de
régulations. A leur tour, ceux-ci sont régulés par
d’autres réseaux. Et pour parfaire le tout, l’organisme
garde en mémoire, une trace de ses expériences passées
et les réinjecte en priorité dans ses choix. L’organisation
vivante apprend, elle transforme continuellement ses processus pour atteindre
ses objectifs.
Autant d’éléments dont on peut tenir compte pour penser
nos organisations humaines.
La
complexité du vivant
Les systèmes
du vivant (écosystèmes, individus, systèmes
fonctionnels, cellules, organites) sont les organisations les
plus élaborées pour lesquelles nous commençons
à maîtriser les principaux paramètres, ainsi
que quelques-unes de leurs interactions... Par exemple, l’organisme
humain ne possède pas moins de soixante mille milliards
d’unités de base, les cellules. Sa pertinence nous
fait entrevoir autrement le fonctionnement d’une organisation.
Pour gérer un seul de ses nutriments, l’eau, le corps
entretient 5 milliards de capillaires, 160 millions d’artérioles
et 500 millions de veinules. Les capillaires, à eux seuls,
ont une surface d’échange de 300 mètres carré
(la surface d’un terrain de basket-ball).
Au delà de cette complexité apparente, son identité
en tant qu’organisation repose d’abord sur la spécificité
des interactions entre tous ses éléments et sur
les multiples régulations mises en place pour la perpétuer
ou la reproduire. Chaque cellule forme également un système
hypercomplexe présentant des raffinements inouïs.
Une simple cellule intestinale de quelques microns peut comporter
jusqu’à 30 000 microvillosités pour faciliter
l’absorption des nutriments. Une cellule nerveuse peut développer
12 000 prolongements pour communiquer avec un nombre équivalents
d’autres cellules.
Une simple cellule d’un centième de millimètre
peut contenir des centaines de mitochondries (1 000 à 2
000 dans les cellules hépatiques), lieux d’intenses
activités énergétiques ou encore des dizaines
de milliers de ribosomes qui synthétisent des milliers
de protéines différentes.
Des procédés très stricts sont nécessaires,
des centaines de milliers de réactions chimiques très
conflictuelles s’y déroulent à la seconde
dans des milliers d’organites. Des millions de bits d’informations
sont décodés simultanément sur les membranes
par des récepteurs, d’autres en quantité similaire
circulent en son sein grâce à des cohortes de messagers
ou sont stockées dans son noyau.
Malgré des intérêts extrêmement divergents,
toutes les cellules et tous les organites, sans exception et sans
discontinuité, se coordonnent les uns en fonction des autres...
A chaque nouveau niveau de complexité, une organisation
nouvelle avec des propriétés spécifiques
et imprévisibles émerge, ensuite se maintient, éventuellement
prospère et se reproduit à l’identique. Pour
réaliser de tels prodiges le vivant a mis en place des
organisation et des systèmes de fonctionnement très
perfectionnés dont on peut s’inspirer.
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De la bionique à la physionique (3)
"Notre
époque manque de pensée" entend-t-on dire parfois quand
l’on aborde les questions des organisations politique ou sociale.
Il est vrai que toutes nos grandes institutions, l'école, l'armée,
la police, la santé, la justice sont en décalage complet.
Les entreprises ne sont pas mieux loties; le contexte dans lequel elles
luttent pour survivre et prospérer s’est beaucoup modifié.
Le rythme des conversions n’est pas prêt de décroître,
la hiérarchie apparaît décalée et trop rigide,
la prise en compte de l’environnement trop limité. Quant
aux politiques, ils ont de grandes difficultés à accompagner
les changements dus à l'évolution technologique et sociale.
Face aux transformations rendues nécessaire par l'évolution
rapide de la société, ils apparaissent complètement
sourds, muets et impuissants...
En fait, tous nous manquons d'idées neuves pour affronter les enjeux
actuels. Nous vivons plus une crise de sens qu'une crise économique.
Nous continuons à pratiquer un mode de pensée qui avait
fait ses preuves quand il s'agissait de gérer des situations simples
et régulières dans un monde qui évoluait peu. Actuellement,
nos cadres de références, nos façons de raisonner
n'apparaissent plus adaptés, voire obsolètes. Nous restons
prisonnier d’habitudes, d’évidences et de tabous dépassés.
Nous faisons fonctionner toujours les mêmes paradigmes ; ceux qui
ont été forgés à la Renaissance et enrichis
au siècle des Lumières grâce à l’apport
de la mécanique newtonienne.
