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Avant propos de la nouvelle édition

 

Plus de vingt ans ont passé depuis la parution de la première édition de ce livre, et nous avons été « touché » qu’un jeune éditeur soit sensible à son intérêt, au point de vouloir en faire une nouvelle réédition, la cinquième ! Il est vrai que malgré ce temps, ce livre reste une référence dans les domaines de l’apprendre, de l’école, mais pas seulement...
Depuis 5 ans qu’il est épuisé, nous recevons nombre de demandes de photocopies, provenant y compris des sciences cognitives ! Les idées développées ont été introduites comme référent dans de nombreux projets de recherche, y compris dans des domaines pourtant éloignés de la didactique des sciences dont il est issu. On trouve des applications aussi bien dans l’apprentissage de la géographie, de l’histoire, de l’éducation physique, des langues et même de la… théologie !
Les québécois et les brésiliens l’ont largement introduit dans la formation professionnelle. Des mouvements argentins, colombiens et vénézuéliens prennent appui sur elles pour monter des programmes dans les favelas, des français dans les banlieues difficiles dans le cadre des échanges réciproques de savoirs. Les chinois sont en train de le transposer pour la formation de « leurs 20 millions d’enseignants » ! Car, ce livre a dépassé les frontières des milieux francophones, il a été traduit et continue à être diffusé en espagnol, portugais et aujourd’hui en chinois ! Nombre d’extraits ont été repris dans des articles traduits en anglais, en russe, en arabe, chinois ou en japonais. Les idées qu’il développe sont aujourd’hui connues, bien que de façon réductrice, sous le vocable de modèle allostérique d’apprentissage (allosteric learning model en anglais et modelo de apprendizaje alostérico en espagnol).

L’approche allostérique

L’approche allostérique a même migré vers d’autres horizons, les milieux médicaux l’ont intégré dans l’éducation thérapeutique de maladies chroniques et les entreprises (ou les organisations) dites « apprenantes » l’envisagent comme grille d’analyse pour améliorer leur structure ou leur fonctionnement en interne, sur le plan de la communication, de la veille, des capteurs et de la mémoire de l’entreprise.

Encadré
Allostérique? Ca veut dire quoi? Les origines du terme...
Le vocable d'"apprentissage allostérique », provient d'une métaphore biochimique qu’André Giordan a formulé en Amérique du Nord et en Australie, lors d'une série de conférences à des professeurs de biologie, en 1988 (IUBS-CBE). Pour faire passer ses idées, il s’est appuyé sur la structure et le fonctionnement de certaines protéines dites "allostériques". Ces molécules enzymatiques, fondamentales pour la vie, changent de forme, et donc de fonction, suivant les conditions de l'environnement dans lequel elles se trouvent.
Les anglo-saxons, vivement intéressés pour leurs aspects pragmatiques, ont repris ce terme d'"allosteric learning model" pour qualifier l'originalité de notre approche. Depuis, nous assumons ce terme, malgré ses présupposés barbares pour le non-initié ! Les hispaniques lui ont préféré EL MODELO DE APRENDIZAJE ALOSTERICO (MAA).
L'intérêt est dans deux aspects très heuristiques, donc pédagogiquement porteurs, avancés par cette analogie.
1. Ce qui constitue l'originalité de la pensée d'un apprenant (ses conceptions) ce n'est pas la suite des idées qu'il a enregistrées, mais les liens qu'il est capable d'initier et qu'il sait mobiliser ; à l'identique de ces protéines dont la spécificité fonctionnelle n'est pas liée à la suite des acides aminés, mais aux liens entre les chaînes qui déterminent le site actif.
2. La forme et la fonction de ces protéines sont modifiées uniquement de l'extérieur par l'environnement. C'est ce dernier qui les rend opérationnelles. De même, on ne peut agir directement sur la pensée d'un individu ; l'enseignant, le médiateur favorise l'apprendre en suscitant un environnement didactique propre à interférer indirectement avec les conceptions de l'apprenant.

L’approche allostérique pourrait à première vue s’inscrire dans le courant constructiviste de la pensée. Ses origines ont été fortement influencées par la pensée piagétienne. Toutefois, elle se situe en rupture avec cette approche, à la fois sur le plan théorique et surtout dans les applications pédagogiques ou médiatiques qui en sont résultées. Notamment, elle souhaite dépasser les limites aujourd’hui bien connues des pédagogies actives, des « hands-on » ou du « conceptual change » pour permettre l’appropriation de savoirs complexes.
L’accent est mis en premier sur la déconstruction. C’est un des principaux obstacles, avec la place du désir d’apprendre –ce qu’on appelle habituellement la motivation- et celle de la mobilisation, le passage du dire au faire... Tout apprenant ne peut construire qu’en prenant appui sur ses conceptions, seul outil à sa disposition pour décoder et mémoriser. Dans le même instant, il se doit de démonter ces dernières, faute de ne pouvoir (re)formuler autrement ses idées. D’où l’idée de faire « avec » pour aller « contre », aujourd’hui bien connue. Cette phase de déconstruction ne peut cependant être préalable comme le supposait le philosophe Gaston Bachelard, elle est totalement concomitante. L’apprenant ne peut lâcher un savoir que parce qu’il en a élaboré un autre et que celui-ci s’avère à ses yeux plus pertinent.
Ce qui fait entrer le processus d’apprendre dans un monde totalement paradoxal où la dynamique est le résultat le plus fréquemment de facteurs antagonistes.

Six dimensions dans l’apprendre

Pas facile ainsi d’adhérer à une telle approche. Plusieurs obstacles pédagogique et épistémologique sont à dépasser. Obstacle pédagogique en premier, l’apprendre est un processus éminemment complexe, non réductible à une seule recette. Légaliste, l’enseignant de base ne s’y retrouve pas toujours; il souhaite qu’on lui donne la bonne recette ! Que faire d’une méthode qui n’en est pas une et qui surtout qui ne lui fournit pas de solutions « clefs en mains ».
Si le «paysage» allostérique n’est pas un modèle, cela ne signifie pas que rien ne soit possible pour la pratique. L’approche allostérique de l’apprendre propose d’une part des outils pour comprendre l’apprenant et d’autre part des ressources pour le questionner, l’interpeller, voire le perturber et surtout le « nourrir ». Si elle ne trace pas une voie royale fait surgir un « environnement didactique » qui éclaire grandement la stratégie pédagogique de l’enseignant. Elle lui fournit un ensemble de paramètres significatifs pour accompagner l’élaboration de la pensée : le désormais « célèbre » « j’apprend si ».