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1,435
La
largeur des réservoirs additionnels de la navette spatiale américaine
est de 4 pieds et 8 pouces. Oui ! les américains, ce peuple le
plus technologique de la planète, compte toujours ainsi, mais peu
importe... quoique cela n'est pas sans rapport avec notre propos ! En
tout cas, ces réservoirs font bien exactement 1,435 mètre.
Sans doute, ne vous posez-vous pas la question du pourquoi de cette taille
? A vos yeux, il est évident qu'ils ont été finement
pensés, et donc que leur taille a été calculée
de façon optimale par les plus puissants ordinateurs. Pour de supposées
raisons aérodynamiques, vous imaginez de brillants cerveaux recherchant
la meilleure pénétration dans l'air, un volume optimum,
ou la meilleure technologie possible de l'alliage utilisé. Eventuellement,
vous envisagez le meilleur rapport masse et charge de poussée ou
-que sais-je encore?- le meilleur rapport qualité-prix...
Et bien non, rien de tout cela. Ces superbes gros cylindres font exactement
1,435 mètre parce qu'ils sont transportés depuis le lieu
de leur construction au lieu de montage sur la navette en Floride par...
train.
Par train, tout simplement... toute l'explication est là ; et comme
l'écartement des rails est, du moins dans le monde occidental,
de... 1,435 mètre et que ces objets sont chargés dans le
sens de la largeur des wagons.... Voilà tout... ou presque. Mais
pourquoi ce nombre étrange et complexe pour du matériel
ferroviaire ? Un mètre et quatre cent trente cinq millimètres...
Tout vient de l’histoire des chemins de fer anglais. Ce furent les
premiers à avoir développé le transport par rail.
Ils ont imposé une norme de 4 pieds et huit pouces anglais soit...
1,435 mètres.
Mais par quel savant calcul, les ingénieurs anglais sont-ils passés
pour aboutir à cet espacement précis et pas à un
autre ? Etait-ce lié aux conditions technologiques particulières
de cette époque ? La capacité des hauts-fournaux, celles
des marteau-pilons ou des grues ? Non... Beaucoup plus simple ! L'origine
est à rechercher ailleurs, dans les tramways à chevaux anglais
du XVIIIème siècle.
Que viennent faire les tramways à chevaux ? Tout simplement, les
chemins de fer se sont substitués aux tramways à chevaux.
Mais pourquoi les roues des tramways à chevaux étaient-elles
espacées ainsi ? Tout simplement parce que ces transports reprenaient
l'écartement des diligences du XVIIème siècle. Et
pourquoi les diligences du XVIIème avaient-elles des essieux de
cet écartement ?
Tout remonte en fait -ou presque- aux chariots du Moyen-Age. Et les chariots
du Moyen-Age ? Parce que les routes de cette époque avaient de
sérieuses ornières et si l'écartement avait été
différent, ils n’auraient pu passer, se croiser ou les essieux
n'auraient pas résister aux cahotements répétés.
Mais pourquoi ces ornières ? C’est les Romains qui avaient
cru bon de standardiser les routes, et par là la taille de leurs
propres chars.
Et pourquoi... c'était ainsi chez les Romains ? Là on remonte
à une histoire encore bien plus ancienne. Les Romains avaient décidé
cette norme pour l’écartement des essieux de leurs véhicules,
en se basant sur des chemins encore plus anciens. Et c'est ces chemins
très anciens qui avaient été construits de la sorte
pour permettre à des... ânes bien chargés de se croiser
aisément !
On pourrait continuer ainsi, et se demander pourquoi cette taille d'âne
? Question de génétique, mais également de sélection
pour obtenir des animaux correspondant le mieux aux besoins et aux possibilités
de l'époque...
Si la croupe des ânes avait été plus grande, la face
du monde n'aurait peut être pas été changée,
mais nous ne serions certainement pas là ! Quand on sait la faible
probabilité que nous avions de naître ! En tout cas si la
taille des ânes avait été plus petite, nous n’aurions
eu, du moins les contemporains de notre époque, que des trains
de la taille d’un métro.
Cet exemple n'est pas le seul. Il n'est non plus le plus dramatique. C'est
ainsi que beaucoup de nos habitudes - de nos moeurs même- sont gérés
par une histoire, même si entre temps elle a été complètement
oubliée. Ne continue-t-on pas à compter sur un système
à base dix parce que nous avons dix doigts, alors qu’un système
à base 12 aurait été plus performant ; comme l’est
aujourd’hui le système binaire depuis qu’existe l’informatique.
Cette dernière n’est pas non plus exempte de tradition oubliée,
les 8 bits viennent des premières bandes passantes ou le codage
par 80 -quatre fois vingt comme au temps où on comptait par vingt-
des 80 trous des cartes perforées. La machine qui a servi à
entrer ce texte possède toujours le même type de clavier
depuis la première machine mécanique. Il avait du sens alors
: il évitait que certaines lettres fréquentes ne s’entremêlent.
Il n'est pourtant pas le plus ergonomique, et pourtant il se maintient
darre darre... Qui osera le changer ?
C'est ainsi que des normes perdurent, se perpétuent, se transfèrent
sans qu'on ne sache quelle en est l'origine. Il serait sans doute utile
de nous intéresser sur l'origine de certaines de nos normes scolaires
ou habitudes sociales.
N'y a-t-il pas même des relents de ce style dans nos comportements
? Ne véhicule-t-on pas des adhérences dans nos vies ? Notre
relation à l'autre, nos jalousies, nos colères, nos ressentis
ne sont-ils pas des reliquats inconscients d'une époque révolue
où l'homme primitif devait survivre dans un milieu hostile ? N'avons-nous
pas à nous demander d'où nous viennent certaines de nos
évidences ou certains de nos usages. Que s’est-il joué
dans notre enfance ?
Surtout quand ces façons de vivre -voire ces valeurs- ne tiennent
plus la route et qu’elles nous empêchent de vivre... .
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