Or l’honnête homme du XVIII ème siècle vivait
dans un contexte stable et limité. Actuellement tout est en changement
permanent. Dans les seuls cinq ans à venir, nous devrons affronter
la mise en place des machines à communiquer, des multimédias,
des autoroutes de l'information, de la domotique et de bien d'autres choses
encore...
Dans le même temps, l’individu n’est plus isolé
dans son village, il vit à l’échelle d’un continent,
et même de la planète. Le fonctionnement des macro-systèmes
humains que sont une grande ville, une nation moderne, une entreprise
multinationale ou une institution intergouvernementale est devenu hypercomplexe.
On ne peut plus isoler l'économique, l'éthique, le social,
le droit, l’institutionnel et l'international... Autant de savoirs
dont le commun des mortels n’a reçu aucune formation. Quant
à les envisager en synergie !.. De plus, les décideurs,
mais également les citoyens, doivent prendre en permanence des
décisions sur des situations dont ils ne maîtrisent pas toutes
les données ou dans lesquelles certains éléments
restent fluctuants. Dans le même temps ils doivent affronter de
l'aléatoire, du contradictoire, du paradoxal. En matière
d'habitation par exemple, il nous faut concilier le droit à la
propriété avec le droit au logement, deux valeurs contradictoires
inscrites dans la Constitution. En matière d’économie
familiale, le choix d’un simple appareil électroménager
met en opposition la recherche du meilleur prix avec l’emploi (et
plus particulièrement l’emploi local ou national), les effets
de mode, le produit national brut, les retombées sur le tiers-Monde,
les influences sur la biosphère, etc..
Dépasser le sentiment d’impuissance
Partant de ces constats, comment repenser nos organisations pour la société
à venir ? Comment dépasser ce sentiment d'impuissance qui
fait que personne n'ose plus rien proposer ? Et cela d'autant plus que
les Sciences Humaines pour l'ensemble ont démissionné de
ce projet. La sociologie, la philosophie, l'économie ne sont plus
à la hauteur des grands enjeux de société. Il y a
deux décennies, on attendait de ces disciplines qu'elles nous aident
à comprendre la société et à produire du nouveau.
Aujourd'hui, sauf quelques rares exceptions, les Sciences Humaines ont
perdu de leur vitalité. Elles fonctionnent en interne ; elles sont
devenues autoréférentielles pour l'essentiel. Leurs modèles
explicatifs sont principalement normatifs, ils ne répondent plus
aux exigences de notre époque ou aux attentes de la population.
Ces approches posent des questions pointues de spécialistes, pour
des spécialistes, à des fins institutionnelles, au travers
de paradigmes qui n’évoluent plus ou si peu.
Bien sûr, l'invention en matière de société
n'est jamais ni évidente, ni immédiate. L'innovation ne
peut se régler en terme d’"il y a qu'à".
Une organisation sociale est une émergence d'ordre n constituée
d’éléments déjà complexes en eux-mêmes.
Elle intègre un système de paramètres en interaction.
Tout changement nécessite un processus ; le tout devant être
coordonné dans le temps et à plusieurs niveaux.
En attendant qu'une nouvelle approche spécifique ne soit disponible,
pourquoi ne pas tenter déjà de comprendre comment fonctionnent
les émergences un peu moins complexes, à savoir les organisations
du Vivant. Le Vivant a une très grande expérience en matière
d'organisation. Il en a produit des centaines de milliards, toutes présentent
des niveaux de complexité multiples. L'analyse de son expérience
est très précieuse et plutôt décapante. Cette
démarche que nous développons depuis 1987 sous le vocable
de physionique (6) ne fournit pas de solutions toutes prêtes,
toutefois elle a le mérite nous faire sortir de nos évidences
et de nos sentiers battus. Elle devient une source importante d'inspiration
pour la maîtrise des organisations complexes comme une entreprise
ou une institution. D’ailleurs, elle obtient un accueil très
favorable ; les milieux économiques, manageriaux et décisionnels
innovants s’y intéressent tout particulièrement.
Attention, ne vous méprenez cependant pas sur cette proposition,
il n’est pas question de défendre quelques prétentions
issues de la sociobiologie, chère à Edward Wilson et au
Club de l’Horloge en France, bien au contraire. Aucune homologie
n’existe entre le social et le biologique. Les comportements sociaux
ne s’expliquent jamais par des déterministes biologiques.
Même, si elles comportent une composante biologique indéniable,
les sociétés humaines ne reposent jamais sur des déterminismes
de ce type. Elles émargent à un niveau d’interactions
supérieur où rien n’est similaire. De nouveaux principes,
champs de forces, lois et organigrammes ont émergé avec
la mise en place des sociétés, et leurs histoires les ont
faites bifurquer.
