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Formation
et carence politique
André Giordan
Ce
qui manque en matière de formation, c’est un minimum de réflexions…
et bien sûr un optimum d’innovations et de recherches. Au
moment où l’on renouvelle en dix ans la moitié des
personnels de l’éducation, comment peut-on encore prendre
au sérieux tout projet, monté entre quatre copains, dans
l’urgence d’un cabinet de ministre ! C’est comme si
on concevait le programme du nouvel Airbus sur un coin de table de bistrot…
Quel manque d’envergure quand on proclame que la matière
grise est notre plus grand capital. Quel mépris pour l’éducation
de la Nation ! Quel manque de vision sur l’avenir…
Au-delà de cette carence effrayante de volonté politique
qui frise l’inconscience, on ne peut avancer sérieusement
en matière de formation, tant que plusieurs oppositions stériles
auront cours. N’oppose-t-on pas inlassablement et de façon
puérile la «formation théorie » à la
«pratique» , la «formation académique dans une
discipline» à la «formation professionnelle»,
la formation «commune» et la formation «spécialisée».
Comme si on pouvait les séparer !.. La séparation entre
«formation initiale» et «formation continue» est
tout aussi dangereuse.
Une formation des enseignants ne peut se limiter à une formation
académique dans une discipline accompagnée d’une patine
psycho-socio-pédagogique, le tout en début de carrière.
Au contraire, il s’agit de mettre en antagonisme ces aspects opposés
pour faire émerger les nouvelles propositions.
Mais les principales questions à soulever pour (re)penser la formation
sont aussi en aval, le recrutement n’est jamais neutre. Si seule
la «formation théorique initiale, qui s’acquiert dès
le début des études supérieures, est évaluée
à l’occasion des épreuves théoriques des concours
de recrutement » (déclaration de Luc Ferry du 9 4 2003),
comment repérer au moins une sensibilité pour les jeunes,
pour l’apprendre, pour le travail en équipe ou simplement
pour le métier !
Un peu de « bon sens » serait utile… Et pas seulement
sur ce plan… En période de mutation, de situations complexes,
un enseignant devrait avoir avant tout une «personnalité»
; ensuite, elle devrait être porteur de savoirs issus de vie. Pas
seulement de savoirs universitaires… Ne devrait-on pas imposer à
tout candidat au métier une expérience de vie au préalable,
dans une autre profession, dans une association ou en matière humanitaire.
Peut-on être un véritable enseignant si on n’a jamais
quitté l’école !
Le bon sens est à mettre également en aval... Il reste de
terribles lacunes pour un tel métier. Nos enseignants ne reçoivent
toujours pas une formation pour comprendre ce qu’apprendre veut
dire. Le rapport de l’élève aux savoirs est toujours
aux «abonnés absents ». Pourquoi ne continueraient-ils
pas à l’envisager que comme le «bon élève»
qu’ils ont toujours été !
Last but not least… quand envisagera-t-on enfin quelques séquences
lors de la formation pour apprendre à «poser sa voix »,
être à l’aise avec son corps, travailler en équipes,
comprendre ce qu’est une institution, gérer les conflits
ou simplement… «parler aux parents »…
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