Pour la physionique, le Vivant est seulement un “précurseur”
de l’organisé. Certes, il a mis du temps pour prospérer.
Mais ses structures, ses processus sont très performants sur le
plan de l’organisation. Certains vont jusqu’à produire
des émergences du même ordre que celle qu’on trouve
dans la Culture avec l’apparition du sens. Sa réussite dans
des environnements très difficiles est un bel exemple à
méditer,... du moins à modéliser.
En effet, la démarche proposée est à la fois analogique
et modélisante. Elle tente de prospecter en quoi “le tout
devient beaucoup plus que la somme” de ses parties. L’hypothèse
en action est similaire à celle qui préside à nombre
de domaines scientifiques. Devant une complexité, on l’étudie
en travaillant sur un modèle censé plus simple. Dans nos
premiers travaux, la régulation du poisson rouge fut un des modèles
pour comprendre le fonctionnement du rein (notamment l’influence
de la vasopressine), les globules rouges ou la branchie de truite devint
un modèle pour élucider les flux d’ions à travers
les membranes. Aujourd’hui, certaines souches de souris ou de macaques
sont des modèles pour affiner les défenses immunitaires
liées au SIDA ou à d’autres maladies. Avec la physionique,
un écosystème, un individu, un système intra-individu,
un organe, une cellule ou un organite devient un modèle scientifique
pour border les questions d’organisation (7).
Penser le changement
Ainsi nos sociétés ont beaucoup de difficultés à
penser une adaptation aux changements. Elles ont tendances à se
figer ou à s’enfermer. Le vivant montre d’autres pistes.
En effet malgré une concertation interne perfectionnée (8),
un organisme vivant reste perpétuellement ouvert sur l’extérieur.
Ses principales régulations sont d’ailleurs dictées
par l’environnement. Par expérience, le vivant a “enregistré”
qu’il n’a pas de prise sur lui, ou si peu. Or cet extérieur,
déjà hostile en lui-même, est en constante transformation
: variations de température, de pH, de concentration, de composition
de l’air et d’humidité, modifications de nourriture,
agressions diverses, etc..
Pour cette écoute entretenue, d’innombrables organes dits
“des sens” ont été spécialisés.
Leur mission est de rechercher en continu tout indicateur susceptible
d’éclairer l’organisme. Toutes les modifications extérieures,
du moins celles qui peuvent avoir des conséquences néfastes
sont repérées en priorité. Pas question de crouler
sous les données, ces informations sont filtrées, traitées
et regroupées. Elles sont ensuite croisées et comparées
à des informations déjà mémorisées.
Aucune décision n’est imposée du haut. Certes, on
peut “hiérarchiser” des zones de coordination, avec
au sommet celles du cerveau, et en son sein le cortex pour les vertébrés
supérieurs. Mais ces structures n’ont pas de pouvoir de décision
en soi. Ces centres sont sous la dépendance en continu des autres
organes et de l’environnement. Leurs choix ne sont jamais a priori.
Ils sont sous contrôle des informations reçues et des possibles
mémorisés. Le maillage et l’intégration des
données apparaissent au centre du dispositif (9).
Dans les organisations vivantes, la hiérarchie, point faible de
toute organisation, est ainsi reformulée. D’abord il en existe
fort peu, tout au plus peut-on observer trois niveaux de coordination.
Ensuite ses fonctions sont autres ; la direction apparaît surtout
comme un lieu de consensus et d’intégration
(10). Sa principale préoccupation est la gestion des conflits et
des contradictions, à commencer par ceux qui pourraient rompre
le délicat optimum de fonctionnement de l’organisation. Le
reste du temps, tout est réglé au plus près du problème,
sans aucune intervention des centres dit “supérieurs”.
Par ailleurs, ces centres ont pour tâche essentielle de concerner,
mieux ils anticipent en tenant compte de l’histoire de l’organisation
et de ses interactions préalables avec l’environnement. Dès
qu’un choix est décidé, ils font partager à
l’ensemble des composants le parti pris choisis, grâce aux
multiples systèmes d’information...
Processus
d’ensemble d’une démarche physionique en entreprise
Une
civilisation à modèle d'équilibre
Nous passons d'une civilisation avec un ordre préétabli
à une civilisation à modèle d'équilibre ;
rien ne peut plus être prévu avec certitude. Sur ce plan
encore, les organisations vivantes peuvent nous montrer la voie. En leur
sein, rien n’est prévisible, tout peut arriver. Seul est
mémorisé un optimum de fonctionnement. Et encore, cette
marge est-elle différente pour chaque espèce, chaque organisme,
et chacun de ces composants. Chaque partie a sa spécificité,
ses intérêts propres ; rien n’est homogène.
Le vivant gère l’antagonisme et l’imprévu ;
il ne fait même que cela : il tolère le désordre.
Les molécules qui passent à travers une membrane ne sont
jamais contrôlées de façon individuelle. Comment le
pourrait-il ? Elles peuvent la traverser comme bon leur semble, plusieurs
fois et en tous sens. Ce qui importe, c’est que globalement des
optimums propres au développement de l’organisation soient
conservés.
Le vivant régule même le désordre. Les êtres
vivants profitent du désordre tant redouté dans les sociétés
pour évoluer. L’évolution biologique repose sur une
gestion savante du chaos. Du désordre pour enrichir l’ordre.
Comment “l’individualisme” de chaque cellule, de chaque
organe, de chaque individu concourt-il à la chose commune ? Nous
n’en sommes qu’aux balbutiements. Notre société
et nos entreprises devraient y consacrer un peu d’énergie
et sans doute quelques ressources...
Pour
en savoir plus :
André Giordan, Comme un poisson rouge dans l’homme,
Payot éditeur, 1995.
André Giordan, Voici venue l’ère de la physionique,
La Recherche, 80, 1996.
(1)
Pour nombre d'inventions, l'analogie ne fut pas établie tout de
suite. Ce n’est qu’a posteriori que l’on prit conscience
de l’imitation ! Le papier était déjà fabriqué
par des guêpes depuis au moins trente millions d’années,
avant que les chinois ne le redécouvrent. Le gyritron, cet appareil
qui facilite la navigation aérienne, ne fait qu'imiter le rôle
des balanciers, cette deuxième paire d'ailes atrophiées
des diptères (mouches ou moustiques). Ce fut encore le cas du vol
à réaction, utilisé depuis l’ère primaire
par les mollusques, ou du sonar des baleines. Chaque fois, l'inventeur
ne fit qu'enfoncer une porte ouverte ! La mise en parallèle des
deux systèmes n'est cependant pas sans intérêt, elle
peut permettre d'enrichir les mécanismes.
(2) Maurice Koechlin avait eu comme professeur à l'Ecole polytechnique
Karl Culmann...
(3)
Actuellement, l’analyse réductionniste de type physico-chimique
seule apparaît dépassée comme démarche d’investigation.
Celle-ci doit être resituée constamment. La prise en compte
des émergences dans une perspective transversale et systémique
qui intègre l’apport des multiples disciplines scientifiques
devient complémentaire.
(4) La plus petite cellule musculaire située dans la deuxième
articulation de l’un des orteils droits reçoit et émet
des informations vers l’ensemble du corps.
(5) Les antagonismes, les concurrences entre les organes ou les cellules
pour la distribution des nutriments ou de l’oxygène sont
“féroces”. Pourtant ces antagonismes sont porteurs
pour l’être vivants parce que régulés ! La position
debout, tous les mouvements, la voix, ou encore le maintien d’une
température constante, etc., ne sont possibles que par eux.
(6) Voir Le Courrier du...
(7) Par chance, le Vivant a mémorisé cette somme d’expériences
réussies. Il peut nous offrir une véritable banque de données
sur l’organisation. Trois milliards d’années d’essais
et d’erreurs pour tenter de survivre dans un milieu peu propice,
un vrai corpus soumis continuellement au crible de l’optimisation
à long terme. Pourquoi ne pas l’intégrer à
notre culture ?
(8) Voir Le Courrier du...
(9) L’étude du vivant nous fournit des inventions sur les
capacités à communiquer, l’art de l’enchaînement
rapide des diverses phases de régulation, l’évaluation
immédiate des situations avec remédiation (perméabilité
des fonctions et rigueur des procédures). Par là il nous
renseigne sur l’attitude pragmatique face à l’inattendu,
rendant aisé si nécessaire le court-circuit de certaines
procédures. Dès qu’un problème est pressenti,
un ou plusieurs dispositifs d’alerte et plusieurs mécanismes
de réactions sont mis en branle. Le stratégique et l’opérationnel
ne peuvent être disjoints, ils sont répartis entre le cortex,
l’hypothalamus et le diencéphale dans le cerveau. Les décisions
principales sont prises en concertation étroite. Rien n’est
figé d’avance.
(10) Cette organisation originale conjugue tout à la fois une importante
capacité à communiquer, un art de l’enchaînement
rapide des diverses régulations, une évaluation immédiate
de la situation avec remédiation, une réelle perméabilité
des fonctions et une très grande rigueur des procédures.
Leur mise à plat fournit de nombreuses idées pour le management
d’entreprise (voir chapitre 11, André Giordan, Comme un poisson
rouge dans l’homme, Payot éditeur, 1995).